Il faudrait donc s'empêcher de penser. Incroyable.
Non. C'est la démarche par rapport à la cible qui me pose problème.
N'est-ce pas d'ailleurs ce que certains voudraient, que l'on consomme sans penser ?
C'est ce que je me dis en regardant certains films de Spielberg.
Dites-moi, les films d'action sortent-ils tout faits d'un chapeau magique ? Sont-ils déconnectés de la société ? Et pourquoi ne pas les interpréter, de la même manière que l'on prête du sérieux aux films d'auteurs ?
Car c'est donner trop de crédit à un procédé basique. "Jurassic Park" ou "La guerre des mondes" sont conçus de la même manière, sur un modèle lisse.
-Effets spéciaux foisonnants, extrêmement couteux, et centraux pour l'esthétisme du film. Quand un film repose autant sur ce genre d'artifices, le reste est délaissé.
-Protagonistes systématiquement mit en situation périlleuse, pour créer une dynamique d'action effrénée, destinée à procurer à l’audience quelques frissons.
-Un danger central est à surmonter, pour atteindre la survie. Cet élément représente finalement le seul but à atteindre.
-Il n'y a pas de temps pour l'introspection ou la réflexion avec ce rythme. les personnages doivent même arrêter de penser, et agir selon leur "instinct".
-Nous n'apprenons quasiment rien sur le monde.
Bref ce genre de film ne mérite pas d'être embelli à ce point. Ils se basent sur de l'angoisse stérile et du ressenti ponctuel, du spectaculaire de foire. Le genre de film qui n'élève jamais le spectateur. Il est très facile de faire des films "catastrophe", certains sont plus esthétiques que d'autres, mais il n'en résulte pas moins que dans l'immense majorité des cas, ce genre est confronté à ses limites assez rapidement.
D'ailleurs, si Spielberg est souvent caricatural, cela dénote aussi une vision du monde. Et l'on peut utiliser un film pour l'exemplifier ou pour la critiquer.
Caricatural en effet. Un requin qui pourchasse une famille. Des dinosaures qui pourchassent une famille. Des martiens qui pourchassent une famille. On peut faire ça à l'infini en échangeant "Requin" par "Tigre" ou "Martien" par "Kangourou-zombie". Vous parliez de consommation, nous y voilà.
Quant à Prometheus (titre qui n'est pas anodin, n'est-ce pas ?), il a été élaboré par Ridley Scott pour élargir l'univers d'Alien, saga qui dans ses épisodes développait certains thèmes, notamment celui de la filiation. Et forcément, entre aliens, robots et maintenant Ingénieurs, la place de l'homme est à nouveau interrogée. Interrogation qui rejoint les enjeux contemporains en matière de nouvelles technologies, d'éthique, etc.
Et vous croyez que ces films sont un bon moyen de nous interroger sur ces questions ? Prometheus est dépourvu de raffinement, et suit le même modèle exposé ci-dessus. Je ne peux être satisfait face à une œuvre qui est formatée par une recette pré-conçue. Il s'agît tout simplement de régression proposée au public. On utilise les objets "exotiques" tels que le dinosaure ou le martien pour titiller l'imaginaire de l'enfance, et placer l’audience dans une sorte de rêverie nostalgique. Mais l'objet exotique n'est jamais analysé ou décodé, il n'est là qu'en tant que menace, pour servir le rythme intense, l'action. Au moins dans les films d'auteurs, nous ne sommes pas prisonniers de ce tempo effréné, et les éléments ne sont pas là pour servir un objectif de "peur".
Si seulement la réflexion avait sa place dans le déroulé de ces films !