Portail philosophiqueConnexion

Bibliothèque | Sitographie | Forum

Philpapers (comprehensive index and bibliography of philosophy)
Chercher un fichier : PDF Search Engine | Maxi PDF | FreeFullPDF
Offres d'emploi : PhilJobs (Jobs for Philosophers) | Jobs in Philosophy
Index des auteurs de la bibliothèque du Portail : A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z

La théorie sur la conscience de Dehaene en question

power_settings_newSe connecter pour répondre
+7
PhiPhilo
BOUDOU
Zingaro
Cardinal
Vangelis
Azyb
shub22
11 participants

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 76 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

more_horiz
Reprenons à présent le fil de notre réfutation.


(suite de ...)


En effet, la propension spontanée à se justifier par telle ou telle raison, tel ou tel motif, fait partie de cet ensemble de processus sensibles associés à l'histoire de notre corps sans se confondre avec ces processus biologiques qui se décrivent au moyen d'un enchaînement causal et qui obsèdent les neuro-sciences. Wittgenstein insiste souvent sur l'effet que cela fait (le quale au sens de Nagel) de prononcer tel ou tel mot : "quand je lis un poème, ou une prose expressive, et surtout quand je la lis à haute voix, il se produit bien pourtant quelque chose dans cette lecture qui ne se produit pas quand je ne fais que survoler les propositions pour en retirer simplement l'information qu'elles contiennent [...]. Je puis par exemple lire une phrase de façon plus ou moins émouvante. Je m'efforce de trouver exactement le ton juste. Ce faisant, il est fréquent que je voie une image devant moi, une sorte d'illustration. Je puis même donner un certain ton à un mot, ton que sa signification appelle, presque comme si le mot était une image. On pourrait imaginer pour soi-même un système d'écriture, dans lequel certains mots seraient remplacés par de petits dessins, ce qui les ferait ressortir. De fait, cela arrive souvent, quand nous soulignons un mot ou quand, dans la phrase, nous le mettons formellement sur un piédestal"(Wittgenstein, Leçons sur la Philosophie de la Psychologie, §1059). Pour autant, l'aspect subjectif de ce qu'Elizabeth Anscombe appelle "connaissance de soi sans observation" n'a rien à voir avec le subjectivisme ineffabiliste commun à la philosophie classique, à la phénoménologie et à la philosophie des qualia. Cette conception, nous l'avons vu tout particulièrement avec Nagel, consiste à admettre que l'état ou processus mental de a, seul a peut être dit en avoir connaissance. La philosophie classique et la phénoménologie en infèrent que seul a peut en avoir conscience dans le sens où une telle connaissance est et ne peut être que réflexive. D'où le problème psychologique que nous avons relevé :comment a peut-il parler de ce qu'il "connaît" de cette manière et, plus encore, être compris lorsqu'il en parle ? Sauf que le problème psychologique est mal posé. Car, comme l'avait déjà montré Durkheim, "ce n’est pas la psychologie qui peut nous apprendre comment les idées se forment et se développent, [...] car si c’est un fait psychique à sa base, c’est un fait social à son sommet"(Durkheim, Éléments d'une Théorie Sociale), et comme y insiste Descombes, "la psychologie est une science sociale, une science d'une conduite qui doit être apprise, et qui le sera conformément aux mœurs et aux habitudes d'un groupe"(Descombes, la Denrées Mentale, vii, 4). En effet, si "tout mot familier, par exemple dans un livre, se présente à notre esprit enveloppé d'une atmosphère, d'une sorte de ''halo'' d'emplois à peine suggérés […] si, dans un tableau, chaque personnage était entouré de scènes délicatement et comme nébuleusement dessinées, qui se trouveraient pour ainsi dire dans une autre dimension, et comme si nous voyions ici les personnages dans différents contextes […] si les choses se passent d'une façon telle que les emplois possibles d'un mot nous viennent à l'esprit en demi-teinte pendant que nous parlons ou écoutons, s'il en est effectivement ainsi, ce n'est que pour nous. [Or] nous nous faisons comprendre des autres sans savoir s'ils vivent, eux aussi, ces expériences"(Wittgenstein,Recherches Philosophiques, II, vi). Prenons l'exemple d'un quale familier, celui d'une douleur : "qu’en serait-il si les hommes n’extériorisaient pas leurs douleurs, ne gémissaient pas, n’avaient pas le visage crispé, etc. ? Dans ce cas on ne pourrait pas enseigner à un enfant l’usage de l’expression ‘douleur’"(Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §257) ? En clair, comment un enfant pourrait-il apprendre l'expression "j'ai mal (à) …" et l'utiliser à bon escient s'il n'avait jamais connaissance de ses propresdouleurs qu'en première personne et de manière privée ? Or, il est manifeste que l'on voit (et, souvent, on entend) la douleur d'autrui. Si ce n'était pas le cas, si, d'une manière générale, les sensations et les émotions n'étaient pas objectivement perceptibles par nos semblables à des fins de communication mutuelle, on comprend mal pourquoi et comment l'évolution aurait sélectionné ce que, s'agissant de l'être humain, nous nommons états mentaux. Bien plutôt, comme le souligne Allan Gibbard, "une personne incapable de manifester ses sentiments sera socialement inadaptée [...] les capacités à coordonner ses sentiments font partie de l’équipement normal dont l’homme est doté"(Gibbard, Sagesse des Choix, Justesse des Sentiments, §15). Les exemples de "psychopathes" en ce sens abondent dans la littérature (Meursault) ou dans le cinéma (Hannibal Lecter). De fait, l'état mental de douleur, par exemple, ne procède pas d'une re-présentation mais d'une présentation, c'est-à-dire d'une manifestation, de sorte qu'il est objectivement perceptible, ne fût-ce que parce qu'il s'accompagne de manifestations comme les cris, les rictus, les gesticulations, etc. Dès lors, "comment apprendre la signification du mot ‘‘douleur’’ par exemple ? En voici une possibilité : […] un enfant s’est blessé, il crie ; alors des adultes lui parlent et lui apprennent […] une nouvelle manière de se comporter face à la douleur"(Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §244). Par exemple, "l’expression "aïe ! ça fait mal !" [laquelle] n’a pas de signification, si ce n’est comme cri de douleur"(Wittgenstein, Carnets de Cambridge et de Skjölden). Bref, mettre des mots sur une douleur, ce n'est pas, pour celui qui souffre, décrire quoi que ce soit. C'est exprimer ou manifester sa douleur de manière substitutive et appropriée, étant donné le contexte socio-historique de l'expression ou de la manifestation.



