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La place du bonheur dans la philosophie.

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5 participants

descriptionLa place du bonheur dans la philosophie. - Page 6 EmptyRe: La place du bonheur dans la philosophie.

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Euterpe a écrit:
Chercher le bonheur, voilà bien une chose étrange

Bonsoir à toutes et tous et à Euterpe, je réagis à cette phrase qui m'a frappé par son étrangeté car j’aurais tendance justement à définir le bonheur comme étant ce qu’on cherche. Si tant est qu’on cherche quelque chose, que cherche-t-on d’autre que le bonheur ? Celui qui cherche l’argent, la simplicité, la connaissance ou le pouvoir, que sais-je encore ? ne cherche en fait que le bonheur.

On va dire : chercher ce qu’on cherche, c’est parler pour ne rien dire ; non, car en cherchant ce qu’on cherche on en aperçoit quand même parfois des reflets dorés, ou au contraire on aperçoit parfois des abîmes noirs et froids, des signes qui nous disent si on reste sur la bonne voie en cherchant ce qu'on cherche. Un peu comme ce jeu d’enfant consistant à chercher un objet caché : tu chauffes … tu es froid, fais un effort. L’activité humaine n’est donc pas étrange.

Non, je dirais que c’est la production issue de cette recherche qui est étrange, nouvelle, hors du commun, mais pas l’activité en soi. Ce n’est pas chercher qui est étrange puisque ça a un but précis, le bonheur, ce qui est étrange c’est ce qu’on trouve en cherchant le bonheur, ce qu’on crée aussi, et comment on le crée. Car pour moi le bonheur a rapport à l’art, à la justesse, à l’optimisation dans un sens d'harmonie.

Le bonheur n’a rien d’une notion extravagante, la sagesse populaire sait que le bonheur est simple. Mais le simple est extrêmement délicat, fragile, subtil, juste. On n’est pas mécontent au soir d’une journée où l’on a eu quelques gestes, paroles, pensées, actes justes, d'avoir construit ça dans le rapport avec les autres et le monde. Le bonheur c’est de chanter juste.

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Est-ce que nous pourrions nous accorder sur cette formulation (j'essaye de simplifier plus encore ) : nous appellerons "bonheur" ce qui doit être recherché ou l'est en effet, comme somme des biens ou bien supérieur (summum bonum) mais la difficulté consistant d'abord :


  • à savoir en quoi ce bonheur consiste, quels sont les biens dignes d'être recherchés, etc.
  • et le problème philosophique, peut-être ce qu'Euterpe appelle l'étrangeté : mais pourquoi, bon sang, ai-je besoin de rechercher le bonheur ? Sachant qu'à mesure que je creuse la question, elle devient de plus en plus déroutante.

Beaucoup de très bonnes choses là-dessus chez Kant, entre autres : je veux être heureux, mais je ne sais ni pourquoi, ni même ce que ça veut dire, en quoi ça consiste. Tous les contenus prétendus consistants que j'y injecte s'abiment immédiatement (par exemple : avoir du pognon ? Ça signifie immédiatement : je n'ai plus d'amis, mais seulement des courtisans qui n'en veulent qu'à mon fric, je n'ai plus d'amour, uniquement des, heu..., enfin des filles ayant les mêmes dispositions, etc.)

L'intérêt philosophique semble, pour me résumer, tenir dans le paradoxe qu'il y a à tendre naturellement vers quelque chose dont on ne sait pas ni ne saura jamais ce que c'est, dans la contradiction entre la déterminité de la forme et l'indétermination du contenu.

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bof a écrit:
définir le bonheur comme étant ce qu’on cherche.

Donc le bonheur est essentiellement quelque chose qui ne s'atteint jamais, sous peine de ne plus être le bonheur, puisqu'on l'aurait trouvé. A rapprocher de Nietzsche, "le but est une servitude", ou de la maxime sur le voyage qui veut que le trajet soit plus intéressant que la destination.

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bof a écrit:
Si tant est qu’on cherche quelque chose, que cherche-t-on d’autre que le bonheur ? Celui qui cherche l’argent, la simplicité, la connaissance ou le pouvoir, que sais-je encore ? ne cherche en fait que le bonheur.

Pas nécessairement. Si quelqu'un cherche de l'argent, est-ce ponctuellement, ou bien tout le temps ? A quelle occasion ? Pour lui, pour quelqu'un d'autre ? Selon quelle intention ? Voyez comme il faudrait progressivement resserrer la question pour savoir exactement ce que l'un ou l'autre peut chercher en cherchant ce qu'il cherche. Si je cherche de l'argent, ce peut être parce que, en ce moment, j'ai besoin de fonds supplémentaires pour régler une dette, acheter un objet dont j'ai une folle envie, etc. A chaque fois, nous avons affaire à quelque chose de différent. Mais on doit aller plus loin : ce que je cherche est censé répondre à quoi ? un objectif ? Ponctuel ou constant ? Un besoin ? Une envie ? Un désir ? Un principe ? Une activité ? Un mode de vie ? Répond-il à une nécessité ? On pourrait multiplier les questions : les variables sont innombrables. Même en rabattant le bonheur sur la satisfaction, nous aurions affaire aux mêmes difficultés.

