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Lire Kant.

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5 participants

descriptionLire Kant. - Page 9 EmptyRe: Lire Kant.

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Liber a écrit:
Pas besoin pour Schopenhauer de se trifouiller le cerveau comme Kant pour savoir si on peut prouver que Dieu existe ou qu'il n'existe pas.

En même temps, Kant a fait le boulot avant lui.

Liber a écrit:
Tu remarqueras que pas une seule fois dans le Monde... Schopenhauer ne s'embarrasse de cette question, pourtant centrale jusqu'à lui dans la philosophie occidentale. Ce qui saute aux yeux de n'importe quel lecteur de la Critique de la Raison pure, est l'importance de ces questions chrétiennes, alors que Schopenhauer ne s'en soucie pas, hormis sur la question morale, et encore uniquement pour le sentiment de pitié.

Mais est-ce qu'on ne peut pas voir la Volonté comme une force remplaçant Dieu, à la manière dont Spinoza parle de Dieu, c'est-à-dire la Nature ?

Liber a écrit:
Penses-tu que la raison chez Kant ne soit pas soutenue par les sentiments ?

Certainement, et je suppose que cela motive la croyance qu'il a dans la toute-puissance de la raison (il est tout de même curieux, comme le dit Nietzsche, que la raison soit juge et accusée).

Liber a écrit:
"J'espère dans la vie éternelle", est-ce vraiment raisonnable ? "Je crois en un Être suprême", raisonnable ? "Je sens une âme dans mon corps périssable", encore raisonnable ? Il n'y a pas croyances plus contre-nature et plus miraculeuses

L'espérance n'a pas besoin de se justifier. Pour le reste, ce n'est pas nouveau, la philosophie et la logique ont depuis l'Antiquité été amenées à reconnaître un Être suprême (comme premier moteur par exemple) ou la distinction de l'âme et du corps. Mais là encore, c'est croire à la raison et même à la grammaire. Voltaire lui-même était déiste, non ?

Liber a écrit:
Je ne peux pas trancher sur l'existence des ovnis, donc je dois y croire, cette foi s'impose à moi : elle est rationnelle. C'est absurde de raisonner comme ça sur les ovnis, non ? Alors pourquoi ça marche avec Dieu et pas avec les ovnis ?

Ces deux objets n'ont pas le même statut. La pensée conçoit une cause première, de l'infini, etc., et en plus l'homme sent le besoin de se rattacher à une force supérieure qui donne un sens à sa vie. La croyance est ainsi justifiée pour la pratique, même si elle excède la connaissance théorique (ou théorétique ?) et parce qu'elle demeure sollicitée par la raison, d'une part parce qu'elle est l'aboutissement d'un raisonnement logique, d'autre part parce que la raison est circulaire et unifiante, elle trouve en Dieu de quoi boucler la boucle. A ce que je sache, je n'ai pas besoin des ovnis pour vivre ni pour modéliser la totalité de l'être et de la connaissance. C'est comme cela que je le comprends, maintenant je ne soutiens pas Kant puisque je pense qu'il se trompe en accordant autant de crédit à la raison, il me semble cependant que si toute croyance est irrationnelle, comme l'est la foi pour Pascal, elle est rationnelle dans la façon que l'individu a de l'appréhender, de la comprendre et de la vivre. En soi la croyance n'est pas mauvaise, et même sans croire en Dieu nous croyons en notre quotidien, nous avons des habitudes, nous donnons un certain sens à notre existence, nous pouvons même encore être superstitieux ou croire en la science. La croyance permet d'habiter le monde et d'y développer notre puissance, en cela même une croyance religieuse peut avoir du bon, puisqu'elle est un facteur de confiance. Il faut néanmoins savoir ce que l'on fait de cette croyance, à quoi elle sert. Avec Kant le problème est, en effet, de passer par des portes dérobées quand les autres sont très clairs et assument leur croyance, tout ça pour imposer à l'homme une morale impossible à laquelle obéir. Le plus enrageant, d'un point de vue religieux, est peut-être de se servir de Dieu pour rabaisser l'homme et l'enchaîner (sous couvert de lui promettre une libération) quand la morale devrait servir l'homme et l'homme servir Dieu. Postuler Dieu, même si c'est dans l'ordre de la raison, sert finalement de prétexte à la morale. On pourrait, de plus, dire que lorsque l'on nous promet le règne de la liberté du nouménal sur le monde phénoménal, il s'agit en réalité de conformer le monde sensible au diktat de l'abstraction, du formalisme.

