bof a écrit: Si tant est qu’on cherche quelque chose, que cherche-t-on d’autre que le bonheur ? Celui qui cherche l’argent, la simplicité, la connaissance ou le pouvoir, que sais-je encore ? ne cherche en fait que le bonheur.
Pas nécessairement. Si quelqu'un cherche de l'argent, est-ce ponctuellement, ou bien tout le temps ? A quelle occasion ? Pour lui, pour quelqu'un d'autre ? Selon quelle intention ? Voyez comme il faudrait progressivement resserrer la question pour savoir exactement ce que l'un ou l'autre peut chercher en cherchant ce qu'il cherche. Si je cherche de l'argent, ce peut être parce que, en ce moment, j'ai besoin de fonds supplémentaires pour régler une dette, acheter un objet dont j'ai une folle envie, etc. A chaque fois, nous avons affaire à quelque chose de différent. Mais on doit aller plus loin : ce que je cherche est censé répondre à quoi ? un objectif ? Ponctuel ou constant ? Un besoin ? Une envie ? Un désir ? Un principe ? Une activité ? Un mode de vie ? Répond-il à une nécessité ? On pourrait multiplier les questions : les variables sont innombrables. Même en rabattant le bonheur sur la satisfaction, nous aurions affaire aux mêmes difficultés.
Mais supposons résolue la question de savoir ce que l'on cherche en cherchant le bonheur, il faudrait encore affronter une autre difficulté. Si je cherche le bonheur, et si je prétends savoir ce que je cherche en cherchant le bonheur, cela signifie que j'ai connu le bonheur au moins une fois et que, l'ayant perdu, je le cherche à nouveau. Cette recherche est le signe d'une insatisfaction présente (laissons de côté son intensité ou sa nature, constitutive ou passagère, etc.). De plus, que je le cherche implique de considérer s'il dépend de moi ou pas, si les moyens dont je dispose pour l'atteindre existent et, s'ils existent, s'ils suffisent.
Enfin, même en admettant avoir connu le bonheur une fois au moins, puis-je être absolument certain qu'il s'agissait du bonheur ? Ce que je juge actuellement être le bonheur, je ne peux le juger tel que comparativement à autre chose. A quoi, au juste ? A des moments de satisfaction ? Quel est le critère, sinon une espèce de certitude intérieure, pour le savoir ? Surtout, c'est préjuger d'un bonheur futur que, peut-être, je connaîtrais un jour ; et qui sait si ce bonheur futur ne me révélera pas qu'en fait, ce que j'avais supposé être le bonheur ne fut qu'une satisfaction, intense peut-être, et propre à figurer le bonheur, mais satisfaction seulement ?
bof a écrit: en cherchant ce qu’on cherche on en aperçoit quand même parfois des reflets dorés, ou au contraire on aperçoit parfois des abîmes noirs et froids, des signes qui nous disent si on reste sur la bonne voie en cherchant ce qu'on cherche.
Ce n'est pas suffisant. On ne dispose pas encore d'un critère avec des signes. Outre que par définition les signes n'offrent que des inférences, et non des preuves, ils sont trompeurs et n'offrent au mieux que des représentations (cf. la sémiologie). Mieux vaut se fier aux témoignages
a posteriori qu'aux spéculations
a priori, or combien ont affirmé tomber des nues, dans une déception profonde, une désillusion douloureuse, au moment de découvrir ce qu'ils avaient cru être le bonheur et qui s'était révélé un leurre, un rien, ou si peu ?
bof a écrit: le bonheur est simple
Le bonheur est-il la simplicité elle-même ? Et la simplicité de quoi ? Cela n'implique-t-il pas de n'être pas exposé aux tentations, multiples, contingentes, etc., celles-là mêmes qui interdisent de vivre de peu en se contentant de son sort ?
bof a écrit: On n’est pas mécontent au soir d’une journée où l’on a eu quelques gestes, paroles, pensées, actes justes, d'avoir construit ça dans le rapport avec les autres et le monde. Le bonheur c’est de chanter juste.
Substituez le mot joie au mot bonheur, ici, ou bien encore la satisfaction, ou le fait d'être content. Ça ne ferait aucune différence significative. La question même de la définition du bonheur reste donc posée. Partant, on ne peut pas ne pas s'interroger, face à l'indétermination du bonheur, l'incapacité à dire ce que c'est, sur l'étrangeté d'une quête qui, pour être naturelle, semble-t-il à beaucoup, est une quête tout à la fois d'un inconnu, d'un imprévisible, d'un improbable. Saura-t-on jamais ce qu'on cherche en cherchant le bonheur ?
Courtial a écrit: savoir en quoi ce bonheur consiste, quels sont les biens dignes d'être recherchés
On retrouve la question philosophique du bonheur, liée à la vertu. Qui, sinon les philosophes, pour accepter le renoncement que cela implique ?
Courtial a écrit: Beaucoup de très bonnes choses là-dessus chez Kant
A commencer par le Scolie II du Théorème II du premier chapitre du premier livre de la première partie de la
Critique de la raison pratique.
jean ghislain a écrit: Le bonheur n'est ni dans une vie maîtrisée par la raison ni dans une vie que commande la morale, mais dans l'accomplissement de ses volontés et de ses jouissances, dans la mesure du possible, donc aussi dans la liberté.
Dans ce cas, vous devez savoir ce qu'est le bonheur. Qu'est-ce donc ?