Silentio a écrit:Euterpe a écrit:J'ai peut-être raté une étape de votre conversation, mais je ne vois pas le rapport entre cette remarque et celle de Liber. Pourquoi mentionnez-vous le mysticisme ?
Je dis cela parce que Liber classait les philosophes en deux catégories, d'un côté le dogmatisme religieux et de l'autre le scepticisme pessimiste ou athée.
Le "religieux" est en trop. D'une part, on trouvait déjà dans l'Antiquité des philosophes sceptiques. D'autre part, bien que les philosophes qui ont tenté de prouver l'existence de Dieu aient été des croyants, ils se distinguaient nettement des dogmatiques de l'Église.
Oppose-t-on dogmatique à sceptique ? Pour moi le sceptique doute de la raison, tel Schopenhauer. Il ne me semble pas que Kant ait douté un seul instant de la raison. Il en a fait une critique, soit, mais comme on teste un outil pour voir jusqu'où on peut l'utiliser sans qu'il rompe.
Schopenhauer reproche à Kant de ne pas avoir mené sa critique jusqu'au bout, en mettant en doute les "vieilles prisons" : Dieu, l'âme, l'immortalité, auxquelles Schopenhauer ne croyait plus. Né au XVIIIème siècle, il partageait l'athéisme et le mépris de Voltaire pour les curés. Kant n'est jamais allé jusque là, loin s'en faut. Il faut voir que pour un athée, s'interroger sur "Dieu, l'âme, l'immortalité", n'a aucun sens. On rejette purement et simplement ces hypothèses. Ce n'est pas non plus un dogmatisme inversé, parce qu'il y manque la croyance.
Euterpe a écrit:Il affirme pourtant le contraire dans sa préface à la 2e édition de la CRPure
Certes, vous avez raison, cependant dans mon souvenir il s'agissait de croyance rationnelle, ce qui dans la CRPure peut ne pas laisser supposer la foi en Dieu, surtout lorsque la démonstration vise à montrer, finalement, que de l'existence ou de l'inexistence de Dieu on ne peut rien dire.
Vieux débat qu'on avait déjà eu, mais qui pour moi n'a jamais été justifié, sauf quand on n'a pas lu attentivement la Seconde préface, où Kant expose clairement son projet, et pas seulement dans cette phrase célèbre. Il n'y a aucun doute possible que Kant veut restaurer l'éclat de la religion mis à mal par les Lumières, ni besoin d'aucune justification sur une prétendue "croyance rationnelle". Il s'agit bel et bien de "foi en Dieu", que permet à nouveau l'indécision sur l'existence ou l'inexistence de Dieu. Kant espérait que sa critique mettrait fin à l'athéisme radical et à l'absence de morale (cf Seconde préface). L'enjeu porte sur l'athéisme, non sur les ravages de la superstition. Kant n'était pas d'Holbach. L'athéisme l'inquiétait, pas le dogmatisme. Néanmoins, en rester au dogmatisme signifiait sans équivoque la "mort de Dieu". Au XVIIIème siècle, plus personne ne croit qu'on peut prouver l'existence de Dieu. Candide est plus profond qu'on veut bien le dire, il a déjà acté la mort de Dieu.