Pour la technique, je laisse parler Marx, car il s'agit d'un texte parfait :
L'animal a une conscience, mais une conscience, qui, par sa nature, l'empêche d'avoir la liberté de l'homme. L'animal est assez conscient pour jouir de la douleur qu'il inflige, pour sentir sa puissance croître ; et s'il peut sentir la mort lorsqu'elle est imminente, il ne peut, comme l'homme, éprouver l'angoisse de la mort lointaine, qui est vraiment future. L'homme se projette dans l'avenir, pas l'animal. Qu'il y ait des hommes qui manquent de conscience, qui abaissent l'idée de l'humanité, c'est un autre problème.
Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature. L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêtons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté. Et cette subordination n'est pas momentanée. L'oeuvre exige pendant toute sa durée, outre l'effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même résulter que d'une tension constante de la volonté. Elle l'exige d'autant plus que, par son objet et son mode d'exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui, comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot, qu'il est moins attrayant.
L'animal a une conscience, mais une conscience, qui, par sa nature, l'empêche d'avoir la liberté de l'homme. L'animal est assez conscient pour jouir de la douleur qu'il inflige, pour sentir sa puissance croître ; et s'il peut sentir la mort lorsqu'elle est imminente, il ne peut, comme l'homme, éprouver l'angoisse de la mort lointaine, qui est vraiment future. L'homme se projette dans l'avenir, pas l'animal. Qu'il y ait des hommes qui manquent de conscience, qui abaissent l'idée de l'humanité, c'est un autre problème.