Liber a écrit:
Et on en revient à Pascal, toujours lui, "Le cœur a ses raisons..."

Oui mais avec Pascal la foi n'est pas d'emblée dans la raison, les deux sont bien distincts, seulement le cœur a plus de force que la raison par son évidence et la raison, par la suite, en reconnaissant ses limites et son impossibilité à comprendre l'irrationnel, reconnaît et légitime le sentiment. Seulement, la raison ne peut prouver la foi et les évidences du cœur (c'est pourquoi on va combattre la théologie scolastique) et la foi ne peut rien dire à la raison, sinon qu'elle n'est pas toute puissante et qu'il manque quelque chose à celui qui ne suit que la raison. Il faudrait quand même que je relise les Pensées pour être précis sur la relation entre les deux ordres. Contrairement à Kant, Pascal est sceptique vis-à-vis de la raison, ou plutôt du raisonnement, qui peut nous illusionner, et il place au-dessus d'elle le cœur, puisque le raisonnement ne peut prouver les certitudes ou vérités premières que nous sentons.

Liber a écrit:
Du côté des hommes en bonne santé (cf. Gœthe : "romantisme = maladie, classique = sain"). Quand tu lis le rubicond Diderot, le pétillant Voltaire, et que tu passes ensuite aux larmoyants romantiques, tu entres dans un hôpital.

Ça c'est sûr, ils sont plus vivants et plaisants, ils sont vivifiants, mais je trouve plus de beauté et de profondeur (même si elle serait illusoire, elle fait son effet) aux romantiques. Tout à l'heure encore je lisais Hölderlin et c'est magnifique, voire sublime, très loin devant les bons mots des français. Mais pour apprécier chaque tendance à sa juste valeur il peut être bon d'alterner, afin de connaître le chaleureux Diderot et le sérieux viscéral des allemands.

Tu peux toujours me dire évidemment que la maladie a ses vertus, comme faisait Nietzsche, mais ce sera toujours en rapport avec la santé, et même la Grande Santé, comme un asthmatique rêve de courir à pleins poumons, et un affamé d'une côte de bœuf grillée avec des frites.

J'aime surtout l'alternance des phases les plus joyeuses et les plus dures, et les mouvements infimes ou les nuances, que ce soit chez les romantiques ou dans l'écriture tragique et héroïque de Nietzsche. La désolation donne plus de goût aux petits riens, à la joie, etc. Plus dure sera la chute, nous transperçant aussi, mais plus agréable sera la délivrance ou la jouissance. La souffrance, même la plus terrible, n'est pas une raison pour condamner la vie, elle est aussi la vie dans son intensité, elle nous met face à elle, lui donne de la valeur, et nous anime, permet que nous cherchions à la dépasser. Elle permet de se perfectionner, de créer et de couvrir la vie de lauriers en la sublimant.

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Silentio a écrit:
Kant a fait le boulot avant lui.

Schopenhauer n'a rien repris dans cette partie de l'œuvre kantienne. La représentation oui, mais pour ce qui est du monde nouménal, il revient à Plotin, aux Idées de Platon, aux scholastiques, donc bien en amont de Kant, comme si les conclusions de Kant n'avaient aucune valeur.

Mais est-ce qu'on ne peut pas voir la Volonté comme une force remplaçant Dieu, à la manière dont Spinoza parle de Dieu, c'est-à-dire la Nature ?

La Volonté n'est ni la Nature, ni quelque chose en dehors de la Nature. Ce concept de Schopenhauer est le plus souvent réduit à une équivalence grossière à la "substance" (laquelle du reste ?), mais il est beaucoup plus subtil, autrement changer un mot pour un autre n'aurait aucun intérêt et nous n'en parlerions pas. Il faudrait un sujet spécial pour l'expliquer.

L'espérance n'a pas besoin de se justifier.

Pas plus que tout autre sentiment. Mais le philosophe a décidé de les expliquer, donc de se justifier quand on lui répond. La difficulté est alors de faire intervenir la Raison qu'il a séparée de tout sentiment.

Pour le reste, ce n'est pas nouveau, la philosophie et la logique ont depuis l'Antiquité été amenées à reconnaître un Être suprême (comme premier moteur par exemple) ou la distinction de l'âme et du corps. Mais là encore, c'est croire à la raison et même à la grammaire.

