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Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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15 participants

descriptionLes implications de la "vieillesse" dans nos sociétés EmptyLes implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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Je m'inspire essentiellement de l'ouvrage La culture du narcissisme de Lasch (un chapitre est consacré à la vieillesse) pour poser la question : quel rôle assigner au fait d'être "vieux" ? Peut-on attribuer une autorité (qui puisse se justifier) à l'individu d'un certain âge ou bien est-il réduit, dans le meilleur des cas, à être l'objet de notre affection (ou du souvenir de ce qu'il a été par le passé) ?

Partons du présupposé que par le passé ("idéalisé") donc à une époque antérieure le vieillard (donc "patriarche") honorable ait eu des fonctions sociales. Il aurait été, dans une société stable où le changement se fait lentement, un repère fixe et respectable dans le sens où sa "sagesse" (donc ses connaissances sur le fonctionnement de la société et des relations sociales) se mesure à son âge (au fur et à mesure du temps on accroît nos expériences). On suppose donc qu'il y avait quelque chose à retenir de ses enseignements précieux ; d'où la justification, en partie rationnelle, de son autorité.

Qu'en est-il, aujourd'hui ? Nous vivons dans une société où les repères ne sont pas fixés une fois pour toutes, on est saturé d'informations, la technique est responsable en partie de ces changements dans notre rapport au monde, etc. Par conséquent, quelle peut-être la fonction du "vieux" ? Paradoxalement, l'espérance de vie ne cesse d'augmenter (ce qui implique que l'on meurt plus tardivement). Par contre, le vieux n'a plus rien à enseigner (à quiconque) : plus de connaissances pratiques (puisque nous vivons dans une société où le savoir-faire d'aujourd'hui sera peut-être périmé demain) ni de "vérités" immémoriales (la société est complexe, les causes et les conséquences des phénomènes observés proviennent aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur) à distribuer. Le savoir est fragmenté. C'est désormais le rôle tenu par les "spécialistes" de nous dire ce qu'il faut "penser" à tel moment sur tel sujet. Cet être est-il donc condamné à n'être qu'un individu comme un autre (si ce n'est qu'il est fort âgé) ? On en arrive à la conclusion logique que "ça dépend des individus", qu'il faut nécessairement distinguer le bon grain de l'ivraie.

Toutefois, dans nos sociétés, certains revendiquent appartenir au groupe des "personnes âgées". Le reste de la société partage cette idée de l'existence supposée de ce groupe. Mais alors voilà, on associe à ce groupe des stéréotypes et autres représentations (partagées par les "personnes âgées") : un individu "respectable", honorable qui a des privilèges on ne sait pourquoi (si ce n'est d'avoir vécu plus d'un demi-siècle, ce qui constitue, pourtant, de moins en moins un exploit dans nos sociétés). Ça peut paraître trivial, mais ceci est facilement constatable dans la vie quotidienne. On a tous assisté à des incivilités de la part de ces "personnes âgées". Pour prendre un exemple : dans les transports en commun, il est réclamé de céder la place aux "vieux" ; or, une bonne partie des seniors sont bien portants (c'est-à-dire qu'ils ne sont pas forcément handicapés) ce qui n'empêche pas d'avoir inscrit durablement dans les consciences l'équation "vieillesse = faiblesse". La question de leur rôle se pose à l'ensemble de la société car ils sont dépendants de cette dernière (par le système des retraites). Ils sont de plus en plus nombreux (les gens vieillissent et vivent de plus en plus longtemps) dans notre société à être "parqués" dans des maisons de retraite. L'ensemble de ces questions, dans le fond, nous amène à nous interroger sur l'injonction à la longévité, c'est-à-dire que l'objectif implicite d'une vie serait, dans la mesure du possible, de vivre le plus longtemps possible (sans que l'on ne sache trop pourquoi), objectif engendrant un certain nombre d'effets pervers.

Qu'en pensez-vous ?

descriptionLes implications de la "vieillesse" dans nos sociétés EmptyRe: Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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Les vieux ne comptent que s'ils restent jeunes. L'obsession pour la toxine botulique et autres artifices, vestimentaires, psychologiques, etc., montrent que le "jeunisme", devenu un impératif catégorique il y a une vingtaine d'années, est désormais inscrit dans les mœurs. On le voit comme une évidence. Il est en grande partie soutenu par les progrès absolument fulgurants de la médecine (même la médecine des années 80/90 semble reléguée dans des âges immémoriaux à côté de ce qu'on sait faire aujourd'hui).

