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Spinoza : un philosophe à part.

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descriptionSpinoza : un philosophe à part. - Page 7 EmptyRe: Spinoza : un philosophe à part.

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hokousai le Ven 16 Nov 2012 - 12:44

Silentio a écrit:
Faut-il concevoir un monde de forces, comme chez Nietzsche, qui sont autant déterminantes que créatrices de hasard dans leurs interactions, dans leurs rapports conflictuels qui créent des différences (les forces étant variables) ? C'est un point sur lequel je n'ai jamais réussi à comprendre Spinoza.

Spinoza répond ceci à Guillaume de Blyenbergh (lettre 23) :
Si toutefois vous demandez en outre quelle force peut vous pousser à faire cette œuvre que j’appelle vertu, plutôt qu’une autre ? Je réponds que je ne peux dire de quel moyen, parmi une infinité d’autres, Dieu use pour vous déterminer à cette œuvre. Ce pourrait être que Dieu eût imprimé en vous une idée claire de lui-même, de sorte que, par amour de lui, vous oublieriez le monde et aimeriez les autres hommes comme vous-même. Et il est manifeste qu’à une âme ainsi formée répugne tout ce qu’on appelle le mal et que, pour cette raison, le mal n’y peut exister.


Dernière édition par Euterpe le Mar 9 Aoû 2016 - 14:06, édité 1 fois

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Silentio le Ven 16 Nov 2012 - 13:03

Est-ce qu'on ne peut pas dire que je suis réellement libre en tant que je comprends que je suis une partie de Dieu qui agit donc nécessairement d'après sa propre nature ? Avant, je croyais être indépendant, coupé du monde, et pouvoir exercer mon libre-arbitre. Mais maintenant, je sais que le cogito n'est pas évident, il n'est pas premier, il fait partie du monde, et ce dernier lui est antérieur. Donc je dois me découvrir comme partie agissante et agie de la substance unique. Je me croyais à l'initiative de mes actions, or je m'illusionne. Je ne suis libre que si je me rapporte à la substance à laquelle je participe et qui me cause. Je suis libre en comprenant que la nécessité du monde, le monde lui-même, c'est moi, même si le tout me dépasse. Je suis un être relationnel, le monde mis en relation à lui-même. En tant qu'individu je ne suis pas libre, je suis causé par Dieu, mais étant (en) Dieu je suis agi par sa liberté. Au regard de l'éternité je ne suis rien, sinon Dieu qui est le seul être éminemment libre. Je suis libre quand mon esprit se reconnaît comme faisant partie de l'entendement infini de Dieu et de son activité. Dans la connaissance, je fais partie de l'activité du monde, je me découvre moi-même comme divin (mais non comme un dieu). Je suis nature naturée apte à se replonger dans l'activité de la nature naturante. Mais être libre ce serait pouvoir être à l'initiative de cette activité, non être compris dans celle de la nature. D'où le problème : faut-il agir selon mes désirs, puisque je suis en droit de le faire, ou vaut-il mieux agir intellectuellement en me plongeant en pensée dans l'éternité du dieu vivant ?

Dernière édition par Euterpe le Mar 9 Aoû 2016 - 14:07, édité 1 fois

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Liber le Ven 16 Nov 2012 - 14:05

Silentio a écrit:
Il n'y a pas de libre-arbitre chez lui, mais effectivement une libre nécessité, c'est-à-dire une nécessité à laquelle il vaut mieux adhérer pour être heureux ou contenté. Mais je suis peut-être déjà déterminé à adhérer ou non. Comment l'intelligence et la vie de l'esprit pourraient-elles être libres ? Y a-t-il un clinamen de l'esprit qui serait la seule chose indéterminée ?

Épicure avait en effet inventé le clinamen (introduire une part de hasard dans la chute des atomes) pour résoudre ce problème : "comment puis-je décider de ma conduite (et donc de mon bonheur) si je ne suis pas libre ?". D'après la philosophie de Spinoza, il existe deux sortes de passions, les passions tristes et les passions joyeuses. Nous serions donc ou toujours tristes, ou toujours gais, et plutôt tristes que gais, puisque Spinoza décrit l'humanité comme soumise aux premières. Or, il recommande au sage de préférer les passions joyeuses, de la même façon que le faisait Épicure. Quel est donc le clinamen de Spinoza ?

Silentio a écrit:
une intuition intellectuelle qui fait du philosophe un être béat devant le spectacle du monde [...] qui réduit la vie active à la vie contemplative de l'intellect.

C'est une question de degré. Pour Spinoza, le monde est l'intellect divin, il est donc naturel de penser que le sage, qui participe le plus de cette vie intellectuelle, se situe au sommet de l'humanité. La vie théorétique est la vie supérieure. Si on enlève tout ce qui fait de cette vie une souffrance, c'est-à-dire tout l'attirail chrétien des anachorètes et autres "athlètes du désert", on se rapproche encore une fois d'Épicure, pour qui la contemplation des dieux était le bonheur, la vie idéale. Autrement dit, imiter la vie des dieux, empreinte d'une sérénité éternelle. Le sage spinoziste attend la mort dans un état bienheureux, une plénitude de la sensation d'exister, une plénitude d'être.

