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Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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Peut-être pourrions-nous axer notre réflexion sur le dénigrement progressif de la pensée et du savoir dans nos sociétés comme cause du jeunisme ?
Il me semble que les années 80 ont marqué une rupture dans l'ordre de priorités que nous avons. Avant, il semble que le savoir et la culture étaient des qualités que nous considérions comme appréciables et respectables lorsque nous la rencontrions chez autrui. Désormais il semble que cela soit méprisé, dénigré car l'on est désormais dans une société de l'utilité et c'est bien connu, ce qu'on apprend à l'école, bastion du savoir par tradition, est inutile. Donc l'on se réfugie vers le corps et l'attrait, et le désir qu'ils peuvent provoquer chez autrui. De beaux abdominaux, une belle musculature chez l'homme, un corps attirant et appétissant chez la femme est le meilleur atout pour quelqu'un cherchant à construire un relationnel. Ainsi il n'y a que la jeunesse qui puisse apporter ce corps tant chéri et désiré, la vieillesse c'est le savoir inutile et déclinant, le corps crépusculaire. Peut-être pouvons-nous trouver dans cette idée l'aversion de la société envers ses vieux ?

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JimmyB a écrit:
Ainsi il n'y a que la jeunesse qui puisse apporter ce corps tant chéri et désiré, la vieillesse c'est le savoir inutile et déclinant, le corps crépusculaire. Peut-être pouvons-nous trouver dans cette idée l'aversion de la société envers ses vieux ?

Il y a un texte de Sénèque (Lettres à Lucilius, II, 15) qui correspond parfaitement à ce que vous dites ici, ce qui tendrait à montrer que cette préoccupation ne date pas d'hier.

C’était chez nos pères un usage, observé encore de mon temps, d’ajouter au début d’une lettre : Si ta santé est bonne, je m’en réjouis ; pour moi, je me porte bien. À juste titre aussi nous disons, nous : Si tu pratiques la bonne philosophie, je m’en réjouis. C’est là en effet la vraie santé, sans laquelle notre âme est malade et le corps lui-même, si robuste qu’il soit, n’a que les forces d’un furieux ou d’un frénétique. Soigne donc par privilège la santé de l’âme : que celle du corps vienne en second lieu ; et cette dernière te coûtera peu, si tu ne veux que te bien porter. Car il est absurde, cher Lucilius, et on ne peut plus messéant à un homme lettré, de tant s’occuper à exercer ses muscles, à épaissir son encolure, à fortifier ses flancs. Quand ta corpulence aurait pris le plus heureux accroissement, et tes muscles les plus belles saillies, tu n’égaleras jamais en vigueur et en poids les taureaux de nos sacrifices. Songe aussi qu’une trop lourde masse de chair étouffe l’esprit et entrave son agilité. Cela étant, il faut, autant qu’on peut, restreindre la sphère du corps et faire à l’âme la place plus large. Que d’inconvénients résultent de tant de soins donnés au corps ! D’abord des exercices dont le travail absorbe les esprits et rend l’homme incapable d’attention forte et d’études suivies ; ensuite une trop copieuse nourriture qui émousse la pensée. Puis des esclaves de la pire espèce que vous acceptez pour maîtres, des hommes qui partagent leur vie entre l’huile et le vin, dont la journée s’est passée à souhait, s’ils ont bien et dûment sué et, pour réparer le fluide perdu, multiplié ces rasades qui à jeun doivent pénétrer plus avant. Boire et suer, régime d’estomacs débilités.
Il est des exercices courts et faciles qui déroidissent le corps sans trop distraire, et ménagent le temps, dont avant tout il faut tenir compte : la course, le balancement des mains chargées de quelque fardeau, le saut en hauteur ou bien en longueur, ou comme qui dirait la danse des prêtres saliens, ou plus trivialement le saut du foulon. Choisis lequel tu voudras de ces moyens : l’usage te le rendra facile. Mais quoi que tu fasses, reviens vite du corps à l’âme ; nuit et jour tu dois l’exercer, on l’entretient sans grande peine. Cet exercice, ni froid ni chaleur ne l’empêchent, ni même la vieillesse. Cultive ce fonds que le temps ne fait qu’améliorer. Non que je te prescrive d’être sans cesse courbé sur un livre ou sur des tablettes : il faut quelque relâche à l’âme, de manière toutefois à ne pas démonter ses ressorts, mais à les détendre.

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Silentio a écrit:
Janus a écrit:
Mon point de vue est seulement plus "relativiste" et libéral, dans la mesure où j'y vois d'avantage un phénomène naturel, mais qui prend simplement une nouvelle physionomie compte tenu de l'évolution des progrès, eux aussi naturels.