Wittgenstein remarque que, d'une manière générale, "ce qu’il y a d’extrêmement important quand on enseigne [des mots], ce sont les gestes et les mimiques exagérées. Le mot est enseigné comme le substitut d’une mimique ou d’un geste. Dans ce cas, les gestes, l’intonation, la voix, etc., sont des manifestations d’approbation. Qu’est-ce qui fait du mot une expression d’approbation ? C’est le jeu de langage dans lequel il apparaît"(Wittgenstein, Leçons sur l’Esthétique, I). Toutefois, il y a deux cas à considérer dans le cadre de l'apprentissage verbal : le cas où le mot enseigné est le nom propre ou bien la description définie d'un objet extérieur au(x) locuteur(s), auquel cas il acquiert, pour l'enfant en situation d'apprentissage, la fonction de désigner ledit objet extérieur dans des propositions vraies ou fausses ; le cas où "l’expression verbale [par exemple] de la douleur remplace le cri et ne décrit rien du tout"(Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §244), auquel cas, il est simplement associé, pour un individu donné, à la fois à la perception des comportements typiques qui, chez autrui, ont justifié et justifient encore l'emploi de ce terme, et à la perception de ses propres sensations kinesthésiques et cœnesthésiques lors de la manifestation objective desquelles ses éducateursont, jadis, jugé pertinent d'introduire ledit terme. Les mots "table", "chien", "arbre", Papa", etc. font partie de la première catégorie nominative ou descriptive et, pour cela, sont réputés termes physicalistes. En revanche, les termes comme "douleur", "haine","plaisir", "désir", "angoisse", etc. font partie de la catégorie expressive ou monstrative et, pour cela, seront dits termes mentalistes. Il est donc clair que "ce qui caractérise les concepts mentalistes, c’est que la troisième personne peut être vérifiée par l’observation, mais non la première"(Wittgenstein, Fiches, §472) : je peux justifier la validité de la proposition "vous avez mal" au moyen de quelque observation que vous avez mal, mais je ne peux pas justifier la validité de "j'ai mal" par une auto-observation. Je suis conscient que j'ai mal, autrement dit, je sais sans observation que j'ai mal, et c'est tout. Ce qui n'implique ni que ma conscience appartienne à un mystérieux monde métaphysique (être conscient d'un objet O, c'est percevoir O au moyen de ses facultés sensibles), ni qu'elle doive me représenter "intérieurement" son objet (être conscient d'un objet O, c'est percevoir O par sensations kinesthésique et cœnesthésiques évocables dans le champ lexical du "ressenti" et non dans celui du "représenté"), ni que ledit objet soit incommunicable (être conscient d'un objet O, c'est percevoir O avec, comme pour toute perception, une possibilité contingente d'en rendre compte). Finalement, nous voyons que le mental ou la conscience n'est que l'autre nom de laconnaissance sans observation que nous avons, en première personne, de nos qualia ou de nos intentions, tandis que notre corps reste, par excellence, un objet de connaissance par observation que, corrélativement, autrui peut aussi décrire en troisième personne. Comme Wittgenstein l'a remarqué, "que reste-t-il si je soustrais le fait que mon bras se lève du fait que je lève le bras ?"(Wittgenstein, Recherches Philosophiques, §621). Autrement dit, que reste-t-il de mon intention de lever le bras, ou de mon quale par lequel je sens que je fais effort pour lever le bras, si je retire le fait physique et observable que mon bras se lève ? Bref, que reste-t-il de mon état-processus mental en première personne si je lui retranche l'état-processus physique en troisième personne ? La réponse est : rien du tout. Connaissance par observation en première personne ("mentale") et connaissance empirique en troisième personne ("physique") des intentions ou des qualia sont strictement corrélatives ou immanentes l'une à l'autre. Spinoza n'a donc pas tort d'assimiler physique et mental, sauf que cela ne vaut, paradoxalement, que pour le cas de l'être parlant qu'est l'homme seulement. Quant à la phénoménologie et la philosophie des qualia, elles seraient fondées à envisager la spécificité irréductible de la première personne si elles n'avaient pas dissocié conscience et langage pour la première, première personne et troisième personne pour la seconde. Nous devons donc confirmer la position d'Elizabeth Anscombe et de Vincent Descombes selon laquelle la déclaration d'intention en première personne nous fournit, à travers la connaissance pratique de nos actions, dont l'acte de langage consistant à commenter pertinemment un quale n'est que le cas général, une explication nécessaire et suffisante du mental. Il s'agit par là de justifier, au moyen d'un jeu de langage approprié, la connaissance sans observation que nous avons de certaines positions, de certains états et de certains mouvements de notre propre corps. C'est pourquoi, "dans cette optique, la mentalité – ce qui fait que quelque chose ou quelqu'un possède un esprit – est à concevoir comme le pouvoir de produire quelque part un ordre de sens"(Descombes, la Denrées Mentale, i, 6) : un ordre nomologique dans tous les cas, un ordre chronologique pour les cas les plus complexes, lequel ordre nous est nécessairement suggéré par des règles qui nous ont été socialement inculquées et que nous sommes spontanément enclins à mobiliser en les appliquant à nous-mêmes.



