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Lire Kant.

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5 participants

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Merci pour ce petit cours.

Je comprends à peu près, mais ça reste tout de même un peu flou. Je pense que c'est dû au fait que je ne connais pas du tout Kant. Ces incompréhensions disparaitront sûrement quand je le lirai et le comprendrai.

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Liber a écrit:
aristippe de cyrène a écrit:
Je comprends. Mais est-ce que au moins les idées exposées sont intéressantes ?

Je n'ai jamais accroché à la philosophie kantienne, ses questionnements ne sont pas les miens. Je ne crois ni aux Lumières, ni à la morale, ni à Dieu, ce qui me place plutôt du côté des philosophes sceptiques, Schopenhauer par exemple. La correspondance est en revanche très intéressante pour les lecteurs de Kant, on peut y voir la maturation de sa première grande Critique, ainsi qu'un esprit universel qui répond à toutes sortes de questions que lui posent ses correspondants.

Cela dit, être un philosophe sceptique n'empêche aucunement d'être un mystique. Il est vrai que Kant passe plutôt pour un excellent comédien, mimant le scepticisme pour mieux légitimer la nécessité de faire "comme si" ce qu'il avait rejeté devait être l'objet de notre croyance. Sur le fond, je ne trouve pas ça scandaleux, en tant que les philosophes de l'existence ont toujours parié face à l'incertitude, mettant la vie au-dessus de la connaissance (et ce même chez les sceptiques antiques qui pouvaient penser une forme de solipsisme tout en sachant que le chien mord). Mais avec Kant on est dans la supercherie et dans les contorsions. Quant à la morale, on ne peut pas y croire en tant qu'elle est une construction purement humaine, mais il peut être intéressant d'en élaborer une si l'on veut que le corps social atteigne à certaines visées. Kant élabore les conditions de possibilité pour une morale pure, mais elle reste formelle, sans contenu spécifique. La démarche est géniale, mais au final ça ne peut être appliqué parce que rien de concret ne peut y correspondre, à moins que l'on s'efforce de vivre dans une visée qui n'aboutit jamais, comme c'est le cas avec l'idéal de perfection du sage. Sauf que la morale kantienne est déontologique, basée sur le devoir, comme le dit Euterpe elle se présente comme inconditionnelle. Surmonter Kant en se débarrassant de la morale me semble en revanche ne pas nous débarrasser des questions fondamentales (que dois-je faire ? que puis-je espérer ?) parce qu'il reste le souci de la sphère pratique. Bref, si la connaissance ne peut plus dicter ce qui doit être, il reste que nous avons à conduire notre vie. Comment alors acquiert-on des certitudes pour agir dans notre existence ? C'est peut-être le désarroi de la raison face à l'existence qui peut encore nous sommer de formuler des principes de vie ou des idéaux en accord avec l'existence. Par ailleurs, se constituer un êthos demande aussi de penser le rapport à autrui et à la vérité.

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Silentio a écrit:
Cela dit, être un philosophe sceptique n'empêche aucunement d'être un mystique.
J'ai peut-être raté une étape de votre conversation, mais je ne vois pas le rapport entre cette remarque et celle de Liber. Pourquoi mentionnez-vous le mysticisme ?

Silentio a écrit:
Il est vrai que Kant passe plutôt pour un excellent comédien, mimant le scepticisme pour mieux légitimer la nécessité de faire "comme si" ce qu'il avait rejeté devait être l'objet de notre croyance. Sur le fond, je ne trouve pas ça scandaleux, en tant que les philosophes de l'existence ont toujours parié face à l'incertitude, mettant la vie au-dessus de la connaissance (et ce même chez les sceptiques antiques qui pouvaient penser une forme de solipsisme tout en sachant que le chien mord). Mais avec Kant on est dans la supercherie et dans les contorsions.
Il affirme pourtant le contraire dans sa préface à la 2e édition de la CRPure :
Je devais donc supprimer le savoir, pour trouver une place pour la foi
Il ne rejette, ne feint ni ne parie rien. Tout juste dit-il que la raison spéculative a beau faire, elle ne peut avoir d'intuition transcendante, puisqu'il lui faudrait pour cela pouvoir faire l'expérience d'objets dont l'expérience est précisément impossible. Cette hypothèse d'un Kant qui fait "comme si" me paraît trop suspicieuse, irrationnelle. D'autant qu'elle fait abstraction de son piétisme.

