Parousia a écrit: dès l'instant que l'homme pense et agit, les moments de pure agressivité animale seront donc tout de même difficiles à mettre en évidence chez l'homme.
Peut-être pas. Il faudrait y regarder de très près, mais il me semble que ce qu'on appelle par exemple la violence des cités n'en est pas une, et qu'il s'agit d'un cas typique d'agressivité. Rapport à un territoire, rapport tribal (les deux étant consubstantiels), rapport à l'autorité, non comme à une institution, mais comme à une intrusion. Et quand on a des épisodes comme ceux de 1994 ou de 2005, on se trompe de diagnostic : on confond habitudes et préméditation, agressivité et violence.
Parousia a écrit: En d'autres termes, faut-il dire : "seul l'animal est agressif tandis que seul l'homme est violent "?
Les deux sont agressifs ; mais les hommes sont violents quand les animaux ne sont (quand ils le sont) que brutaux.
Parousia a écrit: Est-ce donc bien la violence qui fonde et pas l'inverse, à savoir que tel ou tel état de conflit engendrerait dans le groupe humain tel type de violence et pas un autre ? Comme vous le faites remarquer, la violence est "préméditée", en tous cas elle est souvent "consciente", n'est-ce donc pas la conscience, la culture, l'idéologie qui va sécréter tel type de violence (dont elle se sert) plutôt que la violence qui ferait émerger un nouvel ordre ? La violence qui fonde ne doit-elle pas être appelée autrement ?
Nous sommes ici dans un domaine où la conjecture est de mise. Entre violence et culture, il y a compénétration. De ce fait, il me paraît impossible de décider laquelle, de la violence ou de la culture, est fondatrice. Elles entretiennent très probablement un lien réciproque de cause à effet. Enfin, parler de violence comme fondement, c'est moins parler de ce qui a ou aurait eu lieu en premier (acte/événement originel), que de quelque chose qui, en advenant, fut l'occasion d'une institution. La violence, c'est l'homme en tant qu'être institué/instituant. C'est un acte nécessairement social, en ce sens que la violence implique une conscience collective, une implication réciproque des uns et des autres. Il n'y a plus seulement un groupe, il y a du lien, ré-inventé en lieu et place (et en complément) des seuls instincts. Littéralement, il y a re-ligion. La violence qui surgit, c'est la culture qui advient. Les animaux ne sont pas des êtres instituants, mais seulement institués (habitudes/nature) - ce qui ne veut pas dire qu'ils sont incapables d'inventions ou d'adaptation, dans mon propos. Ce qu'on appelle société, chez les hommes, est toujours et en même temps une dis-société. Pas de guerre civile, chez les animaux. Chez nous, la différenciation (l'individuation), même au sein des groupes les plus indifférenciés, est constitutive. On ne peut en faire abstraction. Mais on ne peut la livrer à elle-même. D'où l'intérêt de la culture, dont le sacrifice comme pratique est une forme primitive essentielle, précisément parce qu'elle atteste d'une conscience collective, d'une économie de la violence. L'origine des tragédies est à cet égard passionnante à explorer (tragos = bouc ; or toute tragédie est violente, et se déploie sur fond de "boucheries").