Récemment, j'ai vu quelques documentaires qui évoquaient des rites et des cultes rendus à des dieux, ce qui m'a amené à me poser la question du rapport de l'homme aux dieux. Je vais faire ici un bref résumé des idées qui me sont venues à l'esprit en regardant ces documentaires, pour lancer une discussion sur ce thème.
Que furent les dieux aux origines de l'humanité ? Comment sont-ils apparus ? Un fait frappe l'observateur. Il faut attendre très longtemps pour voir l'homme se représenter lui-même. Nous possédons des peintures rupestres admirablement bien observées, qui montrent que l'homme préhistorique savait rendre avec sa main ce que voyait son œil. Mais il ne s'agit que d'animaux. La seule trace d'une représentation humaine que nous ayons retrouvée est celle d'une main, selon le procédé le plus enfantin qui soit : trempée dans de l'argile, elle était appliquée sur la paroi. Il est possible que les hommes dans ces lointaines époques se soient satisfaits de décorations sur leur corps, dont les tatouages que nous trouvons encore pratiqués de façon rituelle dans certaines tribus. L'homme a donc tout d'abord perçu le monde extérieur bien avant de se voir lui-même. Comment ne pas penser aux animaux ? Les dieux ont donc d'abord été des animaux plutôt que des hommes, auxquels on sacrifiait du gibier ou des bêtes d'élevage pour les amadouer, ou simplement assurer leur survie, dont dépendait celle de la communauté, croyait-on. Ou bien, ils étaient des forces impersonnelles, que nous retrouvons encore aujourd'hui dans les expressions : "il pleut, il tonne", et en latin "fulgurat", il fait des éclairs. Car, nous y reviendrons sans doute dans le cours du débat, l'origine des dieux pourrait bien être celle de la peur devant les forces de la nature ou bien celle de se voir privé de nourriture, d'abri, de fertilité, bref, de tout ce qui est nécessaire à la vie.
Quand l'homme a commencé à organiser ses sentiments, à démêler ses passions, à élaborer des conceptions abstraites, il a voulu les exprimer, les figurer. Tout d'abord, ce fut sous une forme grossière, et avant tout en modelant de l'argile ou en taillant dans du bois ou de la pierre. Souvent, le visage est à peine ébauché, le corps faisant l'essentiel de la sculpture. Passons rapidement sur ces premières tentatives, dont l'objet était la plupart du temps cultuel, et où donc, le réalisme importait peu, pour en arriver à la floraison géniale des Grecs. Car c'est chez les Grecs qu'on trouve pour la première fois une expression aussi précise du corps humain, analysé dans tous ses détails, montrant une connaissance aiguë de l'anatomie, connaissance abandonnée après eux et qui ne reprendra vraiment qu'à la Renaissance italienne. La sculpture faisait suite à une mythologie étonnamment vivante où les dieux et les déesses agissent comme des humains, éprouvent les mêmes passions, et semblent dépendre des mêmes conceptions du monde, qui les guident parfois maladroitement. Tout au plus les voit-on voler, courir plus vite, pratiquer l'art de la magie, toutes qualités d'ailleurs souvent possédées dans une moindre mesure par les héros, qui sont au stade intermédiaire entre les hommes et les dieux.
C'est alors qu'apparaît une autre façon de voir le dieu : le dieu est non plus extérieur à l'homme, mais il est entré en lui. Il a pris possession d'un corps humain. Comment ? Souvent sous la forme d'un phénomène atmosphérique, d'autres fois après une disparition, où ses contemporains voient un voyage vers des régions inconnues. C'est ce souvenir d'avoir été visité par un dieu qui va mener, parallèlement aux premières explications du monde, à la recherche d'une connaissance de soi, de l'homme par l'homme, mais toujours sous le regard d'un dieu. Socrate en est l'exemple le plus célèbre, avec son génie. Cette exploration de l'homme par l'homme va connaître un succès d'une ampleur sans précédent, et conduire à la naissance du christianisme. L'homme est alors placé au centre du monde, il ne voit plus que lui-même partout où il étend ses regards, même dans la voûte céleste. Peu à peu, avec le retour à un examen approfondi du monde extérieur, il en viendra à douter de cette certitude, jusqu'à ne plus voir dans ce monde extérieur qu'un monde étranger, hostile et qu'il faut dominer pour y prospérer. On voit bien la différence si on compare avec l'Odyssée, par exemple, où il suffisait de bien choisir un endroit où la nature est abondante pour y trouver de quoi y vivre amplement. Quant à l'homme, placé auparavant au sommet de la création, il n'en est plus qu'un rebut, un cloaque, pour reprendre les mots choisis par Pascal, quand il était si beau et si fier chez Homère. Le monde ne lui dit plus rien, lui-même ne trouve en son for intérieur qu'ennui, lassitude, dégoût, là où Socrate y puisait la force du dieu, et le Christ la conviction de sa nature immortelle.
On pourrait dire : les dieux, une aventure pour rien. L'homme se retrouve comme à ses débuts, ayant simplement amélioré considérablement ses capacités techniques, mais en définitive, ne possédant aucune autre certitude sur lui-même et sur le monde que la possession de meilleures armes, de meilleures charrettes, des élevages plus nombreux, des plantes qui soignent mieux, et encore, en viendrait-il même à douter de la pérennité de ces possessions, avec les désastres écologiques annoncés.
