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Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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kiralinconnu
6 participants

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 4 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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Je pense que vous saisissez en effet le caractère de ma démarche à propos de la façon dont je décide de mes choix personnels (les choix qui engagent ma vie privée dirais-je, et le désir d'enfant fait partie de la sphère privée pour moi). Je parle en mon nom, mais ma méthode est aussi celle que suivent quantité de personnes.

Je laisse une place importante à l'irrationnel.

Cela part d'une certaine vision de la vie. 

Je ne crois pas que la rationalité puisse un jour gouverner totalement les hommes et de ce coté-là, même si je suis passionné par Kant, je ne croirai jamais que l'on puisse se donner des fins élaborées par la seule raison. L'étude de Kant par exemple est un exercice excellent pour affiner son intelligence, sa capacité d'analyse et sa perspicacité. Mais l'intelligence, je la vois mise au service d'un irrationnel. L'intelligence reste pour moi un instrument, rien d'autre. Un instrument que je peux choisir de mettre au service d'un pur irrationnel.

La raison me paraît être une faculté sur laquelle il est nécessaire de s'appuyer pour conduire sa vie sociale bien sûr, pour assurer sa survie, et conquérir sa place dans une société par ailleurs largement rationalisée.

Mais je crois dans la vitalité des mondes "intérieurs", qu'ils soient égoïstes ou pas (cela m'indiffère), en la créativité de ces mondes, dans leur irrationalité. La création artistique par  exemple, mais aussi la création de nouvelles idées, de nouvelles représentations, de nouvelles religions, etc., exigent l'irruption de l'irrationnel ; l'irrationnel conduit la lave qui surgit du volcan et ajoute au réel ; ensuite les êtres de raison travaillent sur ce "nouveau" enfanté par les "irrationnels" mais c'est bien de l''irrationnel que surgit la création.

Il y a cette lutte constante entre l'irrationnel et le rationnel (entre le cheval sage et le cheval fou de Platon, qui tous deux tirent l'attelage). Mais sans l'irrationnel le monde s'éteindrait. Un monde totalement rationnel serait un monde achevé et signerait la fin de l'évolution de l'espèce humaine. L'évolution alors passerait par d'autres espèces.

C'est ainsi que la jeunesse est nécessaire à un pays qui en vieillissant s'affaiblit dans sa capacité créatrice parce que les individus finissent par prendre leurs décisions en rationalisant trop, en lisant trop, en prenant trop d'avis partout, afin de supprimer tout risque. Seul un jeune tel Alexandre peut choisir de couper avec insolence le nœud gordien de son sabre plutôt que de le défaire patiemment de ses mains comme le ferait un sage, c'est-à-dire un être lesté d'expérience et de rationalité.

Vous allez me dire : mais le jeune peut donner dans l'erreur ! Oui, mais l'erreur elle-même est créatrice ; c'est dans l'erreur que se forgent les pensées, les esprits, les volontés et les conquêtes mentales ou autres.

Si vous ne permettez pas à votre enfant par exemple de tenter l'impossible alors vous en ferez sans doute un être adapté, qui réussira peut-être sa vie pour satisfaire votre narcissisme (et le sien) mais vous lui aurez retiré sa puissance créatrice. Vous allez me dire : oui, mais le risque, le risque que votre enfant ne chute, ne meurt ? Le risque est indissociable de la création. 

La vie est conquête avec le risque d'en mourir.

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 4 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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aliochaverkiev a écrit:
je crois dans la vitalité des mondes "intérieurs", qu'ils soient égoïstes ou pas
Le foyer familial se fonde sur l'amour qui trouve un équilibre entre la raison et la passion (irrationnel). Montaigne, comme anthropologue des passions écrit que l'homme utilise non la raison, mais les "passions joyeuses" pour chasser les "passions tristes" (terminologie probablement empruntée aux stoïciens). C'est ainsi que la souffrance de l’amour est aussi sa merveille. L'origine latine de passion, qui est le principal ressort de nos cœurs, est patior qui veut dire souffrir.

Jean de La Fontaine, Le philosophe Scythe a écrit:
Un indiscret Stoïcien :
Celui-ci retranche de l'âme
Désirs et passions, le bon et le mauvais,
Jusqu'aux plus innocents souhaits.
Contre de telles gens, quant à moi, je réclame.
Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort ;
Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort.


aliochaverkiev a écrit:
l'erreur elle-même est créatrice ; c'est dans l'erreur que se forgent les pensées, les esprits, les volontés et les conquêtes mentales ou autres.
On sait que l'humain n'est pas conditionné à penser de façon logique : la logique de la nature est implacable et impitoyable alors que les hommes sont livrés à leurs sentiments, leurs passions tristes, leurs illusions, leur étonnement, car l’erreur est humaine, au sens où nous lui devons probablement une part de notre humanité.
Roger Martin du Gard, Jean Barois a écrit:
Et s'il y avait des erreurs… qui fussent utiles, - du moins pour l'état actuel de l'humanité… - est-ce que ces erreurs-là… à notre point de vue humain… ne ressembleraient pas singulièrement à des vérités ?... Quand on est sincère, quand, année par année, on a acquis le sens total de la réalité, il est impossible de n'être que logique…

