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La place du bonheur dans la philosophie.

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5 participants

descriptionLa place du bonheur dans la philosophie. - Page 7 EmptyRe: La place du bonheur dans la philosophie.

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Je serais plutôt d'accord avec vos deux premiers paragraphes, qu'on peut formuler plus simplement : le bonheur ne se vit qu'au passé (illusion d'un bonheur perdu, voire promesse à rebours, quand ça devient pathologique) et qu'au futur (illusion d'un bonheur à venir). Le bonheur serait toujours quelque chose de perdu ou de promis, jamais actuel ni jamais actualisable. C'est l'inactualité constitutive du bonheur qui permet de s'apercevoir qu'y penser manifeste son absence (bonheur au passé = nostalgie ; bonheur au futur = espérance).

Mais vous ne tirez pas correctement les conséquences de cela. Que l'on ne puisse penser au bonheur sans le perdre immédiatement pour cette raison même, cela signifie qu'il ne peut se vivre qu'au présent, jamais autrement. Ce qui signifie, ici, que le vivre au présent, actuellement (ici et maintenant), c'est le vivre sans y penser, dans son immédiateté même, dans une coïncidence à soi qu'il nous est rarement donné de vivre. On retrouve la classique séparation entre la pensée et le bonheur, qui a donné une iconographie admirable, et une immense littérature mélancolique.

Enfin, le bonheur semble l'apaisement ou le sommeil du désir plutôt que le contentement de tous les désirs, car le désir n'est plus alors prisonnier du cercle de la satisfaction et de l'insatisfaction, mais un désir plein de lui-même : l'accord, avec soi-même et avec le monde (cf. la parousie chez Rosset, ou ce qu'il dit du singulier, dans son œuvre, ou la présence chez Bonnefoy). C'est pourquoi le bonheur est et reste indéfinissable : qu'est-ce qui nous (r)accorde à nous-mêmes et au monde ? Tout et rien, on ne le sait pas à l'avance, ni quand, ni où.
jeje62 a écrit:
Autre preuve de l'absurdité de cette recherche

En ce domaine, comme en tant d'autres, la preuve n'existe pas.


Dernière édition par Euterpe le Ven 14 Mar 2014 - 0:14, édité 3 fois

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J'imagine le bonheur comme l'être plein de lui-même, l'unité retrouvée sous la forme d'une sphère parménidéenne. Mais l'ex-istence est déchirure, possibilité d'une conscience dans le surgissement du temps au sein de l'éternité, mais par là négativité qui cherche à se résorber. Ainsi, le bonheur peut nous tomber dessus lorsque l'on ne s'y attend pas, il reste cependant rare et quels que soient les objets qui nous satisfont nous sommes condamnés à rechercher à satisfaire perpétuellement des désirs insatisfaits, le conatus spinoziste étant la persévérance dans l'être, accroissement de puissance mais en même temps symptôme de notre existence vide ou incomplète, finitude d'un existant qui est un mode de l'être tout en restant dans un écart irréductible à l'Être auquel il participe. Dans cette perspective, la temporalité me semble contraire au bonheur, tandis que seule la joie peut nous sauver momentanément. Le bonheur est ou n'est pas, il ne peut être un semi-bonheur. C'est un état que l'on imagine plein et maximal, absolu. En ce sens il est semblable au besoin de trouver le salut en Dieu. Mais il n'est pas de ce monde où les intensités varient en degrés infinis sur l'échelle des plaisirs et souffrances qui s'alternent. Je vois le bonheur comme un besoin de répit, et comme l'inverse du mouvement inhérent à la vie et à ce qu'elle est pour l'homme (auto-affection de soi et susceptible de générer une conscience qui est présence de soi à soi, donc déchirure originelle qui nous est constitutive). Pour finir, je lierais la tentative désespérée de se raccrocher à l'idéal du bonheur (qui est chimérique, sauf cas exceptionnel - mais je pense que l'on confond moments de joie ou d'extase et le bonheur qui serait un absolu - peut-être suis-je celui qui crée la confusion d'ailleurs), qui peut cependant nous motiver dans notre existence pour agir, à cette phrase de Levinas : « Il y a dans la mort la tentation du néant de Lucrèce, et le désir de l’éternité de Pascal. Ce ne sont pas deux attitudes distinctes : nous voulons à la fois mourir et être. » Rechercher le bonheur c'est vouloir atteindre la perfection, être. Mais c'est nier la transcendance perpétuelle du mouvement vital. Si le bonheur peut nous motiver à agir il ne saurait être atteint ou en tout cas je pense qu'il mettrait fin à l'ex-istence et serait synonyme de mort. D'où le succès des arrières-mondes. Au contraire, une harmonie de soi avec le monde est-elle possible ? S'agirait-il de se sentir justifié dans l'existence et le monde malgré les contradictions inhérentes à l'existence humaine ? [Désolé pour la formulation et l'argumentation maladroites, je n'ai pas tous mes moyens après une nuit d'insomnie]


