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L'homme et ses dieux.

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tierri
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Gisli
Euterpe
Liber
9 participants

descriptionL'homme et ses dieux. - Page 4 EmptyRe: L'homme et ses dieux.

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tierri a écrit:
Pour apporter ma part à ce débat, je vous propose de prendre un peu de recul et tenter de délimiter quelques principes fondamentaux dans l'évolution de la spiritualité humaine.

Je discerne trois étapes :
_ L'animisme : l'homme analyse le monde qui l'entoure, les dieux sont des animaux ou des lieux.
_ La mythologie antique : l'homme analyse ses propres sentiments, les dieux sont des émotions humaines.
_ Les religions monothéistes : l'homme cherche une vérité universelle basée sur la morale.

Il y a sans aucun doute eu des idéologies qui marquaient le passage de l'une à l'autre ou le désir de passer de l'une à l'autre, ainsi la mythologie égyptienne présente des résidus d'animisme et des philosophes grecs ont certainement rêvé d'une vision plus moralisatrice, et je pense que de fixer ces principes fondamentaux peut permettre de mieux les comprendre.

Je vais m'écarter du débat initial pour commenter ce dernier message, mais bon, je ne pense pas m'éloigner outre mesure de "l'homme et ses dieux".

Je trouve, tierri, que votre message manque de pertinence. Vous réduisez l'histoire des religions à ce qui s'est passé dans notre petit monde méditerranéen en faisant fi de tout le reste du monde... et qu'on ne me réponde pas que l'absence de monothéisme à l'extérieur des mondes chrétien et musulman est due à un "sous-développement religieux" ! Nous n'avons pas le monopole des idées... et je dirais même que les philosophies indienne et chinoise n'ont rien à envier à la grecque. Pourtant, pas de monothéisme en Inde et en Chine avant qu'on ne l'y amène...
En outre, je pense que votre distinction entre "animisme" et "mythologie antique" est essentiellement due à une méconnaissance de ces deux "types de religion".

Vous n'êtes pas le premier à établir plusieurs "étapes" de développement religieux, dont le premier serait l'animisme et l'ultime le monothéisme. Il me semble que le "responsable" est un certain Edward Tylor, pour qui les étapes étaient "animisme, fétichisme, polythéisme, monothéisme".
Comme je l'ai évoqué, l'idée d'un sens univoque et linéaire de l'évolution des religions est absurde... ou alors il va falloir m'expliquer pourquoi "l'évolution" des religions est en décalage total avec celle des idées et celle des techniques ! Les exemples sont innombrables : l'Inde et la Chine ont toutes deux des traditions philosophiques très riches, pourtant, pas de monothéisme... le Japon a aujourd'hui une énorme avance technologique sur nous-autres faibles Occidentaux, pourtant il est toujours animiste... n'oublions pas non plus que la domination du monothéisme en Europe marque une époque très pauvre autant en techniques qu'en idées alors que l'antiquité, époque dominée par un "vulgaire polythéisme" brille par son ingéniosité et sa sagesse.
Pour briser les derniers restes de cette idée stupide d'une évolution des religions, on peut encore rappeler que le monothéisme peut très bien être abandonné au profit d'un polythéisme "à l'ancienne" comme ce fut le cas en Égypte suite au bref culte d'Aton, et bien entendu que de nombreuses religions ne rentrent pas dans le moule... où ranger l’Hindouisme ? le Bouddhisme ? le Taoïsme ?
Si les historiens ont été forcé de truffer leurs livres de noms barbares pour désigner les religions comme "hénothéisme", "monolâtrie" et autre "panenthéisme", ce n'est pas pour en revenir au vieux paradigme monothéisme/paganisme...

Enfin, j'ai dit que je trouvais la distinction entre "animisme" et "mythologie antique" impertinente. Je m'explique : il convient d'abord de rappeler que la religion grecque antique N'EST PAS la mythologie. La mythologie relève en de nombreux points plus de la littérature que de la spiritualité et même en apprenant par cœur tout ce que l'on peut savoir à son sujet (je le sais d'expérience), on ne saura pour ainsi dire rien des rapports qu'entretenait l'Athénien moyen avec ses dieux.
Pour en revenir une dernière fois à vos définitions "d'animisme" et de "mythologie antique", aucune d'elles ne suffit à englober la totalité de ce qu'elles sont censées désigner, et toutes deux "débordent" sur d'autres types de religions.
Vos dites de la "mythologie" : l'homme analyse ses propres sentiments, les dieux sont des émotions humaines. Pensez-vous vraiment qu'il n'y ait pas de dieux qui correspondent à cette description dans les religions "animistes" ?
De même, si vous vous penchez un peu sur la religion romaine (qui est très différente de la religion grecque), vous risquez d'être un peu bouleversé... outre les figures majeures puisées en Grèce, les Romains avaient une foule de dieux qui se définissaient non pas par des sentiments ou des éléments concrets, mais par leur fonction ! Je cite le grand Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine de Jean-Claude Belfiore :
Intercidona protège la jeune mère et son enfant ; Educa enseigne au petit la manière de manger ; Potina lui apprend à boire ; Cuba veille à son repos dans son lit ; Abeona surveille ses pas quand il sort de la maison, et Adeona quand il rentre...

