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L'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ?

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5 participants

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Bonsoir,

En me relisant, je m’interrogeais sur ma compréhension du terme « intuition » et plus particulièrement de son sens chez Kant. Je me demandais si l’intuition est une « saisie directe » des choses de l’extérieur ou si c’est une « connaissance directe » des choses. Car il y a, pour moi, une différence. Je m’interrogeais donc sur la signification des termes « intuition sensible ».

Je développe ci-dessous ma compréhension de ces deux possibilités d’interprétation. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez ?

Première hypothèse :

L’intuition c’est la connaissance directe, immédiate des choses. L’intuition s’oppose au raisonnement (connaissance médiate, indirecte, par voie de conséquence, nécessitant un raisonnement) : Il y a intuition lorsque nous connaissons quelque chose sans devoir le déduire indirectement, sans devoir raisonner. Il me semble important de souligner que l’on parle de « connaissance directe ». Puisque l’on parle de connaissance, l’intuition suppose la conscience. Autrement dit, si l’intuition doit être définie comme une connaissance directe, alors pour pouvoir dire que nous sommes « intuitionnés » par quelque chose nous devons en être conscients.

Si on définissait l’intuition comme la « saisie directe des choses », et non comme la connaissance, elle ne supposerait pas la conscience.

En général (pas chez Kant), on admet l’intuition sensible et l’intuition intellectuelle (ou rationnelle). Exemples d’intuition intellectuelle : - Nous pensons que toute chose a une cause sans devoir raisonner ; - Nous pensons qu’une chose est ce qu’elle est sans devoir raisonner (principe d'identité). Par contre, quelque chose déduit par un raisonnement mathématique ne relève pas de l’intuition. Exemple d’intuition sensible : Je vois ce cube devant moi.

Selon Kant : l’intuition intellectuelle des choses n’est pas possible dans le sens où il n’est pas possible que l’esprit seul connaisse directement des choses : L’esprit structure ce qui se donne d’abord à lui par les sens.
L’esprit ne peut connaître directement des choses puisque : - Un donné sensible est d’abord nécessaire ; - L’esprit structure le donné sensible. La connaissance des choses par l’esprit est donc indirecte. Ainsi, par exemple, on ne peut dire que la connaissance d’un cube de telle matière et de telle couleur ressort d’une intuition mais bien d’une perception par nature indirecte. En effet, celle-ci suppose un agencement par l’esprit d’un donné sensible.

Si : Le donné sensible s’imposant à nous est élaboré par l’esprit en perceptions (donc si les sensations pures recouvertes par les perceptions ne peuvent être consciemment connues par nous).
Et si : La perception n’est pas une intuition (car l’intuition est connaissance directe alors que la perception est indirecte par nature),
Alors que serait l’intuition sensible ?

En effet, l’intuition sensible devrait être autre que la perception (connaissance indirecte des choses puisqu’elle nécessite une structuration par l’esprit). En outre, les sensations pures ne peuvent nous atteindre par intuition puisque même si ces sensations pures nous affectent nous n’en avons pas conscience donc pas connaissance.
L’intuition sensible émanerait pourtant d’un donné sensible direct, une connaissance sensible directe, brute, existant en dehors d’une élaboration par l’esprit. Par exemple, lorsque nos mains butent contre un objet, nous savons qu’il y a là quelque chose, il y a là une matière : nous sentons une certaine dureté. Peu importent son degré de dureté, sa texture, sa forme, sa couleur, ses éléments constitutifs. Quelque chose existe en dehors de nous, dans l’espace et le temps. L’intuition sensible se limiterait à cela : la saisie de l’existence des choses existant hors de nous, dans l’espace et le temps. Tout le reste, la perception d’un certain degré de dureté, d’une forme, d’une couleur, d’une odeur, d’une texture, d’un assemblage de différents éléments constitutifs, etc., relève d’une structuration par l’esprit (perception). Il ne s’agit pas d’une intuition quelle qu’elle soit.