Dernière édition par Silentio le Lun 20 Juin 2011 - 17:48, édité 1 fois

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Silentio a écrit:
C'est un état que l'on imagine plein et maximal, absolu.

L'étymologie du mot absolu désigne un aspect auquel on ne prête pas assez attention quand on emploie le vocable : la séparation. Est absolu ce qui est détaché, séparé, ce qu'implique la complétude ou la totalité à laquelle on associe volontiers le bonheur. Ceux qui le conçoivent ainsi me paraissent, en fait, vouloir la mort. Ce qu'on retrouve dans la remarque de Lévinas que vous citez : être et mourir c'est tout un d'une certaine manière, la mort étant pour ainsi dire le point d'ancrage de l'être, ce qui le fixe et le fige. Entre les deux, il y a la vie, le mouvement, le réel.

Or chez Rosset, le réel c'est le singulier, autrement dit ce qui ne peut faire l'objet d'un concept. Et on retrouve alors la position kantienne. Rosset en tire les conséquences en ceci que le bonheur, chez lui, c'est justement le fait d'être heureux que le réel soit, non pas ceci ou cela (particulier), mais ce qu'il est : singulier, qui échappe au concept, qui est ce qu'il est indépendamment de et antérieurement à toute pensée, à toute représentation. Le singulier (le réel) c'est cela qui s'affirme et à quoi on adhère pleinement, à quoi on se sent présent. C'est pourquoi être heureux c'est être bien incapable de dire clairement en raison de quoi et à propos de quoi, et pour cause : le singulier est indicible, ce dont on ne peut rien dire, et dont on peut tout dire par conséquent. Rosset constate que le plus souvent, on se contente d'énumérer des choses (content de ceci, content de cela), sans que cela explique le bonheur qu'on éprouve. Le bonheur est bête, et ne peut être que de ce monde, puisqu'il nous rive au réel et à lui seul. (A rapprocher de tout ce qu'il dit à propos de la musique, c'est exactement la même chose.)

Silentio a écrit:
En ce sens il est semblable au besoin de trouver le salut en Dieu. Mais il n'est pas de ce monde où les intensités varient en degrés infinis sur l'échelle des plaisirs et souffrances qui s'alternent. Je vois le bonheur comme un besoin de répit, et comme l'inverse du mouvement inhérent à la vie et à ce qu'elle est pour l'homme (auto-affection de soi et susceptible de générer une conscience qui est présence de soi à soi, donc déchirure originelle qui nous est constitutive). Pour finir, je lierais la tentative désespérée de se raccrocher à l'idéal du bonheur (qui est chimérique, sauf cas exceptionnel - mais je pense que l'on confond moments de joie ou d'extase et le bonheur qui serait un absolu - peut-être suis-je celui qui crée la confusion d'ailleurs), qui peut cependant nous motiver dans notre existence pour agir, à cette phrase de Levinas : « Il y a dans la mort la tentation du néant de Lucrèce, et le désir de l’éternité de Pascal. Ce ne sont pas deux attitudes distinctes : nous voulons à la fois mourir et être. » Rechercher le bonheur c'est vouloir atteindre la perfection, être. Mais c'est nier la transcendance perpétuelle du mouvement vital. Si le bonheur peut nous motiver à agir il ne saurait être atteint ou en tout cas je pense qu'il mettrait fin à l'ex-istence et serait synonyme de mort. D'où le succès des arrières-mondes.