Et je vous passe le dieu à invoquer pour le premier défrichement du sol, celui pour le second passage de la charrue, celui pour le troisième, celui qui garde la porte, celui qui protège les gonds de la porte, celui qui garde le seuil... (nan, allez, je suis sympa, je les donne quand même, dans l'ordre : Vervactor, Redarator, Imporcitor, Forculus, Cardea, Limentinus).
D'autant plus qu'à Rome, craindre ou aimer les dieux, tout comme les adorer hors du cadre public et collectif, relevait de la superstitio plutôt que de la religio et était illégal... On est très loin des dieux-émotions que devraient être les dieux romains d'après vous !

En vérité, il n'y a pas de véritable distinction entre les religions que l'on qualifie de polythéistes et celles que l'on appelle animistes... "Animisme", tout comme "chamanisme" avec lequel il se confond souvent, n'est rien d'autre qu'un mot fourre-tout dans lequel on jette en vrac toutes les religions des peuples que l'on juge "primitifs" pour ne pas avoir à s'y attarder. Mais les religions mésopotamiennes "polythéistes" ne sont pas plus différentes des religions d’Afrique sub-Saharienne "animistes" que ne le sont les religions traditionnelles d'Océanie de celles d'Amérique du Nord, toutes traitées "d'animisme".

Malheureusement, l'Histoire des Idées, qu'il s'agisse de religion ou de philosophie, ne peut pas être réduite à une simple échelle d'évolution... ce ne serait pas assez compliqué, voyons ! ;)

descriptionL'homme et ses dieux. - Page 4 EmptyRe: L'homme et ses dieux.

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Il est vrai que je me base essentiellement sur ce qui s'est passé sur notre petit monde méditerranéen mais je ne sous-estime absolument pas les religions asiatiques, bien au contraire je les considère comme une autre formulation de la même vérité. Peut-être que parler de religions monothéistes n'est pas ce qu'il y a de plus adapté en la circonstance. Je connais assez mal les religions asiatiques, mais par exemple pour le bouddhisme j'en sais tout de même suffisamment pour lui accorder ma plus haute estime et faire un étroit rapprochement avec nos religions monothéistes, il me semble tout de même que cette noble religion cherche à amener l'homme à un stade d'éveil supérieur au-delà des tourments des simples émotions humaines, je ne fais pas de différence fondamentale entre le bouddhisme, le christianisme et autres, seulement une différence de forme, et même si je sais que cela ne plaira pas à tout le monde notamment à cause de la pratique de la méditation.

Je crois fondamentalement en ces trois étapes de développement tout comme M. Tylor que vous citez (en plaçant néanmoins animisme et fétichisme dans la même catégorie), mais sous leur forme première, je veux bien admettre qu'une religion animiste par exemple ait pu évoluer au fil du temps vers une pensée plus profonde.

Je vais prendre un exemple pour illustrer mes propos : considérons une montagne particulièrement impressionnante, elle peut être vue comme un site abritant des esprits de toutes sortes, nous sommes alors dans la première étape où les éléments de la nature dominent l'homme qui les craint ; elle peut être vue comme la demeure de dieux figurants des émotions humaines, nous sommes alors dans la seconde étape où l'homme s'émancipe de la nature pour privilégier la puissance des émotions humaines ; mais elle peut aussi être vue comme un outil de surpassement (en la gravissant par exemple), nous sommes alors dans la troisième étape où l'homme se libère de ses émotions pour une quête de pureté et d'apaisement. Le fait que la montagne ait toujours été au centre des regards ne signifie aucunement que le regard porté sur elle n'ait pas radicalement évolué.