Pour Kant, l’intuition des choses (autrement dit la connaissance directe des choses) ne pourrait consister qu’en une intuition sensible par laquelle les choses nous donnent leur matière à l’état brut dans l’espace et le temps.

L’intuition sensible se limite donc à saisir la matière, l’existence des choses hors de nous dans l’espace et le temps. L’existence des choses hors de nous, dans l’espace et le temps, est le seul donné sensible dont nous pouvons avoir connaissance par l’intuition, les autres sensations pures étant soumises à l’élaboration de la perception. Ces autres sensations pures (autres que la présence des choses dans l’espace et le temps), nous n’en avons pas conscience, donc pas connaissance.

Kant ne dit pas que l’intuition intellectuelle n’existe pas : Il y a bien l’intuition intellectuelle des principes (nous utilisons dans nos raisonnements des principes connus immédiatement c’est-à-dire qui ne sont pas obtenus par un raisonnement ou une expérience), par exemple le principe d’identité, mais il n’y a pas d’intuition intellectuelle des choses :

Il y a d’une part, l’intuition sensible des choses (quelque chose existe hors de nous dans l’espace et le temps) et la perception des choses (forme, couleur, texture, assemblage d'éléments, etc.) élaborée par notre entendement.
Il y a pour Kant des sensations pures (la présence de la matière des choses dans l’espace et le temps) qui se livrent par l’intuition sensible et des perceptions qui sont l’élaboration des autres sensations par l’esprit.

Deuxième hypothèse :

Par contre, si on doit définir l’intuition non comme la connaissance directe des choses mais comme la saisie directe des choses, l’intuition ne suppose pas la conscience : Les choses m’affectent, je suis directement saisi par des sensations pures (que j’en sois conscient ou pas, là n’est pas la question) qui seront élaborées par la perception.

Cette saisie directe, premier pas vers la connaissance d’une chose, constituerait l’intuition sensible. Elle conditionnerait la connaissance (pas de connaissance sans intuition sensible) mais ne la présuppose pas.
L’intuition sensible serait synonyme de saisie directe ses sensations (expérimentées consciemment ou pas) concourant à la connaissance et non pas synonyme de connaissance directe. L’intuition sensible ne se limiterait pas à saisir l’existence des choses hors de nous, dans l’espace et le temps, elle concernerait toutes les sensations pures nous saisissant (toutes les sensations considérées en faisant abstraction de la perception) même si nous ne pouvons en faire l’expérience consciente.

Merci à vous.

descriptionL'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ? EmptyRe: L'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ?

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goldo a écrit:
En me relisant, je m’interrogeais sur ma compréhension du terme « intuition » et plus particulièrement de son sens chez Kant. Je me demandais si l’intuition est une « saisie directe » des choses de l’extérieur ou si c’est une « connaissance directe » des choses. Car il y a, pour moi, une différence. Je m’interrogeais donc sur la signification des termes « intuition sensible ».

Selon Kant, la connaissance des choses se fait par le biais de l'intuition et des concepts.

D'après Critique de la raison pure, Logique transcendantale, Introduction, p. 118 (Folio Essais) :
Notre connaissance vient de deux sources fondamentales de l'esprit, dont la première consiste à recevoir les représentations (la réceptivité des impressions), et dont la seconde est le pouvoir de connaître un objet au moyen de ces représentations (la spontanéité des concepts) ; par la première un objet nous est donné ; par la seconde il est pensé en rapport avec cette représentation (à titre de simple détermination de l'esprit). Intuition et concepts constituent donc les éléments de toute notre connaissance...

Donc je ne pense pas que vous puissiez dire que l'intuition est une connaissance des choses.

La distinction entre perception et intuition me paraît floue quand je vous lis. L'intuition est définie comme une "simple présence de l'esprit à l'être" d'après les notes de l'éditeur.

descriptionL'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ? EmptyRe: L'intuition sensible chez Kant : connaissance ou saisie directe ?

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Donc je ne pense pas que vous puissiez dire que l'intuition est une connaissance des choses.

Je pense que si. Plus exactement un mode de connaissance.

