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Nietzsche et la biologie

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4 participants

descriptionNietzsche et la biologie - Page 2 EmptyRe: Nietzsche et la biologie

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Alors, si je vous suis bien, la volonté de puissance est uniquement une métaphysique de l'homme et, compte tenu des exemples le plus souvent donnés par Nietzsche, il s'agirait même de psychologie humaine tout court, et même d'un seul trait de la psychologie humaine lorsqu'il s'agit de domination, d'obéissance... Ensuite, la métaphysique de l'art de la Naissance et ses deux sources apollinienne et dionysiaque, je ne sais pas s'il est si facile de les relier aux autres aspects de la volonté de puissance, dont ceux que vous évoquez entre parenthèses (la part dionysiaque de l'homme conduirait à l'esclavage, tandis que l'apollinienne développerait son goût pour le commandement ? Je provoque inutilement, pardon...).

Vous avez raison de rappeler qu'il ne faut pas chercher ce qui n'est pas abouti dans des écrits non publiés.

Mais j'effectue cette lecture de Richter au cas où il pourrait subsister une ambiguïté... Si la volonté de puissance ne peut pas se réclamer du biologique chez Nietzsche, c'est peut-être secondaire, c'est peut-être un procès peu équitable, mais au moins cela aura le mérite d'être clair (et je passerai à autre chose ensuite).

descriptionNietzsche et la biologie - Page 2 EmptyRe: Nietzsche et la biologie

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Je n'ai pas encore lu Darwin, mais j'ai retenu de l'argumentaire de Nietzsche que l'homme était la créature la plus faible et qu'on ne peut parler d'évolution en même temps que de survie des plus forts. Peut-être faut-il parler de survie des plus aptes, au sens des plus susceptibles de s'adapter et d'adapter leur environnement (par la technique et l'intelligence qui compensent l'impuissance individuelle). Ainsi l'homme, créature la plus fragile et la plus démunie de défenses naturelles dans le règne naturel, a pu développer sa puissance. Mais il faut ajouter à la technique la grégarisation. On peut alors se demander si la communauté nuit ou non à l'individu, communauté dans laquelle il apparaît comme possesseur d'un rang ou d'une fonction et qui par la place qu'il acquiert se différencie d'autrui. L'effort est certes commun, mais la coopération semble accroître la puissance pour tout un chacun en visant à parfaire l'unité qui lie et protège. Cependant, un groupe ne peut se constituer sans violence ni se pérenniser sans hiérarchie et rapport de force (codifié ensuite par le droit et la coutume). Or la coopération existe aussi dans le règne animal, comme forme d'exploitation mutuelle, bien qu'il y ait aussi esclavage ou domination. Il n'est pas rare de voir des fourmis (puissance collective) se servir de leur environnement, de le convertir, le construire, l'aménager aux fins de la survie de l'espèce par l'accumulation de ressources. Les fourmis se servent alors des plantes, champignons, etc., de même qu'elles se nourrissent des autres insectes. Autre exemple, celui de l'abeille et de la fleur, la première aidant à polliniser son environnement (ce qui a aussi pour effet de permettre la reproduction des fleurs et donc des ressources dont la ruche a besoin étant donné que son activité en dépend).

Concernant la biologie dans le cas de l'homme, elle n'est pas séparable de l'activité culturelle et sociale. Chaque activité n'est qu'une stratégie par laquelle la volonté de puissance, ou la force, trouve à s'exprimer en même temps qu'elle est retenue. Foucault, retournant l'expression de Clausewitz, dit que "la paix est la continuation de la guerre par d'autres moyens". Nietzsche nous apprend comment les forces d'un organisme s'agencent et l'agencent, pour concevoir sa puissance propre et ses moyens d'expression. La forme de vie et ses valeurs ont une influence réciproque. Le discours traduit des intérêts qui relèvent de l'organisme qui parle. Lui-même tente d'étendre sa sphère d'influence et d'aménager son territoire. Mais le corps créant ses valeurs peut aussi être changé par elles. Ainsi le christianisme développe de nouveaux instincts sur d'autres. Mais limitant l'expression brute de la force, cette dernière prend des tournures telles que la force ne peut qu'accroître le sentiment de puissance de l'individu (qui est en fait un dividus) dans la souffrance qui éprouve l'individu et le met en conflit avec ses inhibitions. Néanmoins, il faut plutôt comprendre le corps chez Nietzsche comme un corps subjectif, c'est-à-dire vécu et désirant, alors que l'organisme (Nietzsche ne fait pas cette distinction, me semble-t-il, mais elle peut nous servir) est le lieu de la lutte des forces et constituant ce corps. Y a-t-il vraiment un corps biologique chez Nietzsche ? Y a-t-il de la matière organique ? La conception de la vie de Nietzsche me semble plutôt prendre l'allure de forces souterraines donnant naissance à des formes apparentes qui en sont le symptôme ou le signe. C'est une conception énergétique, c'est pourquoi la question du régime a toute son importance, elle demande à réformer ou hiérarchiser les forces faites instincts (il y a donc une mémoire du corps ou de l'organisme) pour vivre autrement et mieux (une vie ascendante) mais en même temps ce régime est aussi création de valeurs à incorporer, production d'un mode de vie, pratique culturelle régulière visant à changer l'état des forces et leurs rapports dans l'organisme, de sorte que le corps puisse développer sa puissance et non faire que l'individu soit lui-même la source de ses propres maux, comme si la vie au lieu d'être à l'image du devenir était mortelle avant même la mort ultime. Or si la vie est un risque, elle n'est pas maladive, elle n'est pas son propre anéantissement. C'est la volonté de puissance chrétienne qui demande à renoncer à soi pour jouir de soi dans sa propre destruction, elle est une vie contradictoire qui s'épuise elle-même. On dépense plus d'énergie qu'on n'en gagne.

