Portail philosophiqueConnexion

Bibliothèque | Sitographie | Forum

Philpapers (comprehensive index and bibliography of philosophy)
Chercher un fichier : PDF Search Engine | Maxi PDF | FreeFullPDF
Offres d'emploi : PhilJobs (Jobs for Philosophers) | Jobs in Philosophy
Index des auteurs de la bibliothèque du Portail : A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z

Nietzsche et la philosophie.

power_settings_newSe connecter pour répondre
5 participants

descriptionNietzsche et la philosophie. - Page 5 EmptyRe: Nietzsche et la philosophie.

more_horiz
friedrich crap a écrit:
Tout de même Euterpe, n'est-il pas surprenant, après Kant et ses problématiques historique et cosmopolitique (chez lui aussi il y a des prophéties mais plus difficiles à réaliser...), après Hegel et sa philosophie de l'histoire, à deux encablures de Marx, de voir surgir cet ovni nietzschéen (certes il y aura Kierkegaard outre-baltique) qui, au sein de ce fourmillement d'hégéliens de droite et de gauche, prend justement le parti pris de ne pas réellement penser le politique ?

Disons, autant pour Kant, Hegel et Marx, que le politique est l'accomplissement ou l'aboutissement de l'histoire. Il y a un Kant historien, un Hegel historien et un Marx historien ; et, d'une manière ou d'une autre, on trouve chez ces trois-là une téléologie. Il n'y a pas de téléologie chez Nietzsche.

Excellent historien à mon sens, et même souvent meilleur que les trois autres à beaucoup d'égards, il n'est pas et ne peut pas être historien : d'abord, l'oubli est vital dans son œuvre, on ne peut penser l'histoire sans penser l'oubli ; ensuite, son histoire est une histoire à rebours : généalogique. Il ne renverse pas seulement la philosophie traditionnelle, il renverse aussi la nouvelle philosophie, où la raison n'est plus métaphysique mais historique. C'est être conséquent au regard de sa propre philosophie : s'il n'y a pas un au-delà du monde (Platon), il n'y a pas non plus un à-venir du monde qu'il serait possible de prédéterminer ou d'anticiper (communisme, utopies, millénarismes, etc.).

Or il est intéressant de noter que, à l'exception d'Aristote qui seul fait avec ce qui existe, la plupart des philosophes politiques traditionnels conçoivent le politique comme le lieu même du devoir être, donc comme le terrain d'élection de la morale, comme quelque chose qui permet d'accomplir ce qui n'est pas encore accompli. Penser la morale, rejeter la morale, cela le dispense de penser le politique. Mais penser le politique l'obligeait, d'une manière ou d'une autre, à intégrer la morale. Il n'y a pas de politique ou de philosophie politique possibles sans morale. C'est impossible. Si on peut évidemment penser le politique comme ce qui permet aux hommes d'accomplir véritablement leur nature, cela ne doit pas nous induire en erreur avec Nietzsche qui, certes, est attaché à la nature humaine, mais pas comme un projet. La nature humaine est une racine, chez Nietzsche. Le "deviens ce que tu es" n'est pas un projet, c'est un : "deviens ce que tu nais" (non l'indétermination native, mais le (co)naître à soi-même et au monde). Il est grec, mais c'est un présocratique, donc un anté-politique.

Castoriadis disait que la Grèce, c'est la naissance conjointe de la philosophie et de la démocratie, c'est-à-dire du projet d'autonomie. Nietzsche se situe avant la philosophie et le politique.

Dernière édition par Euterpe le Jeu 20 Juil 2017 - 16:19, édité 2 fois

descriptionNietzsche et la philosophie. - Page 5 EmptyRe: Nietzsche et la philosophie.

more_horiz
friedrich crap a écrit:
Sauf mauvaise lecture de ma part, j'ai rencontré deux affirmations qui m'ont surpris : 1°) Nietzsche se serait exprimé ouvertement et publiquement contre l'idéologie allemande, contre cet idéal de "nation allemande "(peut-être à la Fichte ?) ?

En effet, Nietzsche détestait tout ce qui se rapportait au "Reich". N'oublions pas qu'il a enseigné de nombreuses années dans une petite ville suisse. La Confédération helvétique pouvait lui rappeler les cités grecques, farouchement autonomes et dirigées par de vieilles castes aristocratiques. Janz consacre un long passage de son livre sur le sujet, quand il en vient à l'installation de Nietzsche à Bâle et à la personnalité de Jacob Burckhardt. Je vous y renvoie. Burckhardt est l'auteur d'une monumentale Histoire de la civilisation grecque, regroupement de leçons auxquelles assistait Nietzsche, et d'une plus connue Civilisation de la Renaissance en Italie, deux ouvrages qui ont fortement influencé Nietzsche, notamment dans sa conception des rapports de l'individu à l'État. Nietzsche connaissait en outre l'exemple de Gœthe, qui s'opposa à l'idéal romantique d'une nation allemande. Le petit duché de Weimar devenu un grand centre culturel de l'Europe lui montrait, tout comme Bâle, les vertus de la tradition féodale.


2°) Nietzsche aurait vers la fin de son œuvre souhaité l'avènement du socialisme pour favoriser l'apparition du surhomme (là j'ai dû mal lire, je vais vérifier) ?

Il ne s'agit ni plus ni moins qu'un de ses espoirs de grands bouleversements de l'humanité, d'une catastrophe plus souhaitée qu'annoncée par Nietzsche. Il rêvait aussi de guerre civile (guerre "d'individu à individu") et "d'âge classique de la guerre".