Silentio a écrit:
Quant à la morale, on ne peut pas y croire en tant qu'elle est une construction purement humaine
La morale n'est pas exactement un objet auquel on croit. On y adhère (ou pas), autrement dit on y adhère parce qu'elle semble naturelle ou une économie des rapports humains qui rend toute société possible, aussi intéressée soit-elle. Dire qu'on y croit, c'est déjà en douter, puisque cela suppose une morale si éloignée des motifs et des expériences qui ont permis de l'élaborer qu'elle n'entretient plus aucun rapport avec eux, ni avec aucune autre réalité.


Dernière édition par Euterpe le Jeu 11 Aoû 2016 - 11:07, édité 2 fois

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Euterpe a écrit:
J'ai peut-être raté une étape de votre conversation, mais je ne vois pas le rapport entre cette remarque et celle de Liber. Pourquoi mentionnez-vous le mysticisme ?
Je dis cela parce que Liber classait les philosophes en deux catégories, d'un côté le dogmatisme religieux et de l'autre le scepticisme pessimiste ou athée. Mais Kant est à la fois un sceptique, sur le plan de la connaissance, et quelqu'un qui souhaite élaborer un chemin vers la morale, vers Dieu, etc., ce que vous rappelez avec raison en citant la phrase sur la place du savoir et celle de la foi ou de la croyance rationnelle et qui ne me semble pas aller contre ce dont je parle, à savoir que le plan pratique exige d'excéder la connaissance et ses limites. Chez beaucoup de sceptiques, le doute s'associe à la foi, ou à un élan religieux (qui n'est pas dans l'affirmation mais dans la recherche). C'est le cas de Pascal, de Kierkegaard, je dirais même en un sens de Nietzsche.

Euterpe a écrit:
Il affirme pourtant le contraire dans sa préface à la 2e édition de la CRPure
Certes, vous avez raison, cependant dans mon souvenir il s'agissait de croyance rationnelle, ce qui dans la CRPure peut ne pas laisser supposer la foi en Dieu, surtout lorsque la démonstration vise à montrer, finalement, que de l'existence ou de l'inexistence de Dieu on ne peut rien dire. Je conçois bien que les trois Critiques aient été pensées dans un seul mouvement, mais lorsqu'on lit seulement la première Critique, comme une première étape du raisonnement, et que l'on s'attache à la rigueur kantienne distinguant la connaissance des objets de la pensée, que l'on pratique le scepticisme anti-dogmatique, il me semble qu'on est encore bien loin de pouvoir faire volte face et d'envisager de se convertir à un Dieu qu'on avait écarté (ou bien qui ne relevait plus de la philosophie et que l'on pouvait choisir sans que cela implique quoi que ce soit). Mais peut-être, après tout, la manière de faire n'est-elle pas à prendre en compte, puisqu'au fond je suis d'accord avec l'idée qu'il faille passer outre la connaissance pour élaborer une conduite de vie. Peut-être le problème est-il plus dû à la gêne occasionnée par une réactivation de la morale que cette idée de Dieu vient justifier en retour.