Je me demande alors si c'est pour le chrétien ou pour Nietzsche que le social (et accessoirement la morale) constitue un problème, suivant que l'on est déjà malade de la vie et que l'on ne supporte plus la lutte avec les autres, qu'on n'est plus en mesure de se fortifier en leur prenant leur énergie, ou que l'on flatte son ego par des moyens détournés et que l'on trouve à se transcender vis-à-vis d'autrui. De même pour la coopération. L'isolement est-il signe de force ou de dépérissement ? Le social n'est-il pas le lieu de l'affirmation de soi et lieu de ressource pour la puissance (de relations qui sont relations de pouvoir) ? Surtout que participent de nous le social, la technique, le langage, le savoir, les valeurs, les pratiques, etc. Il faut s'y confronter, en devenir maître. A moins que l'on ait développé une volonté de connaissance.

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friedrich crap a écrit:
Alors,si je vous suis bien, la volonté de puissance est uniquement une métaphysique de l'homme et, compte tenu des exemples le plus souvent donnés par Nietzsche, il s'agirait même de psychologie humaine tout court, et même d'un seul trait de la psychologie humaine lorsqu'il s'agit de domination, d'obéissance...

Disons qu'elle est anthropomorphique. Nietzsche peut à bon droit se voir objecter sa propre objection à l'égard des philosophies antérieures à la sienne. Mais cela ne change pas le fait qu'il demeure un philosophe, au contraire, puisque sa propre philosophie ne diffère pas tellement des autres, sur ce point.


Ensuite, la métaphysique de l'art de la Naissance et ses deux sources apolliniennes et dyonisiaques, je ne sais pas s'il est si facile de les relier aux autres aspects de la volonté de puissance

Non, à cette époque, de la Volonté avec un V. Nietzsche, qui écrit pour Wagner, schopenhauérien converti, se sert de la théorie du philosophe pour expliquer le dionysiaque. Il dira plus tard combien il s'était trompé en associant Schopenhauer et Wagner à une idée aussi originale, aussi personnelle, sur le sujet qui lui tenait le plus à cœur, la musique.

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Silentio, pour vous répondre il me faudrait une page toutes les quatre lignes de votre intervention. Et comme je ne maîtrise pas les [quote] multiples, je vais faire autrement. Je peux vous suivre à peu près partout dans ce que vous dites mais ce qui me gêne, c'est que je peux dire tout ce que vous dites sans le concept nietzschéen de volonté de puissance (qui, avec tout le respect que je vous dois, commence à ressembler au mot préféré des petits hommes bleus). En effet, votre texte consiste en partie à vouloir la retrouver partout (dans la survie des hominidés, dans le monde des insectes, dans la coopération, dans le social, dans la morale castratrice...).

Un peu plus dans le détail : l'homme, les hominidés sont là ; oui, comme des millions d'autres espèces. Aujourd'hui ils grouillent, mais c'est assez récent. Il y a un million d'années il n'y avait peut-être pas 10000 hominidés sur un territoire grand comme quatre fois la France actuelle (pour vous donner une idée). Cela n'est pas très ancien ni très long, l'humanité se ferait péter le citron un de ces jours (nucléaire, pollution, guerre totale...) et les avantages adaptatifs paraîtraient minimes pour un paléontologue du futur. Il y a toutes sortes de comportements d'espèces et de plantes... Vous savez que l'on trouve des parasites de 4ème niveau (parasite d'un parasite d'un parasite de parasite). La vie de ces êtres n'est pas très spectaculaire du point de vue de la volonté de puissance, pourtant leurs chances de survie terrestre équivaut largement à la nôtre. Non, la plus grande caractéristique de la vie est dans sa capacité à occuper absolument toutes les niches viables possibles. Il est encore difficile d'expliquer une telle souplesse du vivant en général, le code génétique et sa mutabilité n'y sont pas pour rien, mais le concept de volonté de puissance n'est pas ici fonctionnel et de toute façon il n'aide pas à comprendre. Par exemple on forgerait un concept de "toute puissance de l'eau au sein du vivant" et on aurait raison, mais c'est une nuit de vaches grises.
La coopération accroît la puissance : pas seulement et pas toujours ! Tout dépend en vue de quoi vous coopérez. Pour prendre un cas extrême, dans une secte, vous pouvez établir une coopération maximale et diminuer à zéro la puissance de chacun, quant à la puissance de la secte, tout dépend, n'est-ce pas ? Oui, les orques s'associent pour chasser, les lionnes, toutes sortes de meutes, le but est commun, la force et le nombre sont mis en commun. Mais aucune de ces bêtes n'a une volonté de puissance (comme le dit Liber, il vaut mieux laisser ce concept à l'homme chez Nietzsche).

