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La vérité dépend-elle de nous ?

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Silentio
Desassocega
Liber
Euterpe
8 participants

descriptionLa vérité dépend-elle de nous ? - Page 7 EmptyRe: La vérité dépend-elle de nous ?

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aristippe de cyrène a écrit:
la philosophie (déjà le démon de Socrate...)

Que voulez-vous dire ?

Socrate a toujours dit qu'il ne savait pas (figurez-vous que maintenant, après toutes ces années, je suis persuadé qu'il était sincère). Or, là ou beaucoup se disent guidés par "la vérité", Socrate faisait preuve d'une honnêteté exemplaire en se disant guidé par le faux : en effet, lorsque quelque chose "clochait", son daimon le lui signalait. Socrate avait l'intuition du faux, il savait lorsqu'il était "à côté" du vrai.

Je pense d'ailleurs que c'est la seule marque d'une activité de pensée digne de ce nom : sentir que l'on est à côté, que ce n'est pas exactement cela.

Euterpe précisait à juste titre que cet appel, cette vocation, pouvait être aussi un Dieu ou un Diable. Et oui ! La mort de Lucian Freud m'a fait retourner voir ses toiles (sur le net) : là aussi il y a un appel, mais ce n'est pas celui de Socrate, et le démon n'est pas le même. Je préfère celui de Socrate même si je reconnais la valeur du peintre.

descriptionLa vérité dépend-elle de nous ? - Page 7 EmptyRe: La vérité dépend-elle de nous ?

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friedrich crap a écrit:
Oui Silentio, je suis d'accord.

Mais alors quelque chose me rend perplexe : pourquoi n'y a-t-il pas davantage d'esprits frappés par la grâce ?

Peut-être parce que la plupart des gens ont une sensibilité, un intellect et une santé moyens qui ne les contraignent pas à penser (contre eux-mêmes, contre le monde, à s'éprouver en éprouvant leurs limites) et qu'ils se satisfont avec peu de choses (même si c'est dans le renouvellement perpétuel de désirs médiocres, dans la consommation de biens et dans la flatterie de leur ego par divers moyens). Après il faut aussi s'entendre sur la grâce (je suppose que vous la sortez du cadre purement théologique) puisqu'elle ne garantit pas, ici, le bonheur, la béatitude, le salut ni la possession de la vérité dans son contenu et sa totalité ; elle n'est pas non plus une foi (ou si, mais une certitude folle qui se teste, une certitude qui s'incarne peu à peu alors qu'on en doute encore parce qu'on ne l'a pas encore dans la peau) ; elle éprouve celui en qui elle naît, il peut en souffrir. Le doute est permis parce que la vérité ne se possède pas, ne s'atteint pas, elle se vise seulement et entraîne avec elle un homme et la manière dont il fait sa vie, dont il lutte contre ses déterminismes et contre sa propre raison ou ses habitudes qui lui sont vitales ; il peut croire un temps "être dans le vrai" et se demander ensuite si tout cela n'est pas une folie et si cela ne l'écarte pas de son bien-être. Pourtant il ne peut renoncer dans sa quête, elle est devenue impérieuse et obsessionnelle. Elle le tiraille dans son esprit et dans sa chair. Peut-être la grâce se mérite-t-elle ? C'est pourquoi le penseur persévère, met toute son énergie dans ce pari insensé.

Dernière édition par Silentio le Dim 24 Juil 2011 - 22:38, édité 3 fois

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Silentio a écrit:
Le moment de basculement, par lequel la vérité pénètre dans l'existence, je crois que l'on nomme cela un hapax existentiel.

Oui, c'est bien vu. Ce qu'en dit Jankélévitch est très éclairant.

friedrich crap a écrit:
pourquoi n'y a-t-il pas davantage d'esprits frappés par la grâce ?

