JimmyB a écrit: Le libéralisme chez Dewey est plus radical en ce qu'il défend simplement la liberté individuelle qui est définie par la possibilité de chacun de pouvoir participer aux affaires qui le concernent. Ce que vous critiquez semble être l'individualisme or le respect de l'individualité ne conduit pas nécessairement à l'individualisme.
Je ne critique pas l'individualisme, qu'est-ce qui vous fait penser cela ? En ce que le libéralisme se construit contre l'État, j'y vois plus une opposition classique entre État et société civile (plus qu'une opposition entre État et individu), d'où les lobbies ou autre groupes puissants (caractéristiques du libéralisme) qui se créent au sein de la société civile, en marge du politique, mais qui se constituent comme force de pression pour défendre leurs intérêts contre le politique, contre l'État.
J'ai des doutes quant à l'ultralibéralisme de Paul Ryan, parce que, comme vous le soulignez Liber, les mesures qu'il propose sont très conservatrices. Il est peut-être ultralibéral quant à l'économie, mais pour le reste ça semble plus complexe. L'ultralibéralisme je pense est l'inverse du libéralisme. Alors que le libéralisme définit à l'intérieur de la sphère étatique une sphère intérieure (la société civile, et surtout l'économie) dans laquelle l'État n'a pas à intervenir, dans la démarche ultralibérale, l'État n'est habilité à agir que pour autant qu'il favorise l'évolution du marché, c'est la sphère étatique qui est comprise dans la sphère économique et non l'inverse, et le rôle de l'État n'est plus qu'un rôle de gestionnaire. Une mesure comme "favoriser les familles nombreuses" à la rigueur, même si elle est conservatrice, pourrait entrer dans le champ ultralibéral, puisque ça rentre dans le cadre d'un État gestionnaire qui fait fructifier sa population comme on fait fructifier des richesses. Si la mesure reste la même, je pense que les motivations sont différentes. Dans le cadre conservateur, les inquiétudes populationnistes s'intégraient surtout dans une perspective militaire : (aura-t-on assez de conscrits ?), là je pense que c'est différent : au lieu de voir dans chaque enfant un défenseur potentiel de la nation en cas de guerre, on voit dans chaque enfant un futur consommateur et producteur de richesses. Ainsi, le poids démographique des USA n'est pas négligeable dans leur succès économique, idem pour la Chine. Cela me fait penser à la critique que fait Foucault du libéralisme, et du bio-pouvoir : inciter à faire plus d'enfants, cela ne s'inscrit-il pas dans cette mutation politique du pouvoir, qui vise à l'assujettissement des corps et le contrôle des populations ?
Foucault a écrit: Or l’Occident a connu depuis l’âge classique une profonde transformation de ces mécanismes du pouvoir : il est destiné à produire des forces, à les faire croître et à les ordonner plutôt qu’à les barrer, les faire plier, les détruire. C’est sur la vie maintenant et tout au long de son déroulement que le pouvoir établit ses prises ; la mort en est la limite, le moment qui lui échappe.