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Y a-t-il une subjectivité ?

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Vangelis
juliendeb
hokousai
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Silentio
Liber
Euterpe
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descriptionY a-t-il une subjectivité ? - Page 14 EmptyRe: Y a-t-il une subjectivité ?

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juliendeb a écrit:
Donc Rousseau aurait révolutionné la notion de subjectivité parce qu'il a écrit une autobiographie? Balivernes!
Avant lui il y avait Montaigne, dont le sujet de ses Essais était de se peindre lui-même.

Par opposition à Descartes, on peut amener cette citation très intéressante des Essais : "Mes pensées sont un sujet informe". Si des pensées se rapportent donc à un sujet, à moi, je ne peux savoir pour autant en quoi il (le sujet) consiste, puisqu'il ne consiste en rien de particulier, étant informe. Il est donc légitime de reprocher, comme l'a fait Hume, à Descartes de voir la pensée comme quelque chose de parfait et d'immédiatement connaissable.

D'un autre côté, pour nuancer ce propos de Montaigne, si mes pensées sont un "sujet informe", elles sont un sujet quand même. Donc s'il y a bien un sujet, il est informe, et par là non connaissable, car ce qui n'a pas de forme définie ne peut être connaissable (si l'on s'attache à penser que la raison humaine ne peut appréhender que ce qui se présente sous une unité). Il y aurait donc bien une subjectivité, quoiqu'inconnaissable.

La manière dont Montaigne rédige ses Essais en est une illustration des plus évidentes : il pioche çà et là des points de doctrine, se contredit ensuite, puis revient au point de départ. On pourrait même dire que le sujet n'est qu'un support ; et de ce support nous ne pourrons jamais connaître que ce qu'il supporte. On peut alors prendre à parti le poète Silesius qui nous dit "Je ne sais pas ce que je suis et je ne suis pas ce que je sais" : car ce que je sais de moi est toujours susceptible de changement.

La seule chose que je puisse ainsi dire, pour reprendre l'Exode, c'est que "Je suis celui qui suis" : que puis-je dire de plus, après tout?

Vous ne remettez donc pas en cause le point de vue d'Euterpe sur Rousseau.

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Ce n'était pas mon but. Je suis d'accord avec ce que dit Euterpe, mais il manque Montaigne dans cette discussion.
Et j'arrive comme un cheveu sur la soupe, sans avoir suivi le fil de la discussion, mais en ayant survolé rapidement les différents messages postés sur ce sujet (qui est très intéressant, soit dit en passant), donc si je ne fais que répéter, veuillez m'en excuser. Cependant, je n'ai pas vu citer Montaigne, tandis que l'on citait Rousseau comme celui qui a amené à penser à partir de soi ; or il me semble que Montaigne avait fait cela bien avant lui. Saint-Augustin est un peu à part, car s'il parle de lui, c'est avant tout de sa relation à Dieu dont il parle ; il ne se cherche pas lui, mais cherche Dieu : il ne part donc pas à la quête de soi.

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Cela dit, vous formulez les choses simplement et de manière intéressante. Ce n'est pas forcément qu'il n'y a pas de sujet, c'est qu'il ne correspond pas à l'idée qu'on en avait. On le pensait indépendant et transparent à lui-même, en fait il s'excède toujours lui-même, il reste toujours un angle mort, quelque chose d'introuvable ou de non totalisable. Il n'y a pas que le sujet cartésien de la connaissance, il y a un sujet qui dépend d'autre chose que de lui-même et qui ne peut se ressaisir dans son intégralité, par exemple du fait même qu'il vit dans un monde et qu'il devient. Il a même une histoire et s'inscrit dans une histoire. Pour autant, doit-on reléguer ce sujet à un principe unique (par exemple le désir) qui finalement n'explique pas pourquoi on passe de l'un à l'autre, ou doit-on aussi considérer la singularité de ce qui se crée comme sujet ? Au fond, faut-il ramener le sujet qui s'illusionnait de sa liberté à un déterminisme intégral qui lui dit que, bien qu'il se vive comme sujet, il n'est pas du tout ce qu'il est, ou est-il possible de penser les conditions de la subjectivité et son mode propre d'existence et ses modalités de plus ou moins grande autonomie (si elle est possible) ?

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Silentio a écrit:
Il a même une histoire et s'inscrit dans une histoire.

