Janus a écrit: Il est très facile d'avoir un aperçu assez précis sur le cursus et la pensée d'un auteur pour le cerner suffisamment, voir globalement de quoi cela relève, puis apprécier s'il vaut le détour.
Non c'est
trop facile, en témoignent vos erreurs.
En l'occurrence il est simplement dommage de passer à côté d'un des plus grands penseurs du 20ème Siècle parce qu'il "n'attire pas votre curiosité" ; et plus dommage encore de le faire passer pour ce qu'il n'est pas quand vous ignorez tout de ses écrits.
Il n'est pas un secret qu'il fut un marxiste s'étant par la suite démarqué du "matérialisme historique"... mais bon ce genre de traces est forcément indélébile.
Et alors ? Vous avez lu Marx ? Bien sûr que non. C'est fatiguant. Pour une critique de la théorie de l'histoire chez Marx - et ses aboutissements historiques, indissociables - vous pouvez consulter la première partie de l'ouvrage cité ci-haut (décidément inépuisable), où le "matérialisme historique" est récusé (cette critique ayant l'avantage d'être énoncée par quelqu'un qui a lu Marx).
De toute façon j'ai seulement commenté l'extrait que vous aviez vous-même choisi, et non jugé le personnage et l'ensemble de ses écrits.
Ce doit être une blague. C'est précisément ce que vous n'avez pas fait, puis ce que vous avez fait.
Spoiler :
Voyons :
Croyez-vous donc que l'on puisse qualifier de philosophique ce type de discours qui écarte d'emblée toute "considération rationnelle" et toute "loi naturelle" qui auraient pu présider à l'organisation des sociétés humaines, en ne retenant uniquement comme significatif que des motivations liées à la "production de la vie matérielle", aux "besoins portés par l'existence exclusivement" qualifiée de "biologique", etc. ?
Il est évident que le sens vous a complètement échappé : vous faites dire à Castoriadis exactement l'inverse de ce qu'il dit dans la citation ("ne retenant uniquement comme significatif que des motivations liées à la "production de la vie matérielle", aux "besoins portés par l'existence exclusivement "qualifiée de "biologique"). Comme vous n'êtes
a priori pas idiot, j'en conclu que n'avez tout simplement pas lu, ou en diagonale, persuadé de déjà savoir. Ce que semble bien indiquer la suite, ou vous faites ce que vous dites ne pas faire :
Le cadre est d'ailleurs déjà planté : il s'agit d'une optique correspondant à celle du "matérialisme historique"[...]
Eh bien non. Le reste se passe de commentaire ; jusqu'à, tout de même, l'extrait suivant qui n'est rien de moins qu'une falsification malhonnête :
ne pas s'étonner donc que l'auteur que vous citez soit conduit à s'avouer "absolument incapable de rendre compte aussi bien des variations que de l'évolution des formes de vie sociale"... incapable de les saisir dans toute leur réalité concrète (pour utiliser un vocabulaire hégélien). Vous en vouliez "un peu plus" ? j'espère avoir rempli ma "feuille de route" pour occuper votre fin de soirée.
Il faut reconnaître que vous avez du culot. Mais bon, n'espérez pas être pris au sérieux. Ce n'était qu'une citation de quelques lignes, un passage relativement facile d'accès qui plus est, et avant de vous lancer dans ce grand n'importe quoi vous n'avez pas jugé bon de la lire avec un minimum d'attention ? Quid de votre "bonne volonté constante" ? - pour donner des leçons, certes. Et vous avez tort sur un autre point : recopier les écrits d'un philosophe, aussi rebutant que ça paraisse, est un exercice éminemment productif pour la réflexion (car je n'édite pas seulement ces citations, je prends le temps de les rédiger, avec d'un côté le bouquin, de l'autre l'ordinateur). Je suis partisan d'un retour à cette méthode. Sélectionner quelques extraits décisifs (ce qui déjà est tout un art, que je ne maîtrise pas encore au vu de cet échange) et les faire recopier autant de fois que nécessaire pour que le contenu soit seulement compris - c'est un minimum avant de passer au "commentaire".