Question magnifique. On aurait beau y répondre du mieux qu'on peut, qu'on n'en aurait jamais fini. La grâce est arbitraire, comme l'hapax, et pour compliquer la chose, elle ne vient que d'en haut. Autant dire qu'elle est doublement incompréhensible. Faut-il seulement être disponible ? Certes. Mais Bonnefoy parle de consentement, dans son œuvre, il dit aussi du poète qu'il doit être aux aguets. Il y a donc bien un éveil. Mais qu'est-ce qui fait que quelqu'un est aux aguets quand l'autre ne l'est pas du tout ?

aristippe de cyrène a écrit:
Chez Nietzsche et Pascal, c'est flagrant, ils en parlent.

Et qu'en disent-ils quand ils en parlent ?

Nietzsche dit bien qu'il a affaire à quelque chose qu'il ne comprend pas, et que sa tâche consiste à le comprendre et à le traduire, à le dire. Pour Pascal, lisez les Provinciales, sur la grâce justement, et contre les jésuites.

friedrich crap a écrit:
Et bien merci Euterpe pour ce cheminement qui m'a fait éprouvé un réel bonheur intellectuel et qui a permis d'être aussi précis que possible, me semble-t-il.

Voilà qui fait plaisir.

Dernière édition par Euterpe le Mer 27 Juil 2016 - 19:20, édité 1 fois

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jeje62 a écrit:
Que voulez vous dire par « accord spirituel » ? Où est l'accord spirituel dans les trois dernières sonates pour piano de Beethoven ?

Les avez-vous écoutées récemment ?

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Oui mais ça devient ambigu, parce que l'on ne sait pas si ce destin est encore à faire par soi-même ou si finalement vous posez une téléologie dans l'ordre du monde. Se créer un but n'est pas la même chose que de tendre vers un but qui nous est d'emblée fixé et donc... antérieur. Bref, on a parlé de la grâce, maintenant nous flirtons avec le finalisme. Mais il y a ce que nous nous administrons comme croyance et comme nécessité et d'autre part ce qui est vraiment fixé de toute éternité. Le philosophe peut s'inventer une vocation, se faire accroire que ce qu'il se donne pour but lui correspond bien de tout temps, que cela devait lui arriver de toute manière. Il découvre en lui-même le moyen d'être convaincu et mû par la révélation de ses propres aspirations. Ainsi on peut se sentir pleinement justifié dans un ordre du monde en train de se réaliser. Rien ne dit pourtant que les choses devaient se dérouler comme cela, elles se font ou non, peu importe d'ailleurs que le penseur se sente quant à lui voué à une tâche et qu'il veuille la réaliser. C'est comme si l'on voulait tirer du mysticisme la nécessité de l'existence d'un principe divin. Il est certes demandé, exigé, requis, éprouvé mais la nécessité ou le besoin de la vocation ne font pas que cela soit nécessaire autrement que pour l'individu. Et pourtant, l'appel est vécu comme un rapport au sacré, à la nécessité du monde, à un impératif que seul Dieu peut fixer à jamais pour nous au travers de sa/la volonté. Mais l'appel prouve-t-il qu'il y a bien un Autre pour justifier absolument qu'il y a bien quelque chose à réaliser ? La vocation convainc par sa force que l'on sera amené à réaliser ce pour quoi on est fait. Mais la vocation ne s'écroule-t-elle pas dès lors que l'on admet que l'on vogue vers l'inconnu, qu'il n'est pas certain que l'on réalise quelque chose que par ailleurs on ne connaît pas ? Il faudrait de l'immuabilité. Il me semble que l'expérience de la vérité comme vocation implique une mystique alors qu'elle peut n'être qu'un effet Pygmalion. Cependant, une fois attaché à la vérité on ne peut s'y soustraire, ce qui fait que l'on est obligé de supposer que la vocation est l'appel de la divinité. C'est aussi vouloir trouver une cause ou une justification aux souffrances... celles que les énigmes d'Apollon provoquent en provoquant l'esprit, par ses flèches et l'écharde dans la chair.
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