Ce que je prétends, c'est que quelles que soit les idéologies à travers le monde, l'homme a partout reproduit le même schéma. Je suis parti d'une présentation qui m'est culturellement plus proche mais je reste très ouvert quant aux différents aspects que cela peut prendre, l'imagination de l'homme est infinie mais fondamentalement nous fonctionnons tous de la même manière.

J'aurais une réponse pour chaque exemple cité mais je crois avoir exprimé mon opinion et ne doute pas que vous me compreniez, que vous soyez ou non d'accord. Je voudrais terminer par un petit mot sur Nietzsche :
Cette phrase m'a interpellé : "Nietzsche critique l'espérance en une vie meilleure que les chrétiens placent dans un autre monde (le paradis) au lieu de vivre une vie épanouie dans le monde présent, signe d'une mentalité d'esclave, selon lui..."

J'ai le plus grand respect pour Nietzsche je vous rassure, je ne voudrais pas me mettre à dos tous les philosophes de la terre, mais je dois m'opposer à cette vision très largement répandue. Je suis profondément croyant et je vois en la foi le plus sûr moyen de libérer mon esprit aujourd'hui, sur terre, de mon vivant, et suis totalement convaincu que là se trouve le sens profond de la religion, mais il est aussi vrai, et la religion favorise cela, que pour une masse de gens croyant par "devoir civique ou culturel" la foi s'apparente plus à de la superstition, Nietzsche ne fait que critiquer une vision simpliste de la religion, et en cela il a raison, je trouve simplement dommage qu'il n'ait pas eu lui-même la foi pour mieux en comprendre toute la subtilité.

Il y a un concept que je trouve terrible dans la religion chrétienne, celui du berger menant son troupeau où le berger est alors celui qui grâce à sa foi a libéré son âme et son esprit des souffrances terrestres tandis que le troupeau est composé des superstitieux. Nietzsche a tort d'accabler les moutons et surtout de limiter la religion à la perception qu'ils en ont.

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tierri a écrit:
Je suis profondément croyant et je vois en la foi le plus sûr moyen de libérer mon esprit aujourd'hui, sur terre, de mon vivant, et suis totalement convaincu que là se trouve le sens profond de la religion, mais il est aussi vrai, et la religion favorise cela, que pour une masse de gens croyant par "devoir civique ou culturel" la foi s'apparente plus à de la superstition, Nietzsche ne fait que critiquer une vision simpliste de la religion, et en cela il a raison

Le problème, c'est que subtilité ou pas, foi vraie ou intéressée, le croyant reproduit toujours le même schéma. Pour lui, la vraie vie se trouve en dehors de la vie. Et pour Nietzsche, cela suffit pour dire que celui qui pense cela a littéralement manqué la vie, il n'a pas pris le même train qu'elle. Nietzsche qualifie tout croyant, et tout ce qui relève de la transcendance, comme nihiliste, il n'y a pas de demi-mesure.

tierri a écrit:
je trouve simplement dommage qu'il n'ait pas eu lui-même la foi pour mieux en comprendre toute la subtilité.

On fait trop vite de Nietzsche, à mon sens, un homme complètement à l'opposé de la religion. Alors certes il s'oppose avec une verve incroyable à la religion chrétienne et à toutes les valeurs judéo-chrétiennes, mais il n'en reste pas moins habité par la religion. Prenez ce paragraphe  du Gai savoir :
Nietzsche, Gai savoir, aphorisme 125 a écrit:
Où est allé Dieu ? s'écria-t-il, je veux vous le dire ! Nous l'avons tué, — vous et moi ! Nous tous, nous sommes ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment avons-nous pu vider la mer ? Qui nous a donné l'éponge pour effacer l'horizon ? Qu'avons-nous fait lorsque nous avons détaché cette terre de la chaîne de son soleil ? Où la conduisent maintenant ses mouvements ? Où la conduisent nos mouvements ? Loin de tous les soleils ? Ne tombons-nous pas sans cesse ? En avant, en arrière, de côté, de tous les côtés ? Y a-t-il encore un en-haut et un en-bas ? N'errons-nous pas comme à travers un néant infini ? Le vide ne nous poursuit-il pas de son haleine ? Ne fait-il pas plus froid ? Ne voyez-vous pas sans cesse venir la nuit, plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer les lanternes avant midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui enterrent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la décomposition divine ? — les dieux, eux aussi, se décomposent ! Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué !

N'avez-vous pas l'impression de retrouver en un certain sens Pascal ? Personnellement, en lisant cela pour la première fois il y a un mois, je me suis écrié : "la misère de l'homme sans Dieu". Nous voyons bien par là que même s'il y a chez lui une opposition virulente au christianisme, il reste chez Nietzsche, et jusqu'à sa mort, quelque chose de chrétien, qui le détermine d'une certaine manière, car Nietzsche (contrairement à un Spinoza par exemple) est en perpétuel deuil de Dieu.
Du reste, Nietzsche, bien qu'il puisse détester la religion, a, me semble-t-il, toujours eu un profond respect pour elle.

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Aristippe de cyrène a écrit:
Personnellement, en lisant cela pour la première fois il y a un moi, je me suis écrié : "la misère de l'homme sans Dieu". Nous voyons bien par là que même s'il y a chez lui une opposition virulente au christianisme, il reste chez Nietzsche, et jusqu'à sa mort, quelque chose de chrétien, qui le détermine d'une certaine manière, car Nietzsche (contrairement à un Spinoza par exemple) est en perpétuel deuil de Dieu.

Vous prenez le problème à l'envers. Spinoza croit encore en Dieu, pas Nietzsche. "Dieu est mort" veut dire que la croyance en Dieu est déclinante, comme la lumière qui nous parvient encore des étoiles lointaines, lesquelles sont en réalité déjà mortes depuis longtemps. Quant à Pascal, il est certes effrayé par le vide du cosmos, mais il ne va pas jusqu'à affirmer qu'il n'y a plus de Dieu. Pascal utilise la rhétorique avec autant de ferveur pour défendre sa foi que Nietzsche en met pour démolir la sienne. On date d'un texte de Hegel cette prise de conscience que "Dieu lui-même est mort".

Du reste, Nietzsche, bien qu'il puisse détester la religion, a, me semble-t-il, toujours eu un profond respect pour elle.

Je ne vois pas où vous voyez ça. Que ce soit l'Antéchrist ou la dissertation n°3 de la Généalogie de la morale, on n'y aperçoit que critiques contre la religion. Nietzsche a du respect pour certaines figures religieuses, en premier lieu le Christ, mais il en vomit d'autres, tel Saint Paul. Chez Nietzsche, il y a aussi un mysticisme latent, proche du mysticisme romantique allemand, très chrétien par ailleurs. Parfois Nietzsche verse lui aussi dans ce mysticisme de la nuit, mais il lui oppose systématiquement le soleil. Pour les romantiques, la lune, symbole du Christ, avait pris le pas sur le soleil antique. Rien de tout cela chez Nietzsche, dont on connaît le goût pour les envolées vers le soleil (l'aigle...) et la quête du Midi.

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Liber a écrit:
Spinoza croit encore en Dieu.

Certainement pas. Spinoza ne croit pas, il connaît. Et il n'y pas chez lui de Dieu comme l'entendent ses contemporains, il y a et il n'y a que la nature. Spinoza est un penseur de l'immanence, non de la transcendance. Le "Dieu" de Spinoza, ou du moins ce qu’il définit sous les mots substance unique, infinie, éternelle, immanente, n’est pas un sujet, mais la nature. Bref il n'y a que la nature, et elle se donne à connaître, point à croire.

Toute la subtilité est là. Car Spinoza est à des kilomètres du croyant, mais a des kilomètres de l'athée aussi.

Ce que je tentais d'expliquer par ce parallèle avec Nietzsche, c'est que Spinoza, par la plénitude de son affirmation, dépasse Dieu. Alors que Nietzsche, par sa réfutation (le terme n'est peut-être pas adéquat) ne parvient pas à le dépasser. Il reste en quelque sorte prisonnier du Dieu dont il essaye de se libérer.

Liber a écrit:
On date d'un texte de Hegel cette prise de conscience que "Dieu lui-même est mort".

N'est-ce pas Kant qui exprime cette idée en premier quand, parlant de l'impératif catégorique, il se rend compte qu'il a tué Dieu ?

Liber a écrit:
Je ne vois pas où vous voyez ça. Que ce soit l'Antéchrist ou la dissertation n°3 de la Généalogie de la morale, on n'y aperçoit que critiques contre la religion.

En effet oui. Mais lorsque j'évoquais ce respect, je ne pensais nullement le trouver dans son œuvre, mais plutôt dans sa vie. J'avais appris cela en lisant quelque chose sur sa vie, mais je ne sais pas si j'arriverais à retrouver ce que j'ai lu. Je crois que je l'avais lu chez Janz.
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