Euterpe a écrit:
Il ne rejette, ne feint ni ne parie rien.
Je ne le mets pas dans la case "pari", tout simplement parce que la croyance est rationnelle (cependant on pourrait se demander s'il ne croit pas également à la raison). Ce que je voulais indiquer, c'est plutôt le malaise de voir la manière que Kant a de passer d'un discours à un autre, même s'il y a une cohérence. Comme Nietzsche on se sent floué. Le piège se referme sur nous. Mais cela, peut-être, parce que nous partons avec un a priori athée sur la philosophie, tandis que Kant a dû horrifier les consciences et ne pas se limiter à écarter Dieu de la philosophie, et trouver comment le sauver. Je me rends compte, toutefois, que c'est un maigre argument contre Kant, le problème principal étant sa conception de la morale.

Euterpe a écrit:
Cette hypothèse d'un Kant qui fait "comme si" me paraît trop suspicieuse, irrationnelle. D'autant qu'elle fait abstraction de son piétisme.
Son piétisme est important, bien entendu, et même si les Lumières allemandes conservent le sens du religieux, il me semble qu'il n'est pas vraiment décelable dans la CRPure. Quant au "comme si", je pense au contraire que c'est primordial : puisque Dieu n'est qu'une hypothèse, on ne peut partir de Lui pour fonder la morale. Pour être moral et rationnel, il faut croire en Dieu parce que la raison le suppose en tant qu'Il réalise la circularité de la raison. Agir avec Dieu comme visée nous oblige à être moraux et réalise l'effectivité de la morale si Dieu existe bien. Le but c'est que le "comme si" donne lieu à une réification de ce qui est supposé, ainsi c'est la croyance qui crée son objet et lui donne à exister, mais il faut auparavant en être venu à croire, c'est-à-dire avoir pris conscience de la nécessité de franchir les limites de la connaissance et de la nécessité de prendre en considération une donnée qui peut n'être que factice au regard de la raison pure. Il faut se donner les moyens de réaliser la raison en visant ses exigences, se mettre en condition, ce qui réalise notre dimension nouménale. Le vraisemblable s'incorpore, dispose le monde au vrai.

A lire : http://www.bu.edu/wcp/Papers/Mode/ModeMart.htm

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Silentio a écrit:
Kant est à la fois un sceptique, sur le plan de la connaissance, et quelqu'un qui souhaite élaborer un chemin vers la morale, vers Dieu
Comment entendez-vous son scepticisme ? Y a-t-il un passage en particulier qui vous fait dire qu'il est sceptique ? Pour ma part, je conçois qu'on puisse le déclarer sceptique face à la métaphysique (au dogmatisme), la vraie source à ses yeux de l'incrédulité (p. 54 de la 2e préface, chez Folio), laquelle est à mettre en rapport avec la dialectique de la raison pure, naturelle, mais source d'erreurs. En outre, il dit clairement que par sa démarche critique, il renforcerait même plutôt « l'espérance d'une vie future », « la conscience de la liberté », « la foi en un grand auteur du monde » (pp. 55-56).

Silentio a écrit:
le plan pratique exige d'excéder la connaissance et ses limites
Il emploie le verbe démettre :
Je ne puis donc même pas admettre Dieu, la liberté et l'immortalité au service de l'usage pratique nécessaire de ma raison, si je ne démets en même temps la raison spéculative de sa prétention à des intuitions transcendantes.

p. 54.
D'une manière générale, je ne détecte pas de doute chez Kant.

Silentio a écrit:
je suis d'accord avec l'idée qu'il faille passer outre la connaissance pour élaborer une conduite de vie. Peut-être le problème est-il plus dû à la gêne occasionnée par une réactivation de la morale que cette idée de Dieu vient justifier en retour.
Il distingue d'emblée un usage théorique et un usage pratique. Comment diable admettre qu'on sort de la connaissance en passant de l'un à l'autre, quand la première phrase de sa 1ère préface s'énonce ainsi ?
La raison humaine a cette destinée particulière, dans un genre de ses connaissances, d'être accablée de questions qu'elle ne peut écarter ; car elles lui sont proposées par la nature de la raison elle-même, mais elle ne peut non plus y répondre, car elles dépassent tout pouvoir de la raison humaine.
D'emblée, l'essentiel est dit : la métaphysique correspond à l'usage dialectique de la raison (cf. l'apparence transcendantale et les idées de la raison), inévitable lors même qu'on l'a détecté (« c'est là une illusion qu'on ne saurait éviter », p. 321), dont le remède forgé par Kant est la dialectique transcendantale, qui lui permet de convertir les idées de la raison théorique en idéaux de la raison pratique. Mais des unes aux autres, nous ne sortons pas de la connaissance, nous changeons de genre de connaissance.