Ce paragraphe me paraît mieux convenir pour parler de l'espérance ou de la quiétude, plutôt que du bonheur, et implique une manière contemplative d'être au monde.

Dernière édition par Euterpe le Sam 30 Juil 2016 - 8:31, édité 2 fois

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Mais le bonheur n'est-il pas dans la contemplation ? En effet dans l'effort de contemplation l'homme rassemble le tout et le rien. Il fait appel à sa condition d'être pour pouvoir contempler le monde. Mais la contemplation appelle à l'oubli de soi. Dans cet effort il est et n'est pas en même temps. Il doit être et ne pas être pour contempler. De plus la contemplation appelle à notre regard d'homme s de culture et en même temps laisse ce regard muet. On ne peut se défaire de sa culture mais on ne la laisse pas s'exprimer. On se détache de la réalité tout en y étant ancré. On est mais on ne supporte pas le poids de son existence.

La quiétude peut donc convenir au bonheur. L'homme est en paix, dans ce sentiment, il ne dépend plus ni de ses passions, ni de ses besoins. Il a donc quitté le cercle de la satisfaction et de l'insatisfaction.

jean ghislain a écrit:
Puis c'est une question de volonté, car il faut toujours faire mille efforts pour faire ce qu'on veut.

Selon Sartre tout ce que fait l'homme est l'expression de sa volonté, par conséquent ce n'est pas la volonté qui est requise ici, c'est plutôt accepter le poids de ses choix.

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jeje62 a écrit:
Mais le bonheur n'est-il pas dans la contemplation ?
C'est la question à laquelle implicitement j'invitais Silentio. Elle est intéressante parce que la contemplation, je crois, est ce qui se rapproche le plus du bonheur, d'une certaine manière, mais aussi ce qui nous en éloigne le plus. La contemplation est unilatérale, comme le réel, mais en sens inverse l'un et l'autre. Je m'explique. L'attention extrême qu'elle exige, en soi, implique d'être absent à soi-même pour être présent au monde. Mais cette présence au monde nous livre-t-elle la présence du monde ? Vous disiez à juste titre, dans votre intervention précédente, que la pensée interdit le bonheur. Or la contemplation est une pensée, peut-être la plus près de toucher le monde, mais avec l'esprit. La contemplation est spirituelle ; le bonheur n'a rien de spirituel, c'est la présence du monde, affirmation pure qui, comme telle, nous réduit au silence, ou à l'hébétude sitôt qu'on voudrait en dire quelque chose. Quoi de plus normal ? Nous ne disposons d'aucun mot qui ne soit pas en même temps un concept, c'est-à-dire une abstraction. Même la poésie, dont c'est le rêve, elle qui est si triste à cause de cela même, ne réussit pas, ou rarement, à inventer la langue parfaite : la langue non conceptuelle. En ce sens, lorsque le réel (le singulier) débarque et frappe à notre porte, avec le bonheur sous le bras, il nous livre aussi, l'espace d'un instant, la garantie d'en jouir un peu : l'effet de surprise interdit toute réponse, toute parole et toute pensée. Puis, quand elles reviennent, elles ne peuvent saisir autre chose qu'un souvenir. Le bonheur s'en est allé rendre visite à quelqu'un d'autre. Tandis que le contemplatif a besoin de toute sa pensée pour se maintenir dans, pour habiter le monde auquel il a su se rendre présent, mais à quel prix ?

jeje62 a écrit:
La quiétude peut donc convenir au bonheur. L'homme est en paix, dans ce sentiment, il ne dépend plus ni de ses passions, ni de ses besoins. Il a donc quitté le cercle de la satisfaction et de l'insatisfaction.
Sans doute y en a-t-il que la quiétude rend plus heureux que le bonheur. Après tout, même le bonheur n'a jamais satisfait tout le monde.
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