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Lire Kant.

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5 participants

descriptionLire Kant. - Page 8 EmptyRe: Lire Kant.

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Silentio a écrit:
Euterpe a écrit:
J'ai peut-être raté une étape de votre conversation, mais je ne vois pas le rapport entre cette remarque et celle de Liber. Pourquoi mentionnez-vous le mysticisme ?

Je dis cela parce que Liber classait les philosophes en deux catégories, d'un côté le dogmatisme religieux et de l'autre le scepticisme pessimiste ou athée.

Le "religieux" est en trop. D'une part, on trouvait déjà dans l'Antiquité des philosophes sceptiques. D'autre part, bien que les philosophes qui ont tenté de prouver l'existence de Dieu aient été des croyants, ils se distinguaient nettement des dogmatiques de l'Église.

Oppose-t-on dogmatique à sceptique ? Pour moi le sceptique doute de la raison, tel Schopenhauer. Il ne me semble pas que Kant ait douté un seul instant de la raison. Il en a fait une critique, soit, mais comme on teste un outil pour voir jusqu'où on peut l'utiliser sans qu'il rompe.

Schopenhauer reproche à Kant de ne pas avoir mené sa critique jusqu'au bout, en mettant en doute les "vieilles prisons" : Dieu, l'âme, l'immortalité, auxquelles Schopenhauer ne croyait plus. Né au XVIIIème siècle, il partageait l'athéisme et le mépris de Voltaire pour les curés. Kant n'est jamais allé jusque là, loin s'en faut. Il faut voir que pour un athée, s'interroger sur "Dieu, l'âme, l'immortalité", n'a aucun sens. On rejette purement et simplement ces hypothèses. Ce n'est pas non plus un dogmatisme inversé, parce qu'il y manque la croyance.

Euterpe a écrit:
Il affirme pourtant le contraire dans sa préface à la 2e édition de la CRPure

Certes, vous avez raison, cependant dans mon souvenir il s'agissait de croyance rationnelle, ce qui dans la CRPure peut ne pas laisser supposer la foi en Dieu, surtout lorsque la démonstration vise à montrer, finalement, que de l'existence ou de l'inexistence de Dieu on ne peut rien dire.

Vieux débat qu'on avait déjà eu, mais qui pour moi n'a jamais été justifié, sauf quand on n'a pas lu attentivement la Seconde préface, où Kant expose clairement son projet, et pas seulement dans cette phrase célèbre. Il n'y a aucun doute possible que Kant veut restaurer l'éclat de la religion mis à mal par les Lumières, ni besoin d'aucune justification sur une prétendue "croyance rationnelle". Il s'agit bel et bien de "foi en Dieu", que permet à nouveau l'indécision sur l'existence ou l'inexistence de Dieu. Kant espérait que sa critique mettrait fin à l'athéisme radical et à l'absence de morale (cf Seconde préface). L'enjeu porte sur l'athéisme, non sur les ravages de la superstition. Kant n'était pas d'Holbach. L'athéisme l'inquiétait, pas le dogmatisme. Néanmoins, en rester au dogmatisme signifiait sans équivoque la "mort de Dieu". Au XVIIIème siècle, plus personne ne croit qu'on peut prouver l'existence de Dieu. Candide est plus profond qu'on veut bien le dire, il a déjà acté la mort de Dieu.

descriptionLire Kant. - Page 8 EmptyRe: Lire Kant.

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Euterpe a écrit:
Comment entendez-vous son scepticisme ?
D'abord comme un criticisme anti-dogmatique, qui limite la connaissance, la sépare de ce que la pensée peut, une approche négative à partir de laquelle reconstruire en usant correctement de la raison, en passant les énoncés au crible de la raison. C'est pouvoir juger de l'exercice de la raison en rapport à une part d'inconnu, de même que s'interroger sur les fondements, les conditions de possibilité.

Euterpe a écrit:
D'une manière générale, je ne détecte pas de doute chez Kant.
Entre le doute cartésien et le soupçon nietzschéen on trouve le criticisme kantien. Je les conçois comme des formes particulières de scepticisme et qui sont dans ces cas-là méthodiques.