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 4 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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C'est dans le terreau des passions et de la raison plus ou moins imprégnées d'égoïsme que l'engendrement prendra ou non racine. La relation entre morale (égoïsme), passions et raison intrigue les philosophes depuis Platon, Descartes, Kant et Hume qui affirmait que la raison est et ne doit être que l’esclave des passions. Les relations complexes entre égoïsme, éthique, moralité et raison ont été, par exemple, revues par Roberto Miguelez chez Kant, Rousseau, etc. :
Roberto Miguelez, Les règles de l'interaction : essais en philosophie sociologique a écrit:
Dans l'Anthropologie, Kant lui-même met en rapport le mal et l'égoïsme : « Car ce sont des hommes, c'est-à-dire des êtres mauvais de nature certes, [...] ; les maux qu'ils se font entre eux par égoïsme [...] ». Et dans ce même ouvrage, c'est à une véritable théorie de l'égoïsme que nous avons affaire. En quoi consiste cette théorie ? Le premier paragraphe de l'Anthropologie porte sur la conscience de soi-même. Or, immédiatement après, c'est-à-dire dans le deuxième paragraphe, la conscience de soi-même est reliée à l'égoïsme : Du jour où l'homme commence à s'exprimer par le moyen du Je, il fait montre, partout où il le peut, de son moi bien-aimé ; l'égoïsme entame sa marche irrésistible ; sinon à découvert (il se heurte alors à l'égoïsme des autres), du moins de manière dérobée, dans une apparence d'abnégation et sous un masque de modestie, destinés à lui donner d'autant plus sûrement une valeur insigne dans le jugement d'autrui.

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BOUDOU a écrit:
C'est dans le terreau des passions et de la raison plus ou moins imprégnées d'égoïsme que l'engendrement prendra ou non racine. La relation entre morale (égoïsme), passions et raison intrigue les philosophes depuis Platon, Descartes, Kant et Hume qui affirmait que la raison est et ne doit être que l’esclave des passions. Les relations complexes entre égoïsme, éthique, moralité et raison ont été, par exemple, revues par Roberto Miguelez chez Kant, Rousseau, etc.
Je suis toujours surpris lorsque j'entends parler de l'égoïsme. Est-ce que ce mot d'ailleurs est seulement employé par Platon ? Je ne me souviens pas que ce mot soit essentiel dans l'œuvre de ce philosophe. Pour avoir dans les origines de la formation de ma pensée reçu une certaine influence du judaïsme (d'un certain judaïsme libéral) et pour connaître aussi le catholicisme, je me rends compte que cette évocation de l'égoïsme est omniprésente dans les cultures sous influence catholique (que ces cultures soient devenues aujourd'hui athées ou pas, l'influence des religions excédant largement et le temps présent et la croyance (ou pas) en Dieu). Prenons un acte social accompli par un individu. Et bien les catholiques ou les personnes issues de culture catholique vont constamment se demander : quelles sont les motivations intérieures, personnelles, secrètes de cet individu ? C'est surprenant. Alors que le judaïsme va regarder la valeur sociale de l'acte sans s'interroger outre mesure sur la motivation personnelle de l'individu. Il semble que le catholique ne puisse pas penser que la motivation de l'individu soit "belle", non il faut qu'il la dévalorise sans cesse. "Cet individu a-t-il un comportement social altruiste ? Ah non ! dans sa tête, en fait, il y a une motivation 'abjecte'" (Sartre). Incroyable. Le catholicisme (ou les cultures qui en sont issues) repose sur le principe de la faute. Le péché. Tout est vicié par la faute originelle.

descriptionAvoir des enfants : égoïsme ou pas ? - Page 4 EmptyRe: Avoir des enfants : égoïsme ou pas ?

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aliochaverkiev a écrit:
le judaïsme va regarder la valeur sociale de l'acte sans s'interroger outre mesure sur la motivation personnelle de l'individu. Il semble que le catholique ne puisse pas penser que la motivation de l'individu soit "belle", non, il faut qu'il la dévalorise sans cesse

Votre commentaire est très intéressant. La question du jugement de l'intention chez les chrétiens vs. juifs est discutée par Pierre Abélard (Conférences. Dialogues d’un philosophe avec un juif et un chrétien. Connais-toi toi-même). Pour les chrétiens il est impossible de penser la notion aristotélicienne d'une forme d'égoïsme vertueux (lire ici), comme c'est le cas chez Nietzsche, dans le bouddhisme où dans le judaïsme - sans verser dans l'antisémitisme qui voit le juif profane assoiffé d'argent.

aliochaverkiev a écrit:
Est-ce que ce mot d'ailleurs est seulement employé par Platon ? Je ne me souviens pas que ce mot soit essentiel dans l'œuvre de ce philosophe.
Dans ma réponse précédente, je citais Platon à propos des passions. Pour ce qui concerne l'égoïsme, je n'ai pas fait une recherche exhaustive dans ma base de données, mais il me semble que Platon discute l'égoïsme à propos de l'amour. Je reviendrai vers vous lorsque j'aurai complété ma recherche - à moins que les collègues philosophes qui ont terminé leurs épreuves ou corrections du bac soient disponibles maintenant pour répondre sur ce point.

aliochaverkiev a écrit:
l'erreur elle-même est créatrice ; c'est dans l'erreur que se forgent les pensées, les esprits, les volontés et les conquêtes mentales ou autres.
On peut également citer Günter Grass pour vous répondre sur ce point qui renvoie au siècle des Lumières (Kant) :
Günter Grass, Le rôle de l'écrivain n'est-il pas de se mettre à la place des autres ? a écrit:
J'ai été très influencé par les Essais de Montaigne (et Rabelais) : (ils ont) été le(s) précurseur(s) des Lumières non dans la négation mais dans la connaissance de l'irrationnel ; or, certains auteurs des Lumières ont commis plus tard l'erreur de vouloir nier l'irrationnel, qui est une part de l'homme. D'où la tendance à réduire les Lumières à la raison technique, ce qui en est un appauvrissement.

http://www.lexpress.fr/culture/livre/gunter-grass_800883.html
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