Vous faites comme si tous les philosophes avaient été obligés de reconnaître l'existence d'un Dieu ou d'une âme, alors que vous possédez la culture suffisante pour savoir que c'est faux. Je peux vous rappeler tous les philosophes ne "reconnaissant" pas ces deux choses. Il y aurait donc une obligation (logique ?) qui nous enjoindrait d'accepter un Être suprême et, ce qui va "de soi", une âme ! Ne croyez-vous pas plutôt que c'est seulement une tradition philosophique qui a trouvé un poids important avec la venue du christianisme ? Combien de temps depuis Démocrite et Anaxagore a-t-il fallu à l'Occident avant de revoir des philosophes athées ? Curieusement, les athées surviennent à un moment où l'Église perd considérablement de son influence dans les milieux cultivés. Et ça ne s'est pas fait tout seul, ces philosophes ont lutté des siècles pour imposer une autre vision.

Voltaire lui-même était déiste, non ?

Ce qui voulait dire athée. Le déisme était une position permettant de ménager les susceptibilités.

Ces deux objets n'ont pas le même statut. La pensée conçoit une cause première, de l'infini, etc., et en plus l'homme sent le besoin de se rattacher à une force supérieure qui donne un sens à sa vie.

Oui mais est-ce parce que, comme chez Pascal (voir plus bas) l'homme sent son impuissance devant sa propre pensée, ou bien parce qu'il sent, en dehors de toute pensée, donc de façon irrationnelle, le besoin d'un sens (une présence humaine ou similaire), ou tout aussi bien l'absence de besoin (Schopenhauer ne cherchait pas de sens à la vie) ?

Avec Kant le problème est, en effet, de passer par des portes dérobées quand les autres sont très clairs et assument leur croyance, tout ça pour imposer à l'homme une morale impossible à laquelle obéir. Le plus enrageant, d'un point de vue religieux, est peut-être de se servir de Dieu pour rabaisser l'homme et l'enchaîner (sous couvert de lui promettre une libération) quand la morale devrait servir l'homme et l'homme servir Dieu. Postuler Dieu, même si c'est dans l'ordre de la raison, sert finalement de prétexte à la morale. On pourrait, de plus, dire que lorsque l'on nous promet le règne de la liberté du nouménal sur le monde phénoménal, il s'agit en réalité de conformer le monde sensible au diktat de l'abstraction, du formalisme.

Tout à fait d'accord là-dessus.

la raison, par la suite, en reconnaissant ses limites et son impossibilité à comprendre l'irrationnel, reconnaît et légitime le sentiment.

Je ne crois pas qu'il y ait de l'irrationnel chez Pascal. Au contraire, dans un texte comme les deux infinis :
Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable

Rien d'irrationnel dans ce Dieu, et donc dans l'univers.

La question qu'il pose est :
Que fera-t-il donc, sinon d'apercevoir quelque apparence du milieu des choses, dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ? Toutes choses sont sorties du néant et portées jusqu'à l'infini. Qui suivra ces étonnantes démarches? L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire.

Par suite, la raison ne légitime pas le sentiment comme un accès à l'irrationnel, mais simplement comme un abandon à Dieu, qui seul comprend, se comprend : "L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire." Acte de dévotion, acte d'amour. Mais la merveille est de bout en bout née de la rationalité. Sur ce point, absolument rien à voir entre le pessimisme de Pascal, qui n'est pas bien grave, et celui de Schopenhauer, désespéré et qui ne nous laisse que la pitié, mais pas d'amour, étant entendu qu'amour et connaissance sont intimement liés.

Infiniment éloigné de comprendre les extrêmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable

A ce sujet, Flaubert (et je m'inspire là d'une remarque de Bourget que j'ai toujours trouvée fort pertinente), montre dans ses héros la déception devant ce secret une fois dévoilé. Derrière, il ne trouve que le néant ! C'est bien là la source de ce terrible nihilisme que n'ont pas connu les plus acharnés des pessimistes de jadis. La connaissance valait tant qu'on pensait que quelque chose de merveilleux nous attendait au port. Mais ce port s'est transformé en une immense steppe funèbre.

J'aime surtout l'alternance des phases les plus joyeuses et les plus dures, et les mouvements infimes ou les nuances, que ce soit chez les romantiques ou dans l'écriture tragique et héroïque de Nietzsche.