Dernière édition par Euterpe le Mar 9 Aoû 2016 - 14:08, édité 1 fois

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Silentio le Ven 16 Nov 2012 - 14:29

Liber a écrit:
Le sage spinoziste attend la mort dans un état bienheureux, une plénitude de la sensation d'exister, une plénitude d'être.

Grand bien lui fasse. Mais c'est une philosophie pour un être d'exception comme Spinoza lui-même. Personnellement, la lecture de l'Éthique m'a aidé en des temps difficiles mais ne m'a jamais mené au bonheur, pas même à la joie (bonheur et joie sont plutôt le fait de hasards inespérés). Il est vrai cependant que la maîtrise du monde par la raison et que la compréhension procurent du plaisir. Mais ça n'est pas suffisant à celui qui veut persévérer en lui-même. J'ai plutôt tendance à me méfier de cette promesse de bonheur. Suivre la raison c'est plutôt s'assurer d'avoir moins de soucis. Tant mieux si on réussit à se simplifier la vie et à se contenter de ce qu'on y trouve. Mais je ne crois pas que ça corresponde à la logique du désir (voire au réel). A mon avis le défaut de Spinoza est de ne pas faire une philosophie à la mesure de l'existence réelle et ordinaire des hommes. Sa philosophie ne peut nous contenter. C'est trop positif, ça a l'air trop facile. Et comme vous le suggérez, sa conception binaire du désir a quelque chose de ridicule. La vie ne peut pas être autant simplifiée, elle ne se rapporte pas qu'à des principes rationnels et logiques. Et ça se saurait s'il suffisait de penser en termes spinozistes pour être heureux. Le négatif de Hegel a déjà quelque chose de plus incisif et qui nous met en contact avec la chair du monde. Le monde nous est hostile, le réel est contradictoire et s'impose à nous, il n'est pas là pour nous. Le désir et la souffrance ont plus de réalité que le contentement de soi du sage perdu dans l'abstraction. Le calme de Spinoza est exemplaire, mais la violence qui parcourt la Phénoménologie de l'esprit, par exemple, ou l'œuvre de Schopenhauer, a quelque chose de plus concret. Spinoza me semble inatteignable. C'est cela même qui me le rend suspect. En même temps, sa puissance d'affirmation est extraordinaire. Peut-on seulement la reproduire ?

Dernière édition par Euterpe le Mar 9 Aoû 2016 - 14:11, édité 1 fois

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Liber le Ven 16 Nov 2012 - 15:03

Je pense comme vous sur Spinoza, j'exprime ici depuis quelques jours les mêmes doutes sur ce philosophe, des doutes très anciens et que j'ai longtemps gardés pour moi, parce que Spinoza inspire une sorte de respect, aussi, quand j'ai lu Nietzsche écrivant qu'il était "le saint de Gœthe", j'ai trouvé la formule "adéquate". Je préfère un Épicure, qui pour le coup prend en compte de façon plus nette la part de souffrance de l'humanité. Cette philosophie, pour être moins ambitieuse que celle de Spinoza (Épicure pourrait être dit un "hypo-Spinoza"), en est plus conforme au réel. Spinoza a le défaut de parler une langue encore très proche de la scolastique médiévale, qui plus est en suivant un "ordre géométrique" déroutant (Onfray dit "baroque", c'était l'époque), de ne jamais citer un autre philosophe, en somme, de tout faire pour nous donner une "image" épurée de sa philosophie. Il n'est pas faux non plus, comme le fait Onfray, de comparer Spinoza à cet escargot qu'est le philosophe, méditant derrière son escalier en colimaçon. Si l'homme Spinoza se trouve certainement dans l'Éthique (Taine puis Nietzsche ont tenté de le débusquer), il est bien caché. Spinoza a écrit une eudémonologie, il nous enseigne la voie pour trouver le bonheur en nous-mêmes, en cela il est fidèle à bien des doctrines de l'Antiquité, dont celles que j'ai citées, et d'autres, sa doctrine peut aussi être dite sotériologique (du salut), bien que moniste et non chrétienne. Je pense également que l'époque a beaucoup joué dans l'aspect "positif" dont vous parlez. La confiance en la raison a été ébranlée à la fin du XVIIIe siècle, ouvrant la voie à un déterminisme noir comme celui de Schopenhauer, dont la substance est sans raison et notre intelligence impuissante, alors que Spinoza pouvait compter sur l'intellect divin et la puissance de notre esprit.

Dernière édition par Euterpe le Mar 9 Aoû 2016 - 14:17, édité 1 fois
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