Euterpe a écrit:
Mais des unes aux autres, nous ne sortons pas de la connaissance, nous changeons de genre de connaissance.
J'avais oublié cela, je ne considérais la connaissance que comme théorique, c'est d'elle seulement que nous "sortons".

Euterpe a écrit:
Pouvez-vous développer ?
Il faudrait surtout que je retrouve certains aphorismes de Nietzsche. Je me souviens du §335 du Gai savoir. Et puis comme l'article que j'ai mis en lien le rappelle, Nietzsche parle d'une philosophie des "portes dérobées".

Euterpe a écrit:
Il tient pourtant un discours d'une grande sévérité à l'endroit des "indifférentistes", eux-mêmes victimes du dogmatisme et de l'anarchisme métaphysiques, quand il s'agit des religions.
Oui mais justement, le piétisme aurait tendance à être considéré comme dogmatique par sa rigueur extrême, et pourtant ici Kant critique le dogmatisme des autres. Est-ce par trop grande exigence morale qu'il lui faut confronter les autres à leurs manquements ? Et surtout, en tant qu'orientée vers la pratique, s'agit-il de détruire les fantaisies et les croyances autres, trop théoriques, pour inciter à une vie morale dans la pratique ?

Euterpe a écrit:
Chez les indifférentistes de Kant, on trouve précisément les sceptiques du XVIIIe, et qui, pensant avoir détruit les anciennes idoles, en inventent de nouvelles ("ils retombent dans des affirmations métaphysiques"). Kant n'est du reste pas le seul à énoncer une telle critique, on la trouve souvent en France à la fin du XVIIIe siècle.
Oui, enfin, Kant est justement celui qui détruit les prétentions de l'ancienne métaphysique pour en construire une d'un nouveau type.

Liber a écrit:
On rejette purement et simplement ces hypothèses. Ce n'est pas non plus un dogmatisme inversé, parce qu'il y manque la croyance.

Dès lors qu'on affirme des certitudes, ou des préférences, et que l'on se place dans un jeu de valeurs, il y a des croyances. Elles sont le ressort de notre incursion dans le monde.

Liber a écrit:
Vieux débat qu'on avait déjà eu, mais qui pour moi n'a jamais été justifié, sauf quand on n'a pas lu attentivement la Seconde préface, où Kant expose clairement son projet, et pas seulement dans cette phrase célèbre. Il n'y a aucun doute possible que Kant veut restaurer l'éclat de la religion mis à mal par les Lumières, ni besoin d'aucune justification sur une prétendue "croyance rationnelle". Il s'agit bel et bien de "foi en Dieu", que permet à nouveau l'indécision sur l'existence ou l'inexistence de Dieu. Kant espérait que sa critique mettrait fin à l'athéisme radical et à l'absence de morale (cf Seconde préface). L'enjeu porte sur l'athéisme, non sur les ravages de la superstition. Kant n'était pas d'Holbach. L'athéisme l'inquiétait, pas le dogmatisme. Néanmoins, en rester au dogmatisme signifiait sans équivoque la "mort de Dieu". Au XVIIIe siècle, plus personne ne croit qu'on peut prouver l'existence de Dieu. Candide est plus profond qu'on veut bien le dire, il a déjà acté la mort de Dieu.
Français et Allemands sont donc vraiment opposés dans ces Lumières multiples. Mais je ne vois pas à quoi sert une foi qui "permet à nouveau l'indécision sur l'existence ou l'inexistence de Dieu". N'est-ce pas plutôt l'inverse, partir de ce constat, de cette indécision, pour indiquer la nécessité du salut, elle-même passant dorénavant par la raison ? En tout cas, cette discussion et mes lacunes m'ont donné envie de lire attentivement Kant. Enfin, je ne considère pas que Dieu doive être éliminé en philosophie, encore faudrait-il prouver son inexistence. Je pense qu'avant de pouvoir trancher le philosophe doit considérer toutes les possibilités mais se garder de toute affirmation, agnosticisme et scepticisme vont de pair pour évaluer les propositions, mais cette position de retenue implique d'emblée de ne pas déjà croire. L'incrédulité côtoie l'athéisme, mais pourquoi s'enfermer dans cette position ? Qui sait si finalement nous n'allons pas découvrir la vraisemblance et la vérité du divin ? Bref, s'enfermer dans un discours, même quand il prétend libérer des dogmes, n'empêche pas de reproduire ce que l'on critiquait. On voit souvent les athées agir comme de nouveaux inquisiteurs.

