Liber a écrit:Effectivement, il y a beaucoup de Nietzsche là-dedans. On ne peut le nier. Cela fait partie de sa face sombre, colérique, méfiante, qu'Andler (ou Janz, je ne sais plus) attribuait à ses origines slaves. Plus on avance dans la vie de Nietzsche, plus les antagonismes se font jour. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'essayer de réfuter certains de ces passages souvent terribles (on aurait beaucoup de peine à le faire, du reste). Ce que nous savons de sa vie nous montre qu'il était souvent ainsi dans le privé, colérique, méfiant, prompt à critiquer très sévèrement ses amis les plus chers, quitte à les perdre définitivement. L'exagération qu'il y a dans ces textes du Nietzsche sombre est suffisante ce me semble pour ne pas les prendre au sérieux. Elles m'ont toujours paru grotesques. J'ai déjà cité (sur un autre forum) l'anecdote de cette journaliste anglaise qui, venue spécialement le voir dans sa pension pour l'interviewer, lui a demandé (par une astucieuse féminité) s'il pensait réellement ce qu'il disait sur les femmes. Nietzsche s'est alors récrié de sa voix douce : "Mais non voyons, mademoiselle, pas du tout". De fait, la misogynie de Nietzsche amusait ces dames. Une d'entre elles lui rapiéçait même ses chaussettes (Nietzsche était sans le sou). Quant au Nietzsche guerrier, la photo le montrant avec un sabre n'est qu'une pose pour photographe. Nietzsche est revenu horrifié de ce qu'il avait vu sur le champ de bataille pendant la guerre de 1870.
Tout à fait d'accord. Loin de moi l'idée de nier que Nietzsche ait pu tenir certains de ces propos ou qu'il ait pu avoir des moments si sombres. Mais certaines de ces pensées ne sont pas toujours cohérentes. Ou alors il faut estimer que Nietzsche aurait voulu, dans sa civilisation idéale, qu'il ne soit pas lui-même rendu possible, ou en tout cas que ses successeurs lui soient supérieurs, qu'ils ne soient pas enclins aux mêmes travers et maux que lui. Il me semble que cela irait contre la possibilité d'un philosophe-roi et contre la nécessité de la souffrance et du savoir-souffrir visant à développer l'intelligence et à intensifier la vie par l'esprit (et même, si j'ai bien compris, sa vision du bonheur comprend la souffrance, peut-être parce qu'elle est nécessaire pour provoquer le sursaut, le dépassement, de la même manière que la grande santé fait jouer la maladie). En ce qui concerne la misogynie, en général on ne cherche pas à comprendre ce qui nous déplaît, pourtant soit les propos ne sont pas haineux soit ils peuvent être ironiques, ou bien encore ils ne disent rien du rapport réel entre l'auteur et les femmes. Nietzsche m'a toujours semblé très sensible et charmant, mais vivant dans ses pensées il peut s'irriter pour rien et formule des exigences intellectuelles si hautes que l'ordinaire s'en efface aussitôt. Par ailleurs, on ne me fera pas accroire que ceux qui ont une vision archaïque de la femme sont sans cœur et tyranniques. Au contraire, que de tendresse ils savent éprouver pour la femme dans toute sa simplicité ! Hélas, elles ne sont encore vues que sous le prisme de l'idéal, ce qui peut renforcer les déceptions des philosophes (dont les exigences étaient placées si haut ; la chute n'en est que plus terrible).
Dernière édition par Silentio le Jeu 11 Aoû 2011 - 13:53, édité 1 fois