Toutefois, l'écart entre l'information objective (âge réel, retraite, oisiveté, etc.) et l'apparence (femmes et hommes fripés, mais habillés de la tête aux pieds avec des vêtements de marque, ayant les mêmes loisirs, les mêmes codes linguistiques, etc.) n'est pas facile à franchir, parce que le décalage ne se fait même plus entre les générations mais au sein d'une même génération : les 20/25 ans ne se reconnaissent absolument pas chez les 15/20 ans. Les jeunes émergent en permanence comme un pouvoir constituant qui, sitôt qu'il est constitué, est mis en demeure de faire place. Cela se produit à un rythme bien plus soutenu que celui du rattrapage-rétro-pédalocipèdique auquel se livrent les jeunes seniors. Les trentenaires (quoique de moins en moins) et les quadragénaires ont au moins accès à la vie active pour endiguer le jeunisme. Mais les vieux n'ont que des loisirs (paraît-il). Le gouffre du passé, de la mémoire et de la mort est d'autant plus ouvert que le nouveau ne regarde que devant lui, et que rien ne semble pouvoir lui échapper, du grille-pain aux colonies interstellaires en passant par les bracelets électroniques. Comme si on avait décidé que, pour les vieux (pré-matérialisation de la mort), le poids des souvenirs rendait impossible toute inventivité. Le vieux, c'est pas assez nouveau. Et quand on le rajeunit, quand on le renouvelle, ce n'est qu'un produit d'occasion.

descriptionLes implications de la "vieillesse" dans nos sociétés EmptyRe: Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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melokrik a écrit:
considérant que la population du groupe de personnes âgées ne participe plus au fonctionnement économique quasi obligatoire, il faudrait se demander si leur utilité doit être exigée quand même, ou pas
Les décréter inutiles, c'est ruiner l'industrie du tourisme.

melokrik a écrit:
inétanchable
melokrik a écrit:
prioriser
Ce qui veut dire ?

descriptionLes implications de la "vieillesse" dans nos sociétés EmptyRe: Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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Kthun a écrit:
Je m'inspire essentiellement de l'ouvrage La culture du narcissisme de Lasch (un chapitre est consacré à la vieillesse) pour poser la question : quel rôle assigner au fait d'être "vieux" ? Peut-on attribuer une autorité (qui puisse se justifier) à l'individu d'un certain âge ou bien est-il réduit, dans le meilleur des cas, à être l'objet de notre affection (ou du souvenir de ce qu'il a été par le passé) ?

Partons du présupposé que par le passé ("idéalisé") donc à une époque antérieure le vieillard (donc "patriarche") honorable ait eu des fonctions sociales. Il aurait été, dans une société stable où le changement se fait lentement, un repère fixe et respectable dans le sens où sa "sagesse" (donc ses connaissances sur le fonctionnement de la société et des relations sociales) se mesure à son âge (au fur et à mesure du temps on accroît nos expériences). On suppose donc qu'il y avait quelque chose à retenir de ses enseignements précieux ; d'où la justification, en partie rationnelle, de son autorité.

Qu'en est-il, aujourd'hui ? Nous vivons dans une société où les repères ne sont pas fixés une fois pour toutes, on est saturé d'informations, la technique est responsable en partie de ces changements dans notre rapport au monde, etc. Par conséquent, quelle peut-être la fonction du "vieux" ? Paradoxalement, l'espérance de vie ne cesse d'augmenter (ce qui implique que l'on meurt plus tardivement). Par contre, le vieux n'a plus rien à enseigner (à quiconque) : plus de connaissances pratiques (puisque nous vivons dans une société où le savoir-faire d'aujourd'hui sera peut-être périmé demain) ni de "vérités" immémoriales (la société est complexe, les causes et les conséquences des phénomènes observés proviennent aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur) à distribuer. Le savoir est fragmenté. C'est désormais le rôle tenu par les "spécialistes" de nous dire ce qu'il faut "penser" à tel moment sur tel sujet. Cet être est-il donc condamné à n'être qu'un individu comme un autre (si ce n'est qu'il est fort âgé) ? On en arrive à la conclusion logique que "ça dépend des individus", qu'il faut nécessairement distinguer le bon grain de l'ivraie.