Ce sont au contraire des phénomènes culturels et sociaux. L'homme est facteur de changement, pas la nature. Si le jeunisme est un phénomène naturel, pourquoi n'a-t-il pas existé de tout temps ?
Janus a écrit:
Sinon, prétendre que certaines caractéristiques humaines comme celles entrant en jeu dans le phénomène du jeunisme sont "éternelles en soi" (autrement dit touchant certains côtés immuables de la nature humaine) ne veut pas dire nier que d'autres caractéristiques elles au contraire sont sujettes à évolution. Avec Freud par exemple, on voit bien par quels mécanismes psychiques (cf. surmoi) la société conditionne l'individu en inhibant certains de ses instincts jugés "indésirables" par la civilisation, sans pour autant avoir supprimé ceux-ci, seulement "refoulés" (niveau langage) mais non réellement effacés pour autant. En fait, et je l'ai récemment indiqué sur une autre discussion, la culture (ou plutôt civilisation) n'a pas pour fonction d'effacer la nature humaine, mais juste de la réguler comme pour adapter l'individu aux besoins de la "cohésion du Tout".

Là encore, vous donnez l'impression de penser une nature humaine anhistorique, en dehors du temps, hors de la culture et antérieure à elle, comme si l'homme pouvait être autre chose que ce qu'il a été réellement sous ses diverses formes historiques, sociales et culturelles..... Marx et les marxistes, si l'on suit la critique de Castoriadis, expliquent l'histoire par l'innovation technique et surtout par la principale cause déterminante qu'est l'économie, l'intérêt économique ou le besoin de s'enrichir (la motivation naturelle de l'homme est d'ordre économique). Or ça ne correspond qu'à ce que la société du XIXe siècle valorise. L'histoire montre par les différentes sociétés réalisées que l'homme a pu se définir et orienter ses activités d'après des valeurs très différentes. Tout expliquer par une cause déterminante universelle (naturelle, biologique) n'explique pas, en réalité, comment les sociétés créent des hommes qui créent de nouveaux besoins qui dépassent de loin ces besoins naturels qui leur sont supposés.


J'ai pourtant au contraire essayé d'expliquer qu'on ne pouvait aussi simplement dissocier nature et culture, celle-ci étant le produit d'une nature qui contenait déjà en elle-même, dès l'origine des temps, les germes de la future culture, germes qui nécessitaient juste d'éclore concrètement et effectivement au travers de l'expérience concrète et le devenir historique des hommes, pour permettre à la Raison d'effectuer son difficile "cheminement" de progrès. Culture comprise ici sous ces diverses "formes" que vous disiez "historiques, sociales et culturelles". Mais il est clair que cette vision des choses ne peut être comprise qu'à partir d'une analyse dite "idéaliste" autrement dit sous l'angle de la vie de l'esprit qui se déploie dans l'espace et le temps.
Il faut, pour appréhender cela, se référer à la logique dite "dialectique" (hégélienne) qui ne correspond pas à une logique ordinaire – utilisée par l'entendement dans le sens courant du terme – mais étant celle poursuivie par le réel, et de ce fait, dirais-je, ne pouvant être "comprise" par nous qu'au moyen de métaphores (la plus célèbre étant sans doute celle du "maître et de l'esclave"). Quant à l'histoire elle n'est pas laissée à la traîne, ni oubliée, car rien n'est exclu dans le résultat présent effectué par la Raison. Et l'état historique actuel n'efface pas celui du passé, mais l'englobe au fur et à mesure (en ne retenant, par une opération d'élucidation dite "contradictoire", que l'essence des choses) dans le cours de l'évolution et des progrès réalisés par l'esprit, dans ses diverses formes matérielles (pour la notion de forme, cf Aristote).

Se référer à cette critique de Castoriadis nous maintient dans une approche uniquement matérialiste des choses, celle empruntée par Marx, où seule la matière est supposée pouvoir influer sur la représentation et créer (illusoirement) les Idées. Dans la vision idéaliste hégélienne à laquelle je me réfère (car c'est celle où je découvre la formulation de ma propre vision des choses), l'économie n'y est certainement pas une "cause déterminante" comme vous disiez, mais plutôt une des multiples formes matérielles empruntées par l'esprit, la vie étant le passage obligé pour extraire les lois de l'univers. Démarche qui va d'ailleurs déboucher sur l'essentiel : la reconnaissance de l'Autre et la liberté "raisonnable" qui lui est peu à peu reconnue, au cours de ce chemin plein d'embûches, de conflits, qu'est la vie.


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Janus a écrit:
J'ai pourtant au contraire essayé d'expliquer qu'on ne pouvait aussi simplement dissocier nature et culture, celle-ci étant le produit d'une nature qui contenait déjà en elle-même, dès l'origine des temps, les germes de la future culture, germes qui nécessitaient juste d'éclore concrètement et effectivement au travers de l'expérience concrète et le devenir historique des hommes, pour permettre à la Raison d'effectuer son difficile "cheminement" de progrès.