Nota bene : on y trouve aussi la satisfaction de Nietzsche d'avoir été qualifié "d'aristocrate radical" par un commentateur de l'époque. Nietzsche lui écrit pour l'en remercier.

Brandès était un conférencier danois, un des premiers à avoir parlé de Nietzsche en Europe, et qui devait traduire ses livres. Il était alors en contact épistolier avec Nietzsche, qui cherchait désespérément qu'on parle de ses livres. La soeur de Nietzsche ne voyait en Brandès qu'un juif ayant "mangé à tous les râteliers" et reprochait à son frère de s'être allié à lui.

descriptionNietzsche et la philosophie. - Page 5 EmptyRe: Nietzsche et la philosophie.

more_horiz
Euterpe a écrit:
C'est être conséquent au regard de sa propre philosophie : s'il n'y a pas un au-delà du monde (Platon), il n'y a pas non plus un à-venir du monde qu'il serait possible de prédéterminer ou d'anticiper (communisme, utopies, millénarismes, etc.).

Castoriadis disait que la Grèce, c'est la naissance conjointe de la philosophie et de la démocratie, c'est-à-dire du projet d'autonomie. Nietzsche se situe avant la philosophie et le politique.

En effet, votre thèse est séduisante et présente un Nietzsche conséquent. Cependant cette "situation" de Nietzsche (inactuel n'est-ce pas ?) avant la philosophie téléologique (si je vous entends bien) et avant la naissance de la démocratie, au moment même où, comme Liber le rappelle à travers Sautet, Nietzsche est tout de même un véritable sismographe des événements, ne laisse pas de constituer une surprise de taille, un événement philosophiquement ou historiquement inattendu.

Quelques remarques trop rapides :

- pensez-vous réellement que la philosophie téléologique ne soit pas présente au moins en germes chez les présocratiques ?
- Si Nietzsche part comme vous le dites de l'homme tel qu'il naît, faut-il le comprendre aussi comme une thèse naturaliste de l'homme ? Nietzsche ne développe-t-il pas alors une mythologie du surhomme à défaut d'un projet ?
- Fouillée développe la thèse au livre IV que Nietzsche rentre en "religion" avec son surhomme ; il cite un grand nombre de pages du Zarathoustra qui en ont et le "verbe" et "l'esprit". Même si j'ai finalement préféré les trois premiers livres, je ne crois pas que Fouillée soit "à côté" sur ce point. Une "religion" plutôt qu'une téléologie ?

descriptionNietzsche et la philosophie. - Page 5 EmptyRe: Nietzsche et la philosophie.

more_horiz
Nietzsche est tout de même un véritable sismographe des événements

Cette idée que Nietzsche tente d'apporter une solution philosophique, artistique, voire mythologique, à une crise nationale et pan-européenne est très intéressante, mais elle s'arrête à sa période wagnérienne. A cette époque, du fait de sa fréquentation avec Wagner et de ses implications dans la vie de la cité, ainsi que ses relations avec des amis de jeunesse restés en Allemagne, Nietzsche se politise. Mais après la crise qui le sépara pour toujours de Wagner et de Bâle, il n'aura de cesse de prendre ses distances avec le "monde moderne".


Fouillée développe la thèse au livre IV que Nietzsche rentre en "religion" avec son surhomme; il cite un grand nombre de pages du Zarathoustra qui en ont et le "verbe" et "l'esprit". Même si j'ai finalement préféré les trois premiers livres, je ne crois pas que Fouillée soit "à côté" sur ce point. Une "religion" plutôt qu'une téléologie?

Le Zarathoustra est un pastiche du style biblique. Il n'y a pas à mon avis d'autre rapport avec la religion chrétienne. Le Surhomme est un thème romantique. Nietzsche est ici dans la poésie à vocation philosophique, telle qu'elle a été pratiquée par les Allemands qui l'ont précédé. On y trouve aussi ce kitch caractéristique de l'époque, le même que celui des costumes et des décors de Bayreuth, que vous trouverez également dans les tableaux de Fantin-Latour inspirés par ce festival. Nous ne prenons pas au sérieux l'entrée en religion de Wagner dans Parsifal, alors pourquoi le faire vis-à-vis de Nietzsche ? Voyez encore en 1887 l'ironie de Nietzsche à l'égard de toute cette période wagnérienne, au début de Généalogie de la morale, III.

descriptionNietzsche et la philosophie. - Page 5 EmptyRe: Nietzsche et la philosophie.

more_horiz
J'aimerais bien vous suivre sur ce second point Liber, mais tout de même, que d'élans lyriques ! Pastiche ? Kitch ? Ultra-romantisme ? Il me semble pourtant que Nietzsche s'est pris au jeu de ce qu'il appelle son enfant chéri !

Plus sérieusement, que fait Nietzsche en écrivant son poème ? De mémoire, dans sa correspondance avec Gast, on voit bien qu'il n'est pas en train de se "divertir". N'en a-t-il pas fait son livre préféré ? Pourtant, il me semble que c'est philosophiquement l'un des plus "faibles" et du point de vue poétique, c'est tout de même très inégal.

En d'autres termes, il est déjà difficile de situer Nietzsche dans l'histoire de la philosophie (ou plutôt il n'a pas souhaité s'y situer lui-même) et, ensuite, il est difficile de situer Zarathoustra dans son œuvre. Avec ce qu'il a écrit avant et ce qu'il écrit après, qu'a-t-il besoin de cette œuvre ? Je ne crois pas que Nietzsche faisait dans le luxe et dans l'exubérance, a-t-il voulu faire son Wagner, son Gœthe ?
privacy_tip Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
power_settings_newSe connecter pour répondre