Que furent les dieux aux origines de l'humanité ? Comment sont-ils apparus ? Un fait frappe l'observateur. Il faut attendre très longtemps pour voir l'homme se représenter lui-même. Nous possédons des peintures rupestres admirablement bien observées, qui montrent que l'homme préhistorique savait rendre avec sa main ce que voyait son œil. Mais il ne s'agit que d'animaux. La seule trace d'une représentation humaine que nous ayons retrouvée est celle d'une main, selon le procédé le plus enfantin qui soit : trempée dans de l'argile, elle était appliquée sur la paroi. Il est possible que les hommes dans ces lointaines époques se soient satisfaits de décorations sur leur corps, dont les tatouages que nous trouvons encore pratiqués de façon rituelle dans certaines tribus. L'homme a donc tout d'abord perçu le monde extérieur bien avant de se voir lui-même. Comment ne pas penser aux animaux ? Les dieux ont donc d'abord été des animaux plutôt que des hommes, auxquels on sacrifiait du gibier ou des bêtes d'élevage pour les amadouer, ou simplement assurer leur survie, dont dépendait celle de la communauté, croyait-on. Ou bien, ils étaient des forces impersonnelles, que nous retrouvons encore aujourd'hui dans les expressions : "il pleut, il tonne", et en latin "fulgurat", il fait des éclairs. Car, nous y reviendrons sans doute dans le cours du débat, l'origine des dieux pourrait bien être celle de la peur devant les forces de la nature ou bien celle de se voir privé de nourriture, d'abri, de fertilité, bref, de tout ce qui est nécessaire à la vie.
Quand l'homme a commencé à organiser ses sentiments, à démêler ses passions, à élaborer des conceptions abstraites, il a voulu les exprimer, les figurer. Tout d'abord, ce fut sous une forme grossière, et avant tout en modelant de l'argile ou en taillant dans du bois ou de la pierre. Souvent, le visage est à peine ébauché, le corps faisant l'essentiel de la sculpture. Passons rapidement sur ces premières tentatives, dont l'objet était la plupart du temps cultuel, et où donc, le réalisme importait peu, pour en arriver à la floraison géniale des Grecs. Car c'est chez les Grecs qu'on trouve pour la première fois une expression aussi précise du corps humain, analysé dans tous ses détails, montrant une connaissance aiguë de l'anatomie, connaissance abandonnée après eux et qui ne reprendra vraiment qu'à la Renaissance italienne. La sculpture faisait suite à une mythologie étonnamment vivante où les dieux et les déesses agissent comme des humains, éprouvent les mêmes passions, et semblent dépendre des mêmes conceptions du monde, qui les guident parfois maladroitement. Tout au plus les voit-on voler, courir plus vite, pratiquer l'art de la magie, toutes qualités d'ailleurs souvent possédées dans une moindre mesure par les héros, qui sont au stade intermédiaire entre les hommes et les dieux.
C'est alors qu'apparaît une autre façon de voir le dieu : le dieu est non plus extérieur à l'homme, mais il est entré en lui. Il a pris possession d'un corps humain. Comment ? Souvent sous la forme d'un phénomène atmosphérique, d'autres fois après une disparition, où ses contemporains voient un voyage vers des régions inconnues. C'est ce souvenir d'avoir été visité par un dieu qui va mener, parallèlement aux premières explications du monde, à la recherche d'une connaissance de soi, de l'homme par l'homme, mais toujours sous le regard d'un dieu. Socrate en est l'exemple le plus célèbre, avec son génie. Cette exploration de l'homme par l'homme va connaître un succès d'une ampleur sans précédent, et conduire à la naissance du christianisme. L'homme est alors placé au centre du monde, il ne voit plus que lui-même partout où il étend ses regards, même dans la voûte céleste. Peu à peu, avec le retour à un examen approfondi du monde extérieur, il en viendra à douter de cette certitude, jusqu'à ne plus voir dans ce monde extérieur qu'un monde étranger, hostile et qu'il faut dominer pour y prospérer. On voit bien la différence si on compare avec l'Odyssée, par exemple, où il suffisait de bien choisir un endroit où la nature est abondante pour y trouver de quoi y vivre amplement. Quant à l'homme, placé auparavant au sommet de la création, il n'en est plus qu'un rebut, un cloaque, pour reprendre les mots choisis par Pascal, quand il était si beau et si fier chez Homère. Le monde ne lui dit plus rien, lui-même ne trouve en son for intérieur qu'ennui, lassitude, dégoût, là où Socrate y puisait la force du dieu, et le Christ la conviction de sa nature immortelle.
On pourrait dire : les dieux, une aventure pour rien. L'homme se retrouve comme à ses débuts, ayant simplement amélioré considérablement ses capacités techniques, mais en définitive, ne possédant aucune autre certitude sur lui-même et sur le monde que la possession de meilleures armes, de meilleures charrettes, des élevages plus nombreux, des plantes qui soignent mieux, et encore, en viendrait-il même à douter de la pérennité de ces possessions, avec les désastres écologiques annoncés.
Dernière édition par Liber le Dim 13 Fév 2011 - 16:52, édité 1 fois