juliendeb a écrit:Donc Rousseau aurait révolutionné la notion de subjectivité parce qu'il a écrit une autobiographie? Balivernes!
Avant lui il y avait Montaigne, dont le sujet de ses Essais était de se peindre lui-même.
Par opposition à Descartes, on peut amener cette citation très intéressante des Essais : "Mes pensées sont un sujet informe". Si des pensées se rapportent donc à un sujet, à moi, je ne peux savoir pour autant en quoi il (le sujet) consiste, puisqu'il ne consiste en rien de particulier, étant informe. Il est donc légitime de reprocher, comme l'a fait Hume, à Descartes de voir la pensée comme quelque chose de parfait et d'immédiatement connaissable.
D'un autre côté, pour nuancer ce propos de Montaigne, si mes pensées sont un "sujet informe", elles sont un sujet quand même. Donc s'il y a bien un sujet, il est informe, et par là non connaissable, car ce qui n'a pas de forme définie ne peut être connaissable (si l'on s'attache à penser que la raison humaine ne peut appréhender que ce qui se présente sous une unité). Il y aurait donc bien une subjectivité, quoiqu'inconnaissable.
La manière dont Montaigne rédige ses Essais en est une illustration des plus évidentes : il pioche çà et là des points de doctrine, se contredit ensuite, puis revient au point de départ. On pourrait même dire que le sujet n'est qu'un support ; et de ce support nous ne pourrons jamais connaître que ce qu'il supporte. On peut alors prendre à parti le poète Silesius qui nous dit "Je ne sais pas ce que je suis et je ne suis pas ce que je sais" : car ce que je sais de moi est toujours susceptible de changement.
La seule chose que je puisse ainsi dire, pour reprendre l'Exode, c'est que "Je suis celui qui suis" : que puis-je dire de plus, après tout?
Vous ne remettez donc pas en cause le point de vue d'Euterpe sur Rousseau.