Si vous voulez mon avis sur la question, il a recherché une compagne avec qui discuter, pas une femme.
C'est une idée intéressante... pensez-vous que son meilleur ami Paul Rée ne lui suffisait pas pour discuter ?
Si vous voulez mon avis sur la question, il a recherché une compagne avec qui discuter, pas une femme.
aristippe de cyrène a écrit:pensez-vous que son meilleur amis Paul rée ne lui suffisait pas pour discuter ?
F. Nietzsche a écrit:Mais beaucoup de choses précisément s'unissent en moi pour me porter assez près du désespoir. Parmi toutes ces choses se trouve aussi, je ne vous le nierai pas, ma déception à l'égard de L. S. Un "drôle de saint" comme moi, qui a ajouté le poids d'une ascèse volontaire (une ascèse de l'esprit difficilement compréhensible) à toutes ses autres charges et à tous ses renoncements forcés, un homme qui, concernant le secret du but de son existence, n'a aucun confident : celui-là ne peut dire à quel point sa perte est grande, lorsqu'il perd l'espoir de rencontrer un être semblable, qui traîne avec soi une semblable tragédie et cherche du regard un semblable dénouement. Or, je suis seul depuis des années, et vous m'accorderez que j'ai fait "bonne mine" - la bonne mine fait elle aussi partie des conditions de mon ascèse. Si j'ai quant à moi encore des amis, je les ai - oui comment dois-je exprimer cela ? - malgré ce que je suis ou aimerais devenir. [...] Ce que vous dites du caractère de L. S. est vrai, aussi douloureux qu'il soit pour moi de le reconnaître. Je n'avais jamais rencontré encore un tel égoïsme, plein de naturel, vif dans les plus petites choses et que la conscience n'a pas brisé, un tel égoïsme animal : c'est pourquoi j'ai parlé de "naïveté", aussi paradoxal que sonne ce mot, si l'on se rappelle alors la raison raffinée et décomposante que possède L. Cependant il me semble qu'une autre possibilité reste encore cachée dans ce caractère : du moins est-ce là le rêve qui ne m'a jamais abandonné. Précisément dans ce genre de nature, un changement quasi soudain et un déplacement de toute la pesanteur pourraient se réaliser : ce que les chrétiens appellent un "éveil". La véhémence de sa force de volonté, sa "force d'impulsion", est extraordinaire. De nombreuses fautes ont dû être commises dans son éducation - je n'ai jamais connu une fille aussi mal élevée. Telle qu'elle apparaît en ce moment, elle est quasiment la caricature de ce que je vénère comme idéal, - et vous savez, c'est dans son idéal qu'on devient le plus sensiblement malade.
Lou Andreas-Salomé a écrit:Aussi la puissante émotion religieuse qui est chez Nietzsche la source de toute connaissance forme-t-elle un nœud serré de tendances contradictoires : sa propre immolation et sa propre apothéose ; l'atrocité de sa propre destruction et la volupté de sa divinisation ; l'étiolement douloureux et la guérison victorieuse ; une ivresse brûlante et une conscience de glace.
Lou Andreas-Salomé a écrit:Et de même que ses douleurs physiques ont été l'origine et la cause de son isolement extérieur, c'est dans sa souffrance psychique qu'il faut aller chercher les racines de son individualisme exalté. C'est elle qui pousse Nietzsche à souligner le caractère unique d'une solitude comme la sienne. L'histoire de cet homme "unique" est, du commencement à la fin, une biographie de la douleur. Elle n'a aucun point commun avec un quelconque individualisme général, en ce que son contenu ne provient pas du "contentement de soi-même", mais de la force avec laquelle Nietzsche parvient à se "supporter lui-même". Suivre les alternances douloureuses d'ascension et de chute qui jalonnent son développement intellectuel, c'est relire toute l'histoire des blessures qu'il s'est infligées. "Ce penseur n'a besoin de personne qui le réfute : il se suffit à lui-même pour cela" (Le Voyageur et son ombre, 249). Ces mots audacieux que Nietzsche emploie à propos de sa propre philosophie cachent un combat héroïque, long et douloureux avec lui-même.
Silentio a écrit:un tel égoïsme animal
Dans une lettre il lui dit ceci