Notons d’abord que d’une manière générale, sans parler de Kant, l’intuition intellectuelle est admise (il y a deux types d’intuition : sensible et intellectuelle). Par exemple, le principe d’identité (A=A) est une connaissance présente directement à l’esprit. C’est donc une intuition (puisqu'il en résulte une connaissance directe sans raisonnement discursif), mais non une intuition sensible (cela ne provient pas d’un donné sensible extérieur). C’est donc une intuition intellectuelle. L'exemple de l'intuition intellectuelle montre bien que l'intuition est un mode de connaissance.

Certes, pour Kant les principes sont a priori et ne sont pas des intuitions intellectuelles.

Mais, d’une façon générale, on considère que l’intuition (sensible ou intellectuelle) est un mode de connaissance.

Il faut bien s’entendre sur le mot connaissance. Il ne signifie pas uniquement une connaissance poussée telle que la connaissance scientifique. C’est bien plus que cela. La « simple présence de l'esprit à l'être » est une connaissance. Qu’est-ce que la « la présence de l’esprit à l’être » ?
L’esprit se sait en face de l’être. Il y a lui et les choses extérieures à lui. Il y a de l’existence en dehors de l’esprit (sans compter que l’esprit se saisit lui-même). Pour le dire simplement, lorsque, par exemple, votre pied bute sur quelque chose, vous avez conscience de cette réalité, de la présence d’une chose en dehors de votre conscience, d’une réalité externe. N’est-ce pas une connaissance ? Vous avez conscience d’une réalité en dehors de vous-même. C’est donc une connaissance. Et « comment » connaissez-vous cela ? C’est le donné extérieur qui s’impose à vous, il vous « intuitionne ». Et votre esprit est présent à ce donné. C’est cela l’intuition sensible.
Percevoir quelque chose, une chaise par exemple, c’est déjà de la connaissance. Vous connaissez de cette chaise :

qu'il y a une chose hors de vous contre laquelle vous avez, par exemple, buté (intuition sensible),
et par la forme, la composition, la couleur, etc., vous percevez une chaise (perception).

Pour savoir qu’il y a devant moi une pomme rouge, je dois savoir qu’il y a quelque chose. Même les yeux bandés, et par l’interposition d’un bâton, je peux savoir qu’il y a quelque chose en face de moi. Et la forme de cette chose, sa couleur, son odeur, etc., me font percevoir une pomme rouge. Je peux d’ailleurs être l’objet d’une intuition sensible sans percevoir : quelqu'un me parle, et concentré sur autre chose, je ne l’entends pas. Mon pied bute sur un objet et, attiré par autre chose, je ne le vois pas.

L’intuition sensible est donc un élément de la connaissance. Par elle, l’esprit est présent à l’être. L’intuition sensible donne donc la connaissance que des choses existent dans l’espace et le temps et seulement cela. Mais c’est donc bien un mode de connaissance. Sans elle, nous n'aurions pas la connaissance que des objets existent hors de nous. L’intuition sensible nous permet d’être conscient qu’il y a des choses hors de nous mais elle ne nous permet pas de savoir ce que sont ces choses. Ce que sont ces choses, c’est par la perception que nous le connaîtrons. Notre esprit structure ce que l’intuition sensible lui apporte et nous percevons les choses telles qu’elles nous apparaissent. C’est en ce sens que Kant affirme que la connaissance des choses se fait par le biais de l'intuition et des concepts. Il parle d’une connaissance "complète" (la présence d’une chose et sa perception). Par exemple, un arbre devant nous. Il faut l’intuition sensible qu’il y a devant nous quelque chose. Et le tronc, les branches, et les feuilles sont perçues comme un tout formant un arbre. Nous le percevons en tant qu'arbre avec sa couleur, son odeur, sa texture, etc.

L’intuition sensible est donc un mode de connaissance. Elle ne "fournit" pas totalement la connaissance mais elle y participe en nous permettant d’être conscients des choses existantes.

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goldo a écrit:
Votre pied bute sur quelque chose, vous avez conscience de cette réalité, de la présence d’une chose en dehors de votre conscience, d’une réalité externe. N’est-ce pas une connaissance ?

