Je me permets de couper votre échange par quelques extraits tirés d'un petit livre splendide d'un auteur assez peu connu :
Je posterai un commentaire personnel lorsque j'aurai plus de temps !
Cordialement
"Les dieux ne relèvent ni d'une invention, ni d'une création de l'esprit, ni d'une représentation, mais ils peuvent seulement relever d'une expérience.
[...]
Les mythes [sont] plus que des images et des symboles pour des expériences que l'homme peut faire en tout temps : ils [sont] des manifestations de l'être, qui sont réservées à un moment du monde qui leur est propre.
[...]
Le poète raconte d’abord tout comme nous le ferions : « L’outrage qu’il a subi de la part d’Agamemnon atteignit Achille d’une douleur sauvage, et son cœur balança le pour et le contre pour savoir s’il allait tirer l’épée, disperser l’assistance et tuer l’offenseur, ou bien s’il devait calmer son dépit et maîtriser sa fougue. Tandis qu’il remuait en lui ses pensées et déjà sortait son épée du fourreau, alors… » Nous poursuivrions : alors la raison et le discernement l’emportèrent, voyant qu’il obtiendrait une bien plus grande satisfaction pour l’outrage subi s’il s’abstenait d’une action précipitée. Et les auditeurs auraient su à l’avance qu’il en serait ainsi. Car quand un homme entreprend de délibérer pour savoir s’il ne ferait pas mieux de se contenir, il n’est quasiment plus permis de douter de la manière dont la décision sera prise. Mais elle n’est point encore prise. Et nous écoutons maintenant comment elle est advenue : « Alors Athéna vint du ciel [...]. Elle se mit derrière lui et le tira par ses blonds cheveux ; étonné il se retourna et reconnut aussitôt Pallas Athénè car ses yeux brillaient avec force. » Ainsi le geste décisif que nous attribuons à la libre décision de la volonté se produit ici grâce à l’apparition d’une divinité.
[...] L’image homérique d’Achille et d’Athéna permet de reconnaître avec une rare clarté le mode et la nature de l’action divine. Mais la conviction que ce n’est pas seulement tout mode de pouvoir et de succès qui vient des dieux, mais que les pensées et les décisions de l’homme sont aussi leur œuvre, s’exprime partout sans équivoque chez Homère et ses successeurs. Ce n’est donc pas uniquement dans les phénomènes naturels ou dans les événements qui relèvent du destin, que se manifestent les dieux, mais également dans ce qui anime l’homme au plus intime de lui-même et décide de son attitude et de son action.
Au sein d’un monde peuplé de dieux, l’homme grec ne regarde pas vers l’intérieur afin d’y trouver l’origine de ses impulsions et de ses responsabilités. Il porte bien plutôt son regard dans la grandeur de l’être, et là où nous parlons de réflexion et de volonté, il rencontre partout les réalités vivantes des dieux. Les psychologues, dont les notions sont tout à fait empêtrées dans l’étroitesse de l’existence, en tirent la conclusion bornée que l’homme d’alors n’avait point encore découvert la profondeur de sa vie intérieure et spirituelle. Mais la vérité est qu’il était préservé du funeste et pernicieux miroir de soi (qui est même, à présent, devenu une science) grâce à l’expérience vivante de ce qui est objectif, des dieux qui portent tout l’être en eux. D’où la tournure d’esprit propre à Homère, comme d’ailleurs à tous les grands esprits de la Grèce. »
Walter Friedrich Otto, L’esprit de la religion grecque ancienne, Theophania, Pocket 2006.
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