(Je souligne.)
La culture existait donc avant même l'apparition de la vie et sa création par l'homme ! A moins que vous ne vouliez dire que dès les débuts de la civilisation les hommes se sont donné un monde en créant, par leurs techniques, leur environnement. L'homme est en effet celui qui actualise la puissance créatrice de la nature au travers de la culture. La nature fait de l'homme celui qui par la technique peut créer de la nouveauté, ce qui n'existait pas auparavant dans la nature. Transformant son monde et son rapport à lui, l'homme peut alors se créer de nouvelles formes de vie.
Janus a écrit:
Mais il est clair que cette vision des choses ne peut être comprise qu'à partir d'une analyse dite "idéaliste" autrement dit sous l'angle de la vie de l'esprit qui se déploie dans l'espace et le temps.

Pourquoi cela ?
Janus a écrit:
Se référer à cette critique de Castoriadis nous maintient dans une approche uniquement matérialiste des choses, celle empruntée par Marx, où seule la matière est supposée pouvoir influer sur la représentation et créer (illusoirement) les Idées.

J'aimerais bien savoir pourquoi. Mais même si vous faisiez l'effort d'argumenter votre propos vous auriez tort car Castoriadis n'est pas matérialiste. Pour lui, matérialisme et idéalisme sont deux formes de rationalisme. Grosso modo, la matière est une entité abstraite qui expliquerait toute chose en dernière instance : bref, c'est, pour le dire rapidement, une idée de métaphysicien pour combler un trou dans la schématisation du réel, ça ne fait que remplacer Dieu.

Marx a peut-être voulu remettre la dialectique hégélienne sur ses pieds, reste qu'il conserve cette dialectique. Hegel et Marx ont tous deux une philosophie déterministe qui fait la part belle au progrès. De plus, on pourrait dire que Castoriadis, au contraire de Marx, considère que c'est la superstructure qui est déterminante, du moins qu'il y en a une antérieure à toute infrastructure et à toute superstructure et qui est réellement déterminante tout en étant une création humaine non sue (cf. les significations imaginaires sociales).

Pour le reste, je ne vois vraiment pas où vous voulez en venir avec la dialectique hégélienne. Si vous voulez dire qu'au fond tout ce qui arrive est naturel parce qu'il devient, est effectif, et qu'il ne faut pas vouloir autre chose, alors je me demande bien où est passé votre esprit critique. Si vous voulez consentir à ce qui vous semble inéluctable, c'est votre problème. Mais vous ne me ferez pas croire que durant la Seconde Guerre mondiale il fallait se résigner à accepter son sort et aller gaiement se faire exterminer par les derniers produits à la mode de la science, tout ça parce que le présent participe du déploiement de l'Esprit et de la Raison dans le monde. Drôle de conception de la liberté...

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Kthun a écrit:
Peut-on attribuer une autorité (qui puisse se justifier) à l'individu d'un certain âge
C'est le cas dans la plupart des sociétés (cf. le seul nom de Sénat, qui réfère explicite à la vieillesse). La relégation des "vieux", chez nous, est quand même récente. Et même si toutes les générations ont plus ou moins formulé des reproches aux générations qui leur succédaient, l'objet principal de la plainte était dans le manque de respect. J'avais cité un texte de Castiglione, à ce propos, je ne sais plus dans quel fil ; Liber avait mentionné Leopardi. Mais, pour mentionner un texte canonique, on peut rappeler que Platon, au livre 2 de la République, fait sortir Céphale de la discussion, signifiant ainsi aux lecteurs que l'expérience ne suffit pas pour philosopher. La nouveauté, aujourd'hui, est bien dans le jeunisme. Or, lorsque vous dites :
Kthun a écrit:
nous interroger sur l'injonction à la longévité, c'est-à-dire que l'objectif implicite d'une vie serait, dans la mesure du possible, de vivre le plus longtemps possible (sans que l'on ne sache trop pourquoi), objectif engendrant un certain nombre d'effets pervers.
il faut préciser que l'injonction à la longévité n'est pas une injonction à la vieillesse, mais au prolongement de la jeunesse. On veut une jeunesse durable. Du reste, les sexagénaires en très bonne santé sont de plus en plus nombreux. Pas assez, toutefois, pour diminuer le nombre de ceux qui résident dans les maisons de retraite, et dont on ne sait pas quoi faire, sinon les maintenir en vie et les occuper, certes dans des conditions dignes et humaines, selon le vœu des professionnels et de quelques autres. Mais quant à leur donner un rôle, c'est ce que la société n'a pas même envisagé.
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