Mais les autres connaissent aussi cette alternance, cependant ils ne s'y enfoncent pas, ils ne se laissent pas aller, parce qu'ils ont trop de ressources pour ne pas immédiatement remonter la pente. Ainsi chez Gœthe, qu'on pourrait à tort croire heureux, ou du moins optimiste. La mollesse de l'abandon, perceptible chez la plupart des auteurs romantiques, conduit invariablement au pessimisme. Même Stendhal en est victime. Sa chasse au bonheur est ainsi très féminine, il cherche à s'abandonner, soit devant des œuvres d'art, soit devant des femmes, soit devant le danger de la mort. C'est un Senancour plus énergique et ensoleillé, un Senancour italien.

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Liber a écrit:
Je ne voudrais pas évoquer un forumeur québécois de notre connaissance, mais là sa critique prend tout son sens. Tu fais comme si tous les philosophes avait été obligés de reconnaître l'existence d'un Dieu ou d'une âme, alors que tu possèdes la culture suffisante pour savoir que c'est faux.

Je ne crois pas avoir généralisé ni affirmé qu'il n'y avait que l'idéalisme qui comptait, je replaçais justement Kant dans une tradition, qui a été dominante. Rien de nouveau là-dessus, et rien de choquant à ce qu'il reprenne des conceptions de l'idéalisme antique ou de l'idéalisme cartésien.
Liber a écrit:
Rien d'irrationnel dans ce Dieu, et donc dans l'univers.

Chez Pascal, la foi est un ordre différent de la raison, elle ne peut être prouvée par elle, donc elle est en dehors de la raison, irrationnelle. De plus, le Dieu de Pascal est un Dieu caché, quasiment inaccessible, sinon par la grâce. Comment l'homme, fini, pourrait-il entrer en contact avec un Dieu infini ?
Liber a écrit:
Par suite, la raison ne légitime pas le sentiment comme un accès à l'irrationnel, mais simplement comme un abandon à Dieu, qui lui seul comprend, se comprend : "L'auteur de ces merveilles les comprend. Tout autre ne le peut faire." Acte de dévotion, acte d'amour. Mais la merveille est de bout en bout née de la rationalité. Sur ce point, absolument rien à voir entre le pessimisme de Pascal, qui n'est pas bien grave, et celui de Schopenhauer, désespéré et qui ne nous laisse que la pitié, mais pas d'amour, étant entendu qu'amour et connaissance sont intimement liés.

Oui mais s'abandonner à Dieu est l'affaire d'un pari et non la conclusion d'un raisonnement, bien que le pari offre une rationalité à celui qui le fait, puisqu'il faut choisir et jouer pour gagner. Ou bien Dieu est affaire de foi. Bref, Pascal est un sceptique en philosophie, un pyrrhonien absolu, et s'est toujours raccroché à sa foi, parce que seule la religion peut apporter des réponses, même si elle est fausse, alors que la philosophie s'illusionne dans la raison.

Sinon, pour revenir à Schopenhauer, je ne voudrais pas le caricaturer, mais il est amusant de voir à quel point la radicalité de son athéisme ne l'empêche pas de traduire dans sa philosophie le christianisme. La vie comme vallée de larmes, le désir incomplet, l'ascèse de renoncement à soi ou d'oubli de soi dans la contemplation des Idées, etc. Son athéisme ne l'a pas du tout libéré du christianisme, j'ai plutôt l'impression, vu de loin bien sûr (il faudra me corriger si je me trompe), que sa philosophie s'accommode de tout ce qu'il y a de plus sombre dans le christianisme et le pérennise, d'autant plus, paradoxalement, qu'il n'y a pas de Dieu.

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Silentio a écrit:
une tradition, qui a été dominante

Dominante, d'accord. Mais dans votre précédente argumentation, vous laissiez penser que la forme, le mouvement même de la pensée, obligeait (c'est bien le terme que vous avez employé) à conclure à un Être suprême. Ce qui voudrait dire qu'Aristote supplante Démocrite, par exemple. Alors je pose cette question : "Est-on obligé de considérer l'hypothèse de Dieu pour philosopher, parce qu'une tradition dominante l'a fait pendant des siècles ?" Et donc, la CRP est-elle indispensable ? Si je suis un disciple d'Épicure, la CRP ne s'impose pas comme un livre indispensable.

Rien de nouveau là-dessus, et rien de choquant à ce qu'il reprenne des conceptions de l'idéalisme antique ou de l'idéalisme cartésien.