Ceci est une idée qui me tient à cœur. Le sujet a une histoire, que lui seul est capable de connaître, car cette histoire, c'est son histoire. Seulement, pour ma part du moins, je sens que chaque instant de cette histoire que est la mienne me présente comme toujours différent. Bien plus que mes pensées donc, l'histoire même du sujet en fait un sujet informe, car c'est lorsque je me remémore ce que j'ai été que je me rends compte que je ne suis plus ce que j'étais. Etant un grand admirateur de Montaigne (depuis peu), je dirai alors ceci qu' "il y a plus de différence de moi à moi-même que de moi à autrui".

Cependant, on pourrait peut-être objecter à une telle conception du sujet comme historiquement instable l'idée qu'il y a aussi un présent. Au moment où je parle, ma subjectivité est identique à elle-même ; et le présent n'étant pas encore passé, je n'ai pas pu encore changé et me sens encore un seul et unique sujet. Mais j'avoue que c'est problématique de parler comme cela, car nous avons l'habitude de ne conceptualiser que ce qui a déjà été vécu : il a fallu du temps et beaucoup d'observations pour voir que c'était la Terre qui tournait autour du Soleil ; sans ce recul-là, un concept de révolution n'aurait vu le jour. Le sujet, s'il est identique à lui-même dans l'instant, ne nous laisse jamais assez de temps pour qu'on puisse le saisir. Je ne peux donc jamais concevoir ma subjectivité que comme changeante, car historique.

Silentio a écrit:
Au fond, faut-il ramener le sujet qui s'illusionnait de sa liberté à un déterminisme intégral qui lui dit que, bien qu'il se vive comme sujet, il n'est pas du tout ce qu'il est, ou est-il possible de penser les conditions de la subjectivité et son mode propre d'existence et ses modalités de plus ou moins grande autonomie (si elle est possible) ?

L'histoire n'est perçue par le sujet comme nécessaire qu'après coup, si j'ose dire. Je pense que le sujet est libre, mais qu'il se pense comme ayant été déterminé. Finalement je pense le contraire de ce que vous dites : ce n'est pas la liberté qui est une illusion, mais le déterminisme. Nous refusons de croire que nous avons été libres.

Je ne vois pas ce que vous voulez dire par "bien qu'il se vive comme sujet, il n'est pas du tout ce qu'il est"? : voulez-vous dire qu'il n'est pas comme il se vit (qu'il n'est pas un sujet)? Je n'ai pas pu répondre grandement à votre dernière question car j'ai un peu du mal à la comprendre...

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Considérons le sujet à un niveau n. A partir du moment où le sujet s'examine lui-même, cet examinateur doit prendre de la distance et donc créer un néant d'être entre lui-même en tant qu'examinateur et lui-même en tant qu'examiné. Cela implique qu'il soit à un niveau n + 1.
Pour saisir la totalité du sujet il faudrait examiner l'examinateur et ainsi de suite jusqu'à l'infini. C'est ce qu'indique la formule : il s'excède toujours lui-même.
Je pense qu'il est possible de sortir de cette impasse en considérant ce processus en boucle. L'examinateur devient le résultat de l'examen, c'est-à-dire que l'état n + 1  augmenté du résultat sera le prochain état n à examiner. Ce qui veut dire que toute expérience du sujet visant aussi bien son extériorité que son intériorité, construit à chaque instant un nouveau sujet.
Mais si la régression à l'infini est écartée, la saisie est toujours impossible car au mieux elle ne captera que le processus en train de s'accomplir. C'est-à-dire qu'elle n'aura en visée que le processus qui consiste à amener un état d'examiné à celui de futur examinateur. Dit autrement, la saisie ne peut pas saisir autre chose que ce qu'elle saisit. Et comme la saisie, dès qu'elle s'enclenche ne peut pas faire autre chose que d'amorcer le processus d'examen, elle ne peut pas ramener le sujet de l'examen sinon de réenclencher une saisie, et ce à l'infini.
On pourrait rétorquer que l'examen amène un résultat, et c'est vrai. Mais comme le résultat participe du nouveau sujet et le modifie donc de même, au mieux nous aurons un sujet au passé car il faudrait une nouvelle saisie pour capter le sujet augmenté du résultat.
Hormis le fait que nous soyons peut être condamnés à ne nous voir qu'au passé, fût-ce même que d'un très court instant presque imperceptible, et si tant est que notre examen soit  exhaustif (loin s'en faut), cela soulève un autre problème. Car si nous ne pouvons pas avoir exactement, au même moment, et le résultat d'une réflexion, et le sujet qui la porte, qui réfléchit et qui exécute ?

Dernière édition par Vangelis le Mer 15 Jan 2014 - 12:50, édité 1 fois
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