Si vous pensez que votre pied bute sur un objet c'est parce que vous possédez a priori le concept de la matière. La sensation que vous avez lorsque vous touchez l'objet vous permet de déduire la présence d'un objet dur mais il faut bien savoir que la "Dureté" existe pour pouvoir faire cette déduction.

goldo a écrit:
Percevoir quelque chose, une chaise par exemple, c’est déjà de la connaissance. Vous connaissez de cette chaise :

  • qu'il y a une chose hors de vous contre laquelle vous avez, par exemple, buté (intuition sensible),
  • et par la forme, la composition, la couleur, etc., vous percevez une chaise (perception).

Et si vous n'aviez jamais vu de chaise de votre vie, la percevoir vous permettrait-il de dire que c'est une chaise ? Il est nécessaire d'abord d'avoir une idée a priori de la forme, de la matière, de la couleur... puis d'avoir acquis la relation de cause à effet suivante : cette forme-ci que je vois correspond à celle d'une chaise.

goldo a écrit:
Pour savoir qu’il y a devant moi une pomme rouge, je dois savoir qu’il y a quelque chose. Même les yeux bandés, et par l’interposition d’un bâton, je peux savoir qu’il y a quelque chose en face de moi. Et la forme de cette chose, sa couleur, son odeur, etc., me font percevoir une pomme rouge.

Idem.

goldo a écrit:
Il parle d’une connaissance "complète" (la présence d’une chose et sa perception). Par exemple, un arbre devant nous. Il faut l’intuition sensible qu’il y a devant nous quelque chose. Et le tronc, les branches, et les feuilles sont perçues comme un tout formant un arbre. Nous le percevons en tant qu'arbre avec sa couleur, son odeur, sa texture, etc.

L'inverse est vrai aussi : l'intuition sensible est nécessaire à la connaissance. Comment pouvez-vous savoir que l'arbre devant vous (celui là et pas un autre) a des feuilles ? Parce que vous les voyez, c'est une perception visuelle. Si l'arbre est malade, qu'il n'a aucune feuille malgré le printemps et que vous avez les yeux bandés, l'idée que vous vous feriez de l'arbre en touchant son tronc serait celle d'un arbre avec des feuilles. Vous vous tromperiez sur l'idée que vous vous faites de cet arbre.

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Oui, je suis d'accord sur tout cela. Mais ça ne change absolument rien au fait que l'intuition (sensible, dans le cadre de notre propos) est un mode de connaissance.
Être un mode de connaissance, ne veut pas dire que nous tirons toute notre connaissance de l’intuition sensible. Mais au moins une partie : l'existence de choses hors de nous.
Être un mode de connaissance ne veut pas dire que l'intuition nous donne totalement la connaissance que nous avons.

Dans le dictionnaire philosophique d'André Comte-Sponville on dit d'ailleurs (p.317 et 318) :
Chez Kant, l'intuition est aussi une façon immédiate, pour la connaissance, de se rapporter à un objet quelconque : elle est ce par quoi un objet nous est donné (C.R. Pure, "esthétique transcendantale", §1). Mais l'homme ne dispose d'aucune intuition intellectuelle ou créatrice (...). S'oppose à la connaissance par concepts, qui n'est pas intuitive mais discursive (...).

C'est donc bien la façon dont la connaissance se rapporte à un objet. Et cette connaissance "s'oppose à la connaissance par concept (Dictionnaire philosophique, ac-s, p. 318).

Bien sûr, l'intuition sensible seule ne permet pas de connaître. Il faut également les concepts. Mais ce n'est pas le sens de mon propos. Mon propos est de dire que ce qu'on appelle "la simple présence de l'esprit à l'être" est une façon de connaître quelque chose en ce que "la simple présence de l'esprit à l'être" participe, avec les concepts, de la connaissance.

Sans l'intuition, nous ne pourrions connaître. De même sans les concepts, nous ne pourrions connaître. La connaissance dépend donc de la "connaissance par concepts" et de la "connaissance par intuition".
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