Toutefois, dans nos sociétés, certains revendiquent appartenir au groupe des "personnes âgées". Le reste de la société partage cette idée de l'existence supposée de ce groupe. Mais alors voilà, on associe à ce groupe des stéréotypes et autres représentations (partagées par les "personnes âgées") : un individu "respectable", honorable qui a des privilèges on ne sait pourquoi (si ce n'est d'avoir vécu plus d'un demi-siècle, ce qui constitue, pourtant, de moins en moins un exploit dans nos sociétés). Ça peut paraître trivial, mais ceci est facilement constatable dans la vie quotidienne. On a tous assisté à des incivilités de la part de ces "personnes âgées". Pour prendre un exemple : dans les transports en commun, il est réclamé de céder la place aux "vieux" ; or, une bonne partie des seniors sont bien portants (c'est-à-dire qu'ils ne sont pas forcément handicapés) ce qui n'empêche pas d'avoir inscrit durablement dans les consciences l'équation "vieillesse = faiblesse". La question de leur rôle se pose à l'ensemble de la société car ils sont dépendants de cette dernière (par le système des retraites). Ils sont de plus en plus nombreux (les gens vieillissent et vivent de plus en plus longtemps) dans notre société à être "parqués" dans des maisons de retraite. L'ensemble de ces questions, dans le fond, nous amène à nous interroger sur l'injonction à la longévité, c'est-à-dire que l'objectif implicite d'une vie serait, dans la mesure du possible, de vivre le plus longtemps possible (sans que l'on ne sache trop pourquoi), objectif engendrant un certain nombre d'effets pervers.

Qu'en pensez-vous ?

Peut-être faudrait-il commencer par rappeler que s'attribuer le devoir de protéger les plus faibles (ce que réalise d’ailleurs le droit au moyen de la loi qui interdit de les violenter, par extension le viol, etc.), est un des fondements politiques de la liberté, sachant qu’à l’état de nature c’était au contraire le règne de la loi du plus fort et de l’arbitraire qui régentaient les relations humaines, lorsque le maître, s’attribuant un pouvoir arbitraire, avait le droit de vie et de mort sur quiconque, en toute légitimité.
En l’occurrence, les plus jeunes sont généralement les plus forts par rapport aux vieux affaiblis, autant physiquement que mentalement, sans quoi le "vieux" n'en  serait pas un.
Aussi, lorsqu’une personne dans la force de l’âge est sauvagement assassinée, cela troublera la sensibilité d’un homme que j’appellerais "normal" car moral, mais s’il s’agit d’un enfant, d’une femme ou d’un vieillard, cet homme normal en sera encore plus affecté et indigné, car pour lui, attenter à l’intégrité d’une personne affaiblie sera considéré non seulement comme un crime mais un véritable sacrilège.

J'évoquerai ensuite cette ancienne notion de piété, sentiment alliant l'affection et le respect, terme que les anciens accordaient aux vertus domestiques : piété paternelle, obéissance du fils envers le père, amour qu'il portait à sa mère, tout était divin dans la famille. Sentiment du devoir, affection naturelle, idée religieuse, tout cela se confondait et ne faisait qu'un, gratitude, amour respectueux des enfants pour les parents, qui incluait respect envers les vieux et aussi envers les morts.

Alors que doit-on regretter dans ce modernisme encore montré du doigt ? Que la science, la médecine et les nouvelles technologies nous éloignent de ces valeurs religieuses qui nous servaient de repères ? Que prolonger la vie n’a aucun intérêt non seulement pour nos caisses de retraites mais aussi pour la Vie qui raisonne au contraire en terme de sélection naturelle (consistant à éliminer les plus faibles et les moins aptes à procréer) ?
Faut-il se réjouir des retombées économiques ou déplorer ce revers de la médaille qu’on appelle le jeunisme ? A moins que vous ne lui préfériez l’eugénisme ?  :shock:
melokrik a écrit:
inétanchable...  prioriser ...

Si étancher la soif, c’est faire cesser la soif, j’en déduis que des besoins inétanchables sont extensibles à l’infini, à cause bien sûr du consumérisme. Si chacun se met à inventer ses mots, je crains que nous risquions de prioriser le charabia.  ;)

descriptionLes implications de la "vieillesse" dans nos sociétés EmptyRe: Les implications de la "vieillesse" dans nos sociétés

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La vieillesse est une étape de la vie. Nos sociétés se tournent vers les jeunes parce que ceux-ci représentent la force. Dans d'autres sociétés, beaucoup moins "évoluées", les vieux représentent un savoir. Il faudrait respecter la vieillesse, non pas parce que c'est méchant de leur faire du mal, mais parce qu'ils sont l'un des maillons, incontournable, d'une société.
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