Rien de choquant non plus à ce qu'il ne les eût pas repris. Je peux faire de la métaphysique sans penser à un Être suprême, ni à l'âme. Alors, la question à mille euros : "Pourquoi les a-t-il reprises ?" Juste parce que c'était la pensée dominante ? C'est donc un piètre philosophe. Si on veut lui accorder du génie, tout comme à Descartes et la plupart des autres, il va falloir croire en Dieu, ou au moins faire semblant. Je suis athée, pourquoi donc lirais-je les Méditations métaphysiques ?

Liber a écrit:
Rien d'irrationnel dans ce Dieu, et donc dans l'univers.

Chez Pascal, la foi est un ordre différent de la raison, elle ne peut être prouvée par elle, donc elle est en dehors de la raison, irrationnelle.

La foi en quoi ? En un dieu considéré comme rationnel ou irrationnel ? Parce que moi dans le texte des deux infinis, je lis que Dieu est tellement balaise intellectuellement qu'il conçoit des animalcules impossibles à voir à l'œil nu, et dans ceux-là, encore d'autres plus petits, et de même pour les objets les plus grands. C'est pas une idiote de Volonté qui ne sait pas ce qu'elle fait ni pourquoi. Ce qui me permet au passage de critiquer Nietzsche qui trouvait fort dommage que la belle intelligence du grand savant Pascal ait été détruite par le christianisme. C'est faux, la foi n'a pas détruit l'intelligence chez Pascal.

Comment l'homme, fini, pourrait-il entrer en contact avec un Dieu infini ?

Mais par l'amour ! L'amour n'est pas fini lui ! C'est barré du côté de la connaissance, mais pas du côté du cœur ! Bien sûr, par "cœur" il faut encore entendre quelque chose de rationnel. On aime toujours une intelligence. Schopenhauer lui-même n'a pas osé aller jusqu'au bouddhisme, aimer le néant. C'était sans doute inconcevable pour notre mentalité occidentale.

Oui mais s'abandonner à Dieu est l'affaire d'un pari et non la conclusion d'un raisonnement

Je vous ferai la même réponse que plus haut. On s'y abandonne parce qu'on sait où on va. La bonne idée que de s'abandonner à l'inconnu. Quel intérêt ? Pascal sait de quoi il parle, que ce soit en science ou dans les Écritures. Du reste, lui-même ne pariait pas, c'est une astuce pour convertir les autres.

Pascal est un sceptique en philosophie, un pyrrhonien absolu

Oui là je suis d'accord, mais uniquement sur la morale, pas sur la raison. Le contraire de Kant. Certitude sur Dieu, incertitude sur la morale.

Sinon, pour revenir à Schopenhauer, je ne voudrais pas le caricaturer, mais il est amusant de voir à quel point la radicalité de son athéisme ne l'empêche pas de traduire dans sa philosophie le christianisme. La vie comme vallée de larmes, le désir incomplet, l'ascèse de renoncement à soi ou d'oubli de soi dans la contemplation des Idées, etc. Son athéisme ne l'a pas du tout libéré du christianisme, j'ai plutôt l'impression, vu de loin bien sûr (il faudra me corriger si je me trompe), que sa philosophie s'accommode de tout ce qu'il y a de plus sombre dans le christianisme et le pérennise, d'autant plus, paradoxalement, qu'il n'y a pas de Dieu.

Ah mais oui, bien sûr ! Schopenhauer a toujours revendiqué une morale chrétienne, mais sous une forme épurée, qui ressemble comme deux gouttes d'eau au bouddhisme, et sans amour ni lois (sur ce dernier point semblable à Pascal), uniquement basée sur la pitié. Je ne tue pas mon prochain parce que je sais que c'est un misérable comme moi. C'est en effet illogique de causer de la misère s'il n'y a pas d'espoir d'améliorer par là son sort. Platon aurait dû penser de la sorte, quand il s'en prenait aux intérêts des méchants. ;)


Dernière édition par Liber le Jeu 12 Mai 2011 - 14:57, édité 1 fois

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« C'est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi, Dieu sensible au cœur non à la raison ». La raison a besoin de la foi, pour compléter et fonder la connaissance, mais la foi n'a pas besoin de la raison. Quant à Dieu, il a sûrement sa propre rationalité, mais la raison humaine est impuissante à connaître Dieu : il n'est ni rationnel ni irrationnel, il est et nous ne pouvons comme Leibniz nous mettre à sa place. Pascal parle aussi d'humilier la raison pour laisser place à la foi.
Liber a écrit:
Si je suis un disciple d'Épicure, la CRP ne s'impose pas comme un livre indispensable.

Est-ce qu'Épicure est un métaphysicien ?
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