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Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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5 participants

descriptionVolonté de puissance ou volonté de pouvoir ? - Page 5 EmptyRe: Volonté de puissance ou volonté de pouvoir ?

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Liber a écrit:
On sait que Nietzsche ne s'est pas contenté de l'histoire humaine pour expliciter son concept, il a aussi cherché du côté des sciences naturelles. Cette volonté, on la retrouve dans toute la nature, et on sait aussi qu'il comptait l'appliquer au moindre grain de poussière.
Je parle justement de la force, présente dans cet océan naturel de volonté de puissance, et qui vise à s'exprimer et prendre forme (le corps comme individuation et lieu de lutte d'instincts ou de pulsions sur d'autres). Les rapports de force et l'organisation de la force, de même que la vitalité des individus et de la société, et les valeurs, pratiques, façons d'être, etc., ont une influence mutuelle et réciproque.

Liber a écrit:
Il y a donc bien une volonté de dominer chez les êtres vivants, machinale, inconsciente, implacable. Quand passe-t-on dans la traduction française de cette volonté de dominer à la volonté de puissance ? Eh bien, quand on en arrive à l'homme ! Oui, car l'homme, comme cela est parfaitement montré dans la Généalogie, se réjouit de dominer, il prend plaisir à exercer la cruauté ! D'abord la bête brute, qui a un plaisir, une joie de détruire quasi sauvage, ensuite le bourreau, qui ne sait quoi inventer pour raffiner les moyens de torture, enfin le puissant, dont ce plaisir de la force appliquée sur autrui culmine dans le pouvoir d'accorder la grâce. Il y aura peut-être un jour aussi l'homme accompli, le fruit mûr, qui a dépassé à la fois la bête brute et l'homme civilisé.
L'homme aime déchaîner sa force, donc la gaspiller. A-t-il même la perfection de l'animal ? Spinoza dit clairement que l'homme n'aura jamais la perfection du cheval. C'est au contraire l'homme qui peut désirer parce qu'il est incomplet en lui-même et par lui-même. Il a besoin d'éprouver la force, mais elle semble ne se manifester en lui qu'au moment de l'exercer et de la perdre. Et il dépend toujours de l'Autre qu'il a à dominer pour se sentir fort, c'est-à-dire que par lui-même il ne l'est pas. Dans l'Antiquité, au contraire, l'aristocrate est fort et gouverne les autres, par lesquels il gagne sa supériorité, en sachant lui-même se gouverner (j'insiste :)). On peut apprécier la plasticité d'Alcibiade, sa capacité à adhérer au réel, il reste que pour gouverner la cité et se réaliser comme aristocrate (dans la fonction politique et le rôle qu'il est censé adopter, pour lequel il doit être formé) il lui faut d'abord cesser de se perdre dans ses désirs et se gagner à lui-même. C'est en concentrant la force, en étant un pic ou un centre d'impulsion qu'il peut commander aux autres (c'est d'ailleurs tout l'enjeu de la rhétorique en politique, par laquelle l'individu devient supérieur et peut convaincre les autres, c'est-à-dire les dominer et pérenniser une domination ou un rapport de force qui influence les conduites).
Détruire exalte un temps et libère notre désir, mais ensuite est-on plus plein de force ? Est-on satisfait ou vide, ou les deux ? Est-on motivé à viser quelque grande action que ce soit ou va-t-on aveuglément détruire à nouveau ? Le but est-il de devenir un animal ou de devenir humain ? Quelle est la spécificité de l'homme ? La puissance pourrait plutôt faire penser à la force qui se conserve et s'accorde à elle-même, et donc à la maîtrise, à la retenue. C'est la force qui se contient elle-même et s'accumule, que l'on a en soi, que l'on est, celle qui nous permet de réaliser un savoir-vivre supérieur comme Gœthe a su le faire (lui qui d'ailleurs était si calme en apparence et en réalité hypersensible et passionné ou nerveux, selon l'article qui lui est consacré dans l'Encyclopédie Universalis). On voit bien que le surhomme est un idéal. Dans la réalité, il s'agit plutôt de savoir quel type d'homme on veut. Est-ce que l'on parle de la volonté de puissance pour les intellectuels (qui "agit" par l'interprétation du monde, la production de valeurs, etc.) ou est-ce que l'on veut simplement un homme qui agisse dans le monde sans pour autant créer et qui exprime basiquement la vertu de son être, son conatus ? Ne lui faut-il pas aménager son monde, le conquérir et non pas s'en nourrir et en faire une terre brûlée ?


