aliochaverkiev a écrit:
Je vais citer Chris Frith , "Comment le cerveau crée notre univers mental" page 63 : "Nous n'avons pas accès direct au monde physique"; je pense que ce monde physique auquel nous n'avons pas accès est le lieu de la chose en soi, et que les sensations qui ensuite se développent dans l'intuition sont la source du phénomène, lequel est objet pour nous de connaissance; bien sûr l'adéquation entre le phénomène (traité ensuite par l'entendement, nous verrons cela plus tard) et la réalité dite non accessible nous permet de nous affranchir de cette distinction. Au fond pourquoi ne pas identifier phénomène et chose en soi puisque ça marche! oui, ça marche, mais ça marche jusqu'à un certain point! car il arrive un moment où, pour progresser en physique il faut casser toutes nos intuitions, casser cette idée que le phénomène en nous est identique au réel, sinon il est impossible de continuer de progresser dans des branches aussi peu intuitives que la mécanique quantique; garder dans l'esprit l'idée que la chose en soi n'est pas identique au phénomène tel qu'il apparait, permet au scientifique (mais aussi aux artistes!) de rester sur leur garde, de ne pas choisir de toujours croire en ce qu'ils perçoivent et donc d'avoir toujours l'audace d'imaginer d'autres modèles. La distinction phénomène/chose en soi est donc l'une des sources de la capacité à CREER, à oser créer.
Vous tenez là un raisonnement transcendant or, Pour Kant, ni le(s) sujet(s) ni le(s) objet(s)n'ont une existence substantielle, son système est fondamentalement immanent. C'est pour cette raison d'ailleurs que les philosophies transcendantales et la mécanique quantique font très bon ménage. Ce à quoi vous faites illusion me fait fortement penser à la définition de "situation" donnée par Perry et Barwise qui, succinctement, dit que "Être situé, c'est être confiné quelque part dans le monde", notre connaissance de ce monde étant reliée à la situation occupée. Concrètement, les sciences auraient donc la charge de dévoiler un monde déjà-là, extérieur, transcendant et métaphysique. Si nous avons du mal à prédire ce qui va arriver, ce doit nécessairement être du à l'imperfection de nos connaissances, les événements dépendant d'une sphère plus large, encore hors d'atteinte. Ainsi peut-on expliquer les phénomènes aléatoires... Le principe de la finitude des contenus de connaissance, que je viens de décrire très brièvement, est l'un des critères connus de la relativité des connaissances.
Enfin je me permets cette remarque un rien hors-sujet, mais puisque vous en parlez... Associer les progrès des sciences neurologiques dans le cadre d'un discours philosophique n'est à mon sens pas une bonne idée car l'objet même des philosophies de la connaissance est de comprendre si, réellement, les sciences dites objectivantes nous permettent de dévoiler les hypothétiques mystères du monde intuitif, celui de tous les jours. Hors, on peut fortement douter de leurs capacités en la matière. Prenons simplement l'espace : aucune loi de la perspective ne peut montrer l'ontologie de la profondeur. Pire, les lois de la perspective sont essentiellement inaptes à prédire les phénomènes quantiques, elles sont hors-jeu. Que la neurologie apporte un indéniable avantage pratique au quotidien, on ne peut le nier. Mais l'invoquer pour parler d'un monde en soi, transcendant, c'est aller bien vite en besogne.