Enfin, pour revenir au sujet, nous sommes en plein dans l'axe anthropologique de la question avec cette dernière citation. L'imaginaire n'est pas une mince affaire. Et vous avez bien perçu la référence à Lacan ; il s'agit plus précisément chez ce dernier de l'articulation entre le réel, le symbolique et l'imaginaire (le fameux "nœud Boroméen" prisé des psychanalystes). Un chercheur qui devrait mieux vous plaire Janus (puisqu'il est juriste, en plus d'être historien, anthropologue et psychanalyste) se penche sur ce problème avec un certain succès : il s'agit de Pierre Yves Godard, qui s'intéresse aux différentes relations que peuvent entretenir les trois pôles selon le type de société, et notamment selon qu'elles possèdent l'écriture ou non. Car les observations qu'ont pu faire les ethnologues des phénomènes de mort subjective par exemple (dont un certain nombre est répertorié dans l'ouvrage
Sociologie et anthropologie de Marcel Mauss - cf. le chapitre "Effet physique chez l'individu de l'idée de mort suggérée par la collectivité"-) suggèrent que dans une société sans écriture, l'imagination possède une sorte de prépondérance (d'où mes réflexions précédentes relatives au fait que la "mise en ordre" du monde chez l'être humain ne se résume ni au perçu ni au rationnel - les lois naturelles). A tel point qu'un individu décédera des suites d'un enchantement ou de la transgression d'un tabou :
Marcel Mauss, [i]Sociologie et anthropologie[/i], pp. 319-320, PUF, 1950 a écrit: Austin, l'explorateur du district de Kimberley, en 1843, note l'étonnante vitalité des noirs et leur étonnante et mortelle faiblesse à l'idée qu'ils sont enchantés. Selon Froggitt, un naturaliste, "quand un noir sait que cela (l'ensorcellement) a été fait contre lui, il "waste away with fright", "il se consume de frayeur". Un auteur qui avait observé vers 1870 vit un homme qui avait déclaré qu'il mourrait un certain jour et qui à ce moment-là mourut "par pur pouvoir imaginaire". L'évangélisateur du nord de Victoria, le Révérend Bulmer est très affirmatif en général à propos de certaines tribus où il a vu de ces cas. Dans une des tribus du Queensland les moins touchées, l'évangéliste précise (est-ce une phrase de "sabir" anglo-australienne ? est-ce un fait ?) que, si on ne trouve pas de contre-charme, "le sang go bad (devient mauvais) et l'ensorcelé meurt".
On a remarqué des cas où l'individu meurt même en un temps déterminé. Dans d'autres assez rares qui échappent à la magie, mais relèvent tout de même du social et du religieux, quand il y a hantise par un mort, on en signale aussi. Le même Backhouse raconte comment mourut en deux jours un noir de Molonbah : il avait vu un "pâle" mort qui lui dit qu'il mourrait en ce temps.
Je pense qu'avant de chercher à comprendre la nature de la relation culture/nature, il va bien falloir "cerner", et forcément d'une manière oblique, la culture en tant que telle (dans toute sa "réalité concrète", du moins autant que faire se peut). Et bien se rendre compte que dès lors que nous pensons la "nature", sur le plan strictement logique c'est bien la "culture" qui précède et préside à notre analyse, jusqu'à preuve du contraire. Et je ne vois pas, pour le moment, comment surmonter cette difficulté - je conçois encore moins de l'ignorer. D'où l'importance de commencer par un travail historique en profondeur, ce qui ouvre déjà comme remarquait Dienekes un champ de recherche immense. Cela étant, il n'y aucune raison de se presser et ce sujet n'a pas vocation, à mes yeux du moins, à survoler la question mais plutôt à devenir, sur le long terme, un espace de mise en commun des différentes pistes suivies par ceux que le sujet intéresse - et qui, je préférerais, ne considèrent pas avoir résolu le problème avant même qu'il ait trouvé une formulation adéquate.