Vangelis a écrit:J'ai emprunté à Sartre deux idées : - l'existence précède l'essence ; - nous existons à travers les autres.Il ne faut pas confondre l'existence qui est un point de départ continuel à toutes expériences et la somme de cette expérience au sein d'un existant.
Ceci dit, je n'adhère pas intégralement à l'existentialisme de Sartre. Je ne limite pas le terme d'existence au seul instant présent qui dévoile à tout moment un aspect nouveau de l'être en construction. Je pense que tous les acquis ainsi obtenus au cours d'une vie, et même au cours de l’histoire méritent l’appellation "existence".
Je ne tiens pas à rester fidèle à qui que ce soit quand il s'agit de faire son possible pour comprendre le monde. La science a le dernier mot, et quant elle se montre impuissante, à tout le moins, je privilégie les hypothèses les plus plausibles.Et pour finir, juste une petite clarification. Vous parlez de lever le voile sur son essence. Or puisque nous sommes dans l'existentialisme, il n'y a pas d'essence à découvrir car cela impliquerait qu'elle est
toujours là tapie dans l'ombre.
Sur ce, quand Sartre dit : "L'existence précède l'essence", il fait bien allusion à une essence : non ? Je ne vois aucun moyen de savoir à coup sûr si l'essence qui se révèle à l’instant où l'existence se réalise, non, je ne puis savoir si cette existence-là qui arrive au jour était déterminée. Je crois cependant qu'elle l'est au moins en partie : -les hommes obéissent à des règles apprises, sans quoi ils seraient totalement imprévisibles ;
- les hommes de la préhistoire, souvent isolés, ont inventé sur toute la surface de la terre des religions et mythes souvent bien proches.
Il me semble que vous confondez « vivre » et « exister ». Suis-je responsable de cette lecture ?Donc quand vous dites: "[i]Oui, je crois que ce qui nous fait vivre, c’est le besoin d’exister", vous en faites une fin en soi. Ce qui reviendrait à dire qu'un homme au fond d'un trou et pouvant subsister pourrait se satisfaire d'exister.
L’homme qui écrit un roman ne se contente pas de vivre. Celui qui applaudit au faste de la reine d’Angleterre non plus. Le sens le plus courant du mot « exister », c’est « être dans le monde », peut-être même « être », verbe pour lequel, dans le langage courant, il n’existe pas de substantif : « une sirène, ça n’existe pas, un pilote de Boeing, ça existe. »
Votre homme au fond d’un trou ne se contenterait pas de vivre, le besoin d’exister le tenaillerait d’autant plus qu’il n’aurait pratiquement aucun moyen de le satisfaire. On en a vu qui écrivaient un message avec leur sang pour laisser au moins une petite trace dans la postérité. D’autres se sont suicidés.
De toute façon le besoin d’exister n’est jamais satisfait, sinon le bonheur existerait. C’est peut-être cela, d’ailleurs, la « fin en soi », la fin ultime que l’on n’atteint jamais.
En tout cas, avec la colossale somme des acquis depuis que le besoin d’existence est en action, nous avons des guides pour nous construire. Au moment de la réalisation, nous n’aurons guère de surprises. Ce sont les bébés qui avancent de surprise en surprise, et c’est une des raisons pour lesquelles tant de gens les adorent.
C'est toujours une construction mais aussi une déconstruction.
(C'est bien de l'existence selon Sartre dont vous parlez, l'existence révélée à chaque instant au fil de la vie, et qui forme un immense réservoir en amont.)
C’est bien ainsi que je le ressens. Il faut noter cependant que la part de déconstruction est infime, sauf au temps des révolutions, et qu’elle est toujours difficile à réussir.