Merci à tous les deux pour ces documents.
Euterpe, est-ce un article de Philomag ? Il me semble l’avoir déjà lu, mais j’ai peut-être cette impression du fait que j’ai déjà lu
Loin de moi. Cet article en donne d’ailleurs les grandes lignes et je conseille à tous ceux qu’il interpelle de se reporter à l’essai de Clément Rosset.
L’article de Vangelis est moins facile d’accès :). Si je comprends bien, nous pourrions identifier les périodes suivantes (vous n’hésitez pas à corriger si je raconte des âneries) :
- La période présocratique dans laquelle le terme de personne, au sens d’un être humain singulier et autonome n’existe pas ;
- La distinction de l’âme et du corps, visible chez Platon dans l’Alcibiade par exemple, montrerait alors un tournant dans le sens où la personne peut émerger par opposition entre les deux (l’âme étant la définition d’une instance formant une unité singulière et autonome). À ceci près que cette âme n’est pas réellement personnelle dans la mesure ou elle migre de personne à personne ;
- Un second tournant vient avec le stoïcisme impérial, avec l’introduction d’un intellect comme élément particulier dans l’âme humaine et l’identification d’une personne psychologique. C’est à partir de là que l’introspection devient possible (ayant lu Marc Aurèle, j’aurais dû m’en douter d’ailleurs). Cette introspection n’est cependant pas égocentrée, mais en rapport avec les choses extérieures.
Reste que l’on est donc encore loin d’une injonction à la connaissance de soi au sens moderne, il manque encore quelques étapes. Pour en arriver à l’introspection et à la multiplication des livres et autres cours sur le « développement personnel », quelque chose de plus s’est produit (en passant, retour à Rosset pour ce qui est de l’intérêt de la chose ;). Le développement du capitalisme n’y est probablement pas pour rien avec la figure du self made man seul acteur de sa réussite, mais là je m’aventure dans des hypothèses probablement un peu faciles.
Petit détour par Pierre Clastres qui note que l’Un est clairement rejeté chez les tribus Guarani parce que l’Un signifie le corruptible, ce qui va disparaître.
Pierre Clastres, La société contre l’État, chapitre 9, De l’Un sans le Multiple a écrit: l’Un c’est le Mal.
[…]
On accède ici, par le biais d’une bizarre mise en œuvre du principe d’identité, au fondement de l’univers religieux guarani. Rejeté du côté du corruptible, l’Un devient signe du Fini.
L’inutilité du Moi dans une société qui rejette l’Un me semble assez évidente. Par contre, il ne me semble pas que la société grecque présocratique ait rejeté l’Un. L’Un est bien présent chez Homère au travers des différents héros par exemple (comme actes et non comme personnes, si l’on se réfère à l’article de Vangelis). C’est donc que l’Un n’entraîne pas nécessairement le Moi.
Est-ce que cela a un sens de placer ces « étapes » sur une ligne : le Multiple, l’Un acte, la personne, la personne psychologique ? Il serait alors intéressant de regarder quels sont les problèmes rencontrés qui font émerger ces différentes appréhensions de « l’individu ». Par exemple, le passage du Multiple à l’Un est probablement au cœur du passage de la société sans État à la société à État, question que malheureusement Clastres n’a pas eu le temps de creuser jusqu'au bout. La personne comme âme dans l’
Alcibiade de Platon est-elle une réponse à la question de la responsabilité de nos actes dans la cité (Je rends compte de Mes actes) ? La personne psychologique chez les stoïciens est-elle une réponse à la question de la recherche du bonheur (Je suis maître de ce qui dépend de moi) ?