Silentio a écrit:
le malaise de voir la manière que Kant a de passer d'un discours à un autre, même s'il y a une cohérence. Comme Nietzsche on se sent floué. Le piège se referme sur nous.
Pouvez-vous développer ?

Silentio a écrit:
Euterpe a écrit:
Cette hypothèse d'un Kant qui fait "comme si" me paraît trop suspicieuse, irrationnelle. D'autant qu'elle fait abstraction de son piétisme.
Son piétisme est important, bien entendu, et même si les Lumières allemandes conservent le sens du religieux, il me semble qu'il n'est pas vraiment décelable dans la CRPure.
Il tient pourtant un discours d'une grande sévérité à l'endroit des "indifférentistes", eux-mêmes victimes du dogmatisme et de l'anarchisme métaphysiques, quand il s'agit des religions. Je trouve du reste qu'on ne prête pas assez attention d'une manière générale à ses propos les plus personnels, souvent très durs, dans son œuvre :
Il est vain, en effet, de vouloir affecter de l'indifférence à l'égard de telles recherches, dont l'objet ne peut être indifférent à la nature humaine. Aussi tous ces prétendus indifférentistes, quelque souci qu'ils aient pris de se rendre méconnaissables en changeant la langue de l'École en un ton populaire, retombent-ils inévitablement, pour peu seulement qu'ils pensent, dans des affirmations métaphysiques, pour lesquelles ils affichaient pourtant tant de mépris. Cependant, cette indifférence, qui survient au plein de l'épanouissement de toutes les sciences, et qui atteint précisément celles à la connaissance desquelles, si elle était accessible, on renoncerait le moins parmi toutes, est un phénomène qui mérite attention et réflexion.

p. 33.
Chez les indifférentistes de Kant, on trouve précisément les sceptiques du XVIIIe, et qui, pensant avoir détruit les anciennes idoles, en inventent de nouvelles ("ils retombent dans des affirmations métaphysiques"). Kant n'est du reste pas le seul à énoncer une telle critique, on la trouve souvent en France à la fin du XVIIIe siècle.

Silentio a écrit:
puisque Dieu n'est qu'une hypothèse, on ne peut partir de Lui pour fonder la morale.
Hypothèse de la raison théorique, pas de la raison pratique.

Silentio a écrit:
Pour être moral et rationnel, il faut croire en Dieu parce que la raison le suppose en tant qu'Il réalise la circularité de la raison. Agir avec Dieu comme visée nous oblige à être moraux et réalise l'effectivité de la morale si Dieu existe bien. Le but c'est que le "comme si" donne lieu à une réification de ce qui est supposé, ainsi c'est la croyance qui crée son objet et lui donne à exister, mais il faut auparavant en être venu à croire, c'est-à-dire avoir pris conscience de la nécessité de franchir les limites de la connaissance et de la nécessité de prendre en considération une donnée qui peut n'être que factice au regard de la raison pure. Il faut se donner les moyens de réaliser la raison en visant ses exigences, se mettre en condition, ce qui réalise notre dimension nouménale. Le vraisemblable s'incorpore, dispose le monde au vrai.
Non. Cette donnée ne peut être factice au regard de la raison pure, puisque la raison pure n'a plus cours à ce moment-là. Elle est démise. Elle n'y a pas accès.


Dernière édition par Euterpe le Jeu 11 Aoû 2016 - 11:12, édité 1 fois
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