Dernière édition par Silentio le Lun 4 Juil 2011 - 11:22, édité 2 fois

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Silentio a écrit:
Détruire exalte un temps et libère notre désir, mais ensuite est-on plus plein de force ?
Détruire pour assimiler et grandir, donc oui. Par exemple, la cité romaine, de guerre en guerre, est devenue une puissance extraordinaire. Le tout est de savoir comment maintenir dans le temps cette grandeur. Nietzsche a formulé ses hypothèses sur l'écroulement de la volonté de puissance romaine, à savoir le ressentiment judaïque, autrement dit une volonté de puissance plébéienne qui a vaincu par le nombre une volonté de puissance aristocratique.

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Je pense plutôt que Rome a pu grandir et ingérer l'Autre par des principes garantissant la maîtrise d'un noyau et la prolongation de sa volonté par la loi. Le romain sait faire preuve de maîtrise, même à la bataille, c'est là son génie, il ne s'épuise pas en vain mais adopte des stratégies. La révolte de Judée est justement celle des esclaves, de ceux qui veulent dominer parce qu'ils sont individuellement impuissants et incapables de maîtrise, de raffinement, de vivre avec l'Autre et de l'admirer. Le ressentiment se change en déchaînement de force par l'effet du nombre. Bizarrement la Rome pervertie va devenir décadente et chrétienne, tandis que ceux qui seront restés Juifs persévéreront dans leur noblesse. La puissance et la maîtrise sont des idéaux de la civilisation, elle est la force contenue qui peut être libérée, qui se maintient, tandis que la force pure se perd dans l'instant, elle n'érige rien pour l'immortalité (la pérennité d'une volonté qui s'impose aux choses) et se contente de détruire.

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Silentio a écrit:
Je pense plutôt que Rome a pu grandir et ingérer l'Autre par des principes garantissant la maîtrise d'un noyau et la prolongation de sa volonté par la loi.
Pourquoi alors ont-ils toujours fait des guerres de conquête, éliminant sans pitié qui ne se soumettait pas à eux ? On peut trouver beaucoup de qualité à la pax romana, mais il s'agissait d'une domination bien réelle. Le pouvoir central écrasait ses colonies d'impôts et matait toute révolte dans le sang. Il est indéniable que le moteur de Rome était une volonté d'agrandissement permanente, témoin par exemple Tite-Live qui trouve que l'Empire a du mal à supporter le poids de sa grandeur.

La révolte de Judée est justement celle des esclaves, de ceux qui veulent dominer parce qu'ils sont individuellement impuissants et incapables de maîtrise, de raffinement, de vivre avec l'Autre et de l'admirer.
Vous refaites l'histoire. Les juifs étaient méprisés par les Romains. Ils ne voulaient pas dominer, mais échapper à la mort, vivre libres, quoi de plus naturel ? Comment demander à un miséreux juif qui croupit dans les sentines empuanties de Rome de vivre avec César, de le considérer comme un Autre à la mode démocratique actuelle, et en plus de l'admirer ? Vous n'êtes pas sérieux !

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Pourquoi alors ont-ils toujours fait des guerres de conquête, éliminant sans pitié qui ne se soumettait pas à eux ? On peut trouver beaucoup de qualité à la pax romana, mais il s'agissait d'une domination bien réelle.
Pour accroître la puissance par une domination élargie et pérenne. La force employée est reprise et regagnée, la civilisation régénérée parce qu'elle déverse son trop plein de force à sa marge et intègre de nouvelles ressources énergétiques qui viennent accroître et stabiliser la puissance qui s'est mise en acte. Bref, conquérir de nouvelles terres permet d'exercer un surplus de force et d'éviter que la force intérieure ne s'épuise ou n'implose. Dans ce cas, il faut également que la force fasse l'épreuve de ses limites pour qu'il y ait régulation et pour assurer la maîtrise intérieure. Un État ou un Empire absolument en paix ou absolument en guerre ce serait aller vers l'épuisement et le déclin de la puissance. Mais peut-être que dans une société la guerre peut se traduire autrement, par tous types de conflit dans les relations interindividuelles et l'ordre symbolique qui déchaîne les passions sans mettre à mort, c'est-à-dire se couper de corps producteurs de force et participant à la puissance collective soit de l'ensemble des individus soit de celle du droit dont la domination est acceptée et stabilisée par le langage et le consentement des individus.

Liber a écrit:
Vous refaites l'histoire. Les juifs étaient méprisés par les Romains. Ils ne voulaient pas dominer, mais échapper à la mort, vivre libres, quoi de plus naturel ?
Les Juifs étaient méprisés et en retour ils méprisaient les Romains. Il y eut des révoltes. Mais pour quoi ? Vous dites vous-mêmes pour vivre libres. Mais vous disiez auparavant que vouloir libère et vous avez insisté sur la volonté de domination. Pour être libres, les Juifs doivent être souverains chez eux, ils ont à affirmer leur nécessité et à instaurer une domination sur ceux qui les dominent. Seriez-vous devenu humaniste ?
;)
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