Vous écrivez encore que chaque activité culturelle, sociale... est une stratégie pour la volonté de puissance. Vous écririez que c'est une stratégie pour l'esprit, pour la pensée, pour l'inconscient, pour le divertissement, cela fonctionnerait aussi bien. Vous dites ensuite que Nietzsche nous apprend à voir la puissance dans l'organisation et dans l'agencement des corps, des organismes. Le biologiste vous répondrait que dans la compréhension des agencements, il y voit avant tout la fonctionnalité, l'adaptation, la capacité, la complémentarité, etc., dans bien des cas il ne penserait pas à la puissance ni même à la force. Pourquoi vouloir subsumer à tout prix ? Remplacez volonté de puissance par volonté d'être, puis par être tout court et vous pourrez subsumer encore davantage. Mais cela ne vous suffit pas, il y a encore de la volonté de puissance dans le christiannisme, donc dans la morale, dans les religions... mais pourquoi s'arrêter là ? Il y a de la puissance partout. Vous pourriez proposer d'autres termes et concepts : libildo dominendi, surmoi, tradition, forces coercitives, lien social... non, tout cela et le reste... c'est de la volonté de puissance ! (y compris ce dernier point d'exclamation). D'ailleurs vous en terminez par là, le social est une réserve pour la volonté de puissance, en effet.

Lorsque Nietzsche annote les livres de biologie qu'il a lus, il écrit systématiquement "moi" dans la marge à chaque fois que le biologiste (ou Guyau) décrit une situation où le vivant déploie soit de la force, soit de l'agressivité, soit de l'expansion ; il n'écrit rien ou inscrit son désaccord (!) lorsqu'il s'agit d'une description d'une coopération paisible, lorsque le mécanisme ne relève pas de cette volonté de voir la volonté de puissance à l'œuvre partout (vous trouverez cela dans Fouillée).

Dites-moi que Nietzsche veut des hommes libres, émancipés, capables de choisir, de trancher, de tuer s'il le faut. Qu'il abhorre la société de masse, la démocratisation et la montée du prolétariat. Qu'il préfère la hauteur de vue et de pensée de quelques uns à la mièvrerie collective, etc., etc., cela ne me pose pas de problème. Mais lorsqu'on forge et qu'on utilise un concept, c'est autre chose, surtout lorsqu'il est forgé de deux parties aux champs sémantiques déjà trop larges pour chacun d'eux. Car, la volonté, vous accorderez que c'est vaste, la puissance ne l'est pas moins, il est peut-être préférable pour des philosophes de ne pas en rajouter en vastitude. La précision et la compréhension l'emportent à coup sûr sur le méga concept un peu passe-partout, vous en conviendrez peut-être.

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Liber a écrit:
friedrich crap a écrit:
Alors,si je vous suis bien, la volonté de puissance est uniquement une métaphysique de l'homme et, compte tenu des exemples le plus souvent donnés par Nietzsche, il s'agirait même de psychologie humaine tout court, et même d'un seul trait de la psychologie humaine lorsqu'il s'agit de domination, d'obéissance...

Disons qu'elle est anthropomorphique. Nietzsche peut à bon droit se voir objecter sa propre objection à l'égard des philosophies antérieures à la sienne. Mais cela ne change pas le fait qu'il demeure un philosophe, au contraire, puisque sa propre philosophie ne diffère pas tellement des autres, sur ce point.

Ensuite, la métaphysique de l'art de la Naissance et ses deux sources apolliniennes et dionysiaques, je ne sais pas s'il est si facile de les relier aux autres aspects de la volonté de puissance

Non, à cette époque, de la Volonté avec un V. Nietzsche, qui écrit pour Wagner, schopenhauérien converti, se sert de la théorie du philosophe pour expliquer le dionysiaque. Il dira plus tard combien il s'était trompé en associant Schopenhauer et Wagner à une idée aussi originale, aussi personnelle, sur le sujet qui lui tenait le plus à cœur, la musique.

Pardonnez-moi Liber, mais j'avais crû comprendre que vous me renvoyiez à Schopenhauer pour la fondation du concept de volonté de puissance, et en particulier à la Naissance de la tragédie, et vous semblez concéder maintenant que ce n'est plus la même volonté de puissance...
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