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Silentio a écrit:
Dès lors qu'on affirme des certitudes, ou des préférences, et que l'on se place dans un jeu de valeurs, il y a des croyances.

Je parlais d'une croyance, la croyance en Dieu. L'athée ne croit tout simplement pas en Dieu, avant même d'envisager une quelconque preuve de son existence. Chez Schopenhauer, il semble que l'athéisme ait été d'emblée sa "position dans le monde". Dans son journal écrit à 13 ans, on note plusieurs allusions sarcastiques à l'Église, comme cette jeune fille soi-disant devenue aveugle après son baptême, où il écrit quelque chose comme "elle a payé cher le privilège de voir le Christ". Ce n'était pas le genre d'un Nietzsche encore si pieux à cet âge. Peut-être même que certaines personnes naissent athées, ce qui ne fut pas le cas de Nietzsche, à son grand dam, lui qui a passé beaucoup de temps à se faire passer pour anti-chrétien, quand il suffisait de se déclarer athée.

Mais je ne vois pas à quoi sert une foi qui "permet à nouveau l'indécision sur l'existence ou l'inexistence de Dieu".

Attention, j'ai écrit "que permet", pas "qui permet" ! Si je ne peux pas trancher sur l’existence ou non de Dieu, la foi redevient possible. Bien sûr, Kant était philosophe, donc il s'embarrassait de démonstrations et de preuves là où un croyant non philosophe se contentera de croire et ne cherchera pas à maintenir Dieu dans la philosophie.

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Liber a écrit:
Je parlais d'une croyance, la croyance en Dieu. L'athée ne croit tout simplement pas en Dieu, avant même d'envisager une quelconque preuve de son existence.
Avant d'envisager quoi que ce soit il ne peut même pas se dire athée, puisque rien ne le pousse à se définir, tandis que lorsqu'il prend conscience que la question de Dieu est posée il prend position, notamment contre une position dominante au cours des deux millénaires passés. De plus, affirmer l'inexistence de Dieu c'est encore affirmer quelque chose.

Liber a écrit:
Peut-être même que certaines personnes naissent athées
Certainement, c'est même mon cas, mais on devient autre chose, on peut devenir autre, dès lors que l'on sort de l'évidence. On peut même simplement devenir incertain...

Liber a écrit:
Attention, j'ai écrit "que permet", pas "qui permet" !
En effet, une erreur d'attention de ma part.

Liber a écrit:
Si je ne peux pas trancher sur l’existence ou non de Dieu, la foi redevient possible. Bien sûr, Kant était philosophe, donc il s'embarrassait de démonstrations et de preuves là où un croyant non philosophe se contentera de croire et ne cherchera pas à maintenir Dieu dans la philosophie.
Au contraire de Pascal que l'on peut associer au fidéisme Kant ramène Dieu à la raison.

Liber a écrit:
Alors, je ne vois plus du tout le sens de la fameuse phrase "abolir le savoir pour promouvoir la foi", dont je répète par ailleurs qu'elle est parfaitement expliquée dans la Seconde préface.
Je dis comme vous que "Si je ne peux pas trancher sur l’existence ou non de Dieu, la foi redevient possible", mais qu'elle n'est pas simplement possible, elle s'impose. Surtout parce que la croyance est rationnelle et que Kant croit à la raison (là-dessus, en effet, il ne doute pas de son pouvoir de se juger elle-même).

Liber a écrit:
Ce texte montre effectivement la différence entre un pays encore très pieux, l'Allemagne, qui nous donnera ces Romantiques que Gœthe appelait "des moinillons sans capuche", et la France, qui a sorti Voltaire et Diderot.
Mais de quel côté sont les génies ?