(à suivre ...)

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 76 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

more_horiz
PhiloGL a écrit:
Vos interventions étant visiblement de nature militante, il me semble qu'elles trouveraient leur place dans un sujet spécifique. A moins que Clément Dousset n'apprécierait vos interventions comme faisant contre-poids à celles de PhiPhilo. Ce que j'en dis...




Le seul problème pour moi en ce moment c'est l'attitude de PhiPhilo dont le sans gêne et le mépris de toute règle sont sans limite et sont décourageants. Il n'est qu'à souhaiter que la modération réagisse et écarte s'il est possible Phiphilo de ce fil

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 76 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

more_horiz
 Il n'est qu'à souhaiter que la modération réagisse et écarte s'il est possible Phiphilo de ce fil


Je vous paie une bouteille de champagne si cela se produit.

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 76 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

more_horiz


Et dire que c'esr pour tenir en respect ce genre de meute qu'on a inventé la philosophie ... Cf. Socrate, Démocratie, Rhétorique et Philosophie.

descriptionLa théorie sur la conscience de Dehaene en question - Page 76 EmptyRe: La théorie sur la conscience de Dehaene en question

more_horiz
Et dire que c'est pour tenir en respect ce genre de meute qu'on a inventé la philosophie ... Cf. Socrate, Démocratie, Rhétorique et Philosophie.


Peut-être. Mais dans cette foire d'empoigne, j'attends la réponse de Zeugme.
privacy_tip Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
power_settings_newSe connecter pour répondre