Mais supposons résolue la question de savoir ce que l'on cherche en cherchant le bonheur, il faudrait encore affronter une autre difficulté. Si je cherche le bonheur, et si je prétends savoir ce que je cherche en cherchant le bonheur, cela signifie que j'ai connu le bonheur au moins une fois et que, l'ayant perdu, je le cherche à nouveau. Cette recherche est le signe d'une insatisfaction présente (laissons de côté son intensité ou sa nature, constitutive ou passagère, etc.). De plus, que je le cherche implique de considérer s'il dépend de moi ou pas, si les moyens dont je dispose pour l'atteindre existent et, s'ils existent, s'ils suffisent.

Enfin, même en admettant avoir connu le bonheur une fois au moins, puis-je être absolument certain qu'il s'agissait du bonheur ? Ce que je juge actuellement être le bonheur, je ne peux le juger tel que comparativement à autre chose. A quoi, au juste ? A des moments de satisfaction ? Quel est le critère, sinon une espèce de certitude intérieure, pour le savoir ? Surtout, c'est préjuger d'un bonheur futur que, peut-être, je connaîtrais un jour ; et qui sait si ce bonheur futur ne me révélera pas qu'en fait, ce que j'avais supposé être le bonheur ne fut qu'une satisfaction, intense peut-être, et propre à figurer le bonheur, mais satisfaction seulement ?

bof a écrit:
en cherchant ce qu’on cherche on en aperçoit quand même parfois des reflets dorés, ou au contraire on aperçoit parfois des abîmes noirs et froids, des signes qui nous disent si on reste sur la bonne voie en cherchant ce qu'on cherche.

Ce n'est pas suffisant. On ne dispose pas encore d'un critère avec des signes. Outre que par définition les signes n'offrent que des inférences, et non des preuves, ils sont trompeurs et n'offrent au mieux que des représentations (cf. la sémiologie). Mieux vaut se fier aux témoignages a posteriori qu'aux spéculations a priori, or combien ont affirmé tomber des nues, dans une déception profonde, une désillusion douloureuse, au moment de découvrir ce qu'ils avaient cru être le bonheur et qui s'était révélé un leurre, un rien, ou si peu ?

bof a écrit:
le bonheur est simple

Le bonheur est-il la simplicité elle-même ? Et la simplicité de quoi ? Cela n'implique-t-il pas de n'être pas exposé aux tentations, multiples, contingentes, etc., celles-là mêmes qui interdisent de vivre de peu en se contentant de son sort ?

bof a écrit:
On n’est pas mécontent au soir d’une journée où l’on a eu quelques gestes, paroles, pensées, actes justes, d'avoir construit ça dans le rapport avec les autres et le monde. Le bonheur c’est de chanter juste.

Substituez le mot joie au mot bonheur, ici, ou bien encore la satisfaction, ou le fait d'être content. Ça ne ferait aucune différence significative. La question même de la définition du bonheur reste donc posée. Partant, on ne peut pas ne pas s'interroger, face à l'indétermination du bonheur, l'incapacité à dire ce que c'est, sur l'étrangeté d'une quête qui, pour être naturelle, semble-t-il à beaucoup, est une quête tout à la fois d'un inconnu, d'un imprévisible, d'un improbable. Saura-t-on jamais ce qu'on cherche en cherchant le bonheur ?

Courtial a écrit:
savoir en quoi ce bonheur consiste, quels sont les biens dignes d'être recherchés

On retrouve la question philosophique du bonheur, liée à la vertu. Qui, sinon les philosophes, pour accepter le renoncement que cela implique ?

Courtial a écrit:
Beaucoup de très bonnes choses là-dessus chez Kant

A commencer par le Scolie II du Théorème II du premier chapitre du premier livre de la première partie de la Critique de la raison pratique.

jean ghislain a écrit:
Le bonheur n'est ni dans une vie maîtrisée par la raison ni dans une vie que commande la morale, mais dans l'accomplissement de ses volontés et de ses jouissances, dans la mesure du possible, donc aussi dans la liberté.

Dans ce cas, vous devez savoir ce qu'est le bonheur. Qu'est-ce donc ?


Dernière édition par Euterpe le Ven 14 Mar 2014 - 0:13, édité 1 fois

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Je ne pense pas qu'il soit possible de définir le bonheur.


Tout d'abord parce qu'il n'appartient pas au présent, ou du moins il n'appartient pas au présent du présent pour reprendre Saint Augustin. Il appartient au présent du passé, la mémoire, en effet l'on sait que l'on a eu le bonheur quand celui-ci n'est plus présent, c'est donc le souvenir. Il appartient aussi au présent du futur, en effet quand on ne le possède pas on le recherche.

Admettons que nous songions maintenant à penser au bonheur quand nous le vivons, et bien dès le moment où nous y pensons il n'est plus présent. En effet si l'on y pense c'est qu'on songe déjà au fait que l'on puisse le perdre puisque le fait d'y penser indique qu'on fait une comparaison avec un moment où nous ne le possédions pas, ce qui sous-entend que nous craignions de le perdre, or la peur est contraire au bonheur tel que peut le définir Épicure qui proscrit la peur dans la recherche du bonheur.

Par conséquent le bonheur n'est pas un état présent puisque l'on ne peut y songer en le vivant. Et par conséquent aussi la recherche du bonheur est absurde car nous poursuivons un désir qui ne peut être perçu quand il est vécu. Et donc on ne peut définir le bonheur pas plus que la mort. Les deux pouvant bien évidemment constituer une définition de notre état physique, et disons alors que le bonheur est le contentement de tous nos désirs, le contentement de tous nos besoins. Autre preuve de l'absurdité de cette recherche puisque le contentement d'un désir entraîne la recherche d'un autre désir.
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