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Silentio a écrit:
Liber a écrit:
Je parlais d'une croyance, la croyance en Dieu. L'athée ne croit tout simplement pas en Dieu, avant même d'envisager une quelconque preuve de son existence.

Avant d'envisager quoi que ce soit il ne peut même pas se dire athée, puisque rien ne le pousse à se définir, tandis que lorsqu'il prend conscience que la question de Dieu est posée il prend position

Non, je n'ai pas dit envisager "quoi que ce soit", mais une preuve de l'existence de Dieu. Pas besoin pour Schopenhauer de se trifouiller le cerveau comme Kant pour savoir si on peut prouver que Dieu existe ou qu'il n'existe pas. Vous remarquerez que pas une seule fois dans le Monde... Schopenhauer ne s'embarrasse de cette question, pourtant centrale jusqu'à lui dans la philosophie occidentale. Ce qui saute aux yeux de n'importe quel lecteur de la Critique de la Raison pure, est l'importance de ces questions chrétiennes, alors que Schopenhauer ne s'en soucie pas, hormis sur la question morale, et encore uniquement pour le sentiment de pitié.

Au contraire de Pascal que l'on peut associer au fidéisme Kant ramène Dieu à la raison.

Pensez-vous que la raison chez Kant ne soit pas soutenue par les sentiments ? "J'espère dans la vie éternelle", est-ce vraiment raisonnable ? "Je crois en un Être suprême", raisonnable ? "Je sens une âme dans mon corps périssable", encore raisonnable ? Il n'y a pas croyances plus contre-nature et plus miraculeuses, de quoi parfaitement justifier Tertullien : "J'y crois parce que c'est absurde". Pascal s'en tient à un pari, voilà qui est nettement plus raisonnable, la raison pratique (pragmatique) d'un joueur de casino. Mieux, je ne perdrai rien à m'agenouiller, tandis qu'au casino, je peux finir à genoux pour de bon. 

Je dis comme vous que "Si je ne peux pas trancher sur l’existence ou non de Dieu, la foi redevient possible", mais qu'elle n'est pas simplement possible, elle s'impose. Surtout parce que la croyance est rationnelle et que Kant croit à la raison

Je ne peux pas trancher sur l'existence des ovnis, donc je dois y croire, cette foi s'impose à moi : elle est rationnelle. C'est absurde de raisonner comme ça sur les ovnis, non ? Alors pourquoi ça marche avec Dieu et pas avec les ovnis ? Si ce n'est parce que les ovnis me sont à peu près indifférents, donc j'ai du recul avec eux, mais pas avec la croyance en Dieu. Donc, question de sentiment, non de raison ! Et on en revient à Pascal, toujours lui, "Le cœur a ses raisons...", mais là on ne parle pas de "Raison", bien sûr, mais de raisons, tout comme une femme amoureuse a ses raisons d'aimer un homme qu'on trouve banal.

Liber a écrit:
Ce texte montre effectivement la différence entre un pays encore très pieux, l'Allemagne, qui nous donnera ces Romantiques que Gœthe appelait "des moinillons sans capuche", et la France, qui a sorti Voltaire et Diderot.

Mais de quel côté sont les génies ?

Du côté des hommes en bonne santé (cf. Gœthe : "romantisme = maladie, classique = sain"). Quand vous lisez le rubicond Diderot, le pétillant Voltaire, et que vous passez ensuite aux larmoyants romantiques, vous entrez dans un hôpital. Gœthe était né au XVIIIe, il avait la vitalité de ce siècle, il ne pouvait pas comprendre un homme du XIXe, comme quelqu'un en bonne santé ne comprend pas ce que ressent un malade, et s'en moque. Vous pouvez toujours me dire évidemment que la maladie a ses vertus, comme faisait Nietzsche, mais ce sera toujours en rapport avec la santé, et même la Grande Santé, comme un asthmatique rêve de courir à pleins poumons, et un affamé d'une côte de bœuf grillée avec des frites.

PS : A ce propos, Gœthe voyait la maladie comme un combat, pas comme un espoir (même vers un dépassement ça reste un espoir), à l'inverse donc de Nietzsche.
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