Kthun a écrit:Justement, non, aujourd'hui cet énoncé, pris au pied de la lettre, permet l'adoubement du relativisme en tant qu'idéologie or tout porte à croire que Pascal était ironique.
Qu’est-ce qui vous fait penser que Pascal est ironique concernant cette citation ? Il me semble au contraire qu’il était parfaitement sérieux comme le montre l’ensemble du fragment 94 (édition Sellier) qui se termine par le non moins célèbre :
Pascal, Pensées frag.94 a écrit:Il ne faut pas qu’il sente la vérité de l’usurpation. Elle a été introduite autrefois sans raison, elle est devenue raisonnable.
qui fait écho à :
Pascal, Pensées frag.135 a écrit:Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste.
Dans les Pensées, Pascal réalise un travail de déconstruction des théories du droit naturel qui passe par cette phase qui pourrait aboutir à un relativisme malsain.
Par contre, je suis bien d’accord avec vous sur le fait que citer ces quelques mots sortis de leur contexte n’en reste pas moins malhonnête. Pascal vise ici la justice et non la vérité au sens général. Au minimum, il faudrait citer les deux phrases :
Pascal, Pensées frag.94 a écrit:Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà.
Qui sont d’ailleurs issues de Montaigne :
Montaigne, Les Essais II.12 a écrit:Que nous dira donc en cette necessité la philosophie ? Que nous suyvons les loix de nostre pays ? c’est à dire cette mer flotante des opinions d’un peuple ou d’un Prince, qui me peindront la justice d’autant de couleurs et la reformeront en autant de visages qu’il y aura en eux de changemens de passion ? Je ne puis pas avoir le jugement si flexible. Quelle bonté est-ce que je voyois hyer en credit, et demain plus, et que le trajet d’une riviere faict crime ? Quelle verité que ces montaignes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au delà ?
Par contre, je ne connais pas la vision globale de Montaigne sur ce sujet.