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Corps et philosophie.

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3 participants

descriptionCorps et philosophie. - Page 4 EmptyRe: Corps et philosophie.

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Au fait, Zingaro, où en êtes-vous de vos investigations ?

descriptionCorps et philosophie. - Page 4 EmptyRe: Corps et philosophie.

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J’attends de pouvoir bien m’y consacrer car je n’ai plus assez de temps pour y réfléchir sérieusement et vraiment lire à ce propos.

J’ai néanmoins trouvé des choses intéressantes en psychanalyse, et notamment j’ai pu lire des observations cliniques du syndrome de Cotard (mélancolie aggravée : délires, négation d’organes, « fausses routes » récurrentes (la nourriture passe par les voies respiratoires), oublie de respirer, arythmie généralisée, sentiment d’être un (le) Tout – sans corps, sans trou, pur esprit – sentiment d’être immortel…, cela ne se "soigne" qu’à coups d’électrochocs qui, pour ainsi dire, réintroduisent la dimension corporelle du sujet, mais les effets ne durent pas, les délires reprennent rapidement). Les études cliniques ayant cet avantage de faire réfléchir à partir de l’anormal et aussi de braver l’esprit de système (puisqu’on est incapable de corriger ou d’éluder les mécanismes à l’œuvre sous ces symptômes, ça relativise l’interprétation qu’on peut en faire – ce qui à mon avis est un avantage des pratiques psychiatrique et psychanalytique).

Il y a également des choses intéressantes du côté de l’école Palo Alto et particulièrement dans les écrits de Milton H. Erickson, personnage pour le moins atypique, qui était psychiatre et faisait des recherches sur l’hypnose. D’ailleurs votre anecdote, Benfifi, me rappelle certaines notes d’Erickson (dans ses Collected papers) sur l’induction hypnotique par l’emploi de techniques dites idéomotrices : on fait faire aux sujets un mouvement simple et répétitif en leur suggérant d’en décomposer chaque sensation – par exemple porter une orange imaginaire de la table à leurs lèvres puis la reposer, et recommencer en se concentrant sur chaque micromouvement. Au bout d’un moment, chez certains sujets le mouvement s’autonomise : le bras continue de se lever et s’abaisser mais le sujet n’en a plus conscience. Dans d’autres cas, le bras s’arrête et "lévite" mais le sujet hallucine le mouvement et l’orange ! Dans d’autres encore, il n’y a pas de transe, tout au plus une relaxation est-elle induite. Par ailleurs, la transe est induite plus efficacement encore, lorsqu'on demande aux sujets d'imaginer qu'ils font cet exercice. Bref, ces observations en réaction à :
Je me rappelle la bizarrerie que je ressentais à l'égard de ma main, comme si cet organe était devenu un alien.

A l’école il m’arrivait régulièrement d’écrire en suivant une dictée sans plus du tout écouter ce que disait le professeur ni même être conscient du fait que j’écrivais (en général juste après manger ; pourtant les notes étaient prises et je reste persuadé qu’elles étaient fidèles à l’énoncé. Je réfléchis encore à votre conclusion.

Voilà globalement, pour répondre à votre question Euterpe.

descriptionCorps et philosophie. - Page 4 EmptyRe: Corps et philosophie

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D'abord une question par curiosité: y a-t-il opposition entre les deux citations suivantes ?
Euterpe le Jeu 13 Fév - 17:37 (les treize premières lignes tout au moins)
Du « génie de l’espèce ». — Le problème de la cons­cience (ou plus exactement : de la conscience de soi) ne se présente à nous que lorsque nous commençons à compren­dre en quelle mesurenous pourrions nous passer de la conscience : la physiologie et la zoologie nous placent maintenant au début de cette compréhension (il a donc fallu deux siècles pour rattraper la précoce défiance de Leibniz). Car nous pourrions penser, sentir, vouloir, nous souvenir, nous pourrions également agir dans toutes les acceptions du mot, sans qu’il soit nécessaire que nous « ayons conscience » de tout cela. [...]. En admettant que cette observation soit juste, je puis continuer par cette supposition que la conscience s’est seulement développée sous la pression du besoin de communication, que, de prime abord, elle ne fut néces­saire et utile que dans les rapports d’homme à homme (surtout dans les rapports entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent) et qu’elle ne s’est développée qu’en regard de son degré d’utilité. La conscience n’est en somme qu’un réseau de communications d’homme à homme, — ce n’est que comme telle qu’elle a été forcée de se développer : l’homme solitaire et bête de proie aurait pu s’en passer. Le fait que nos actes, nos pensées, nos sentiments, nos mouvements parviennent à notre cons­cience — du moins en partie — est la conséquence d’une terrible nécessité qui a longtemps dominé l’homme : étant l’animal qui courait le plus de dangers, il avait besoin d’aide et de protection, il avait besoin de ses semblables, il était forcé de savoir exprimer sa détresse, de savoir se rendre intelligible — et pour tout cela il lui fallait d’abord la « conscience », il lui fallait « savoir » lui-même ce qui lui manque, « savoir » quelle est sa disposition d’esprit, « savoir » ce qu’il pense. Car, je le répète, l’homme comme tout être vivant pense sans cesse, mais ne le sait pas ; la pensée qui devient consciente n’en est que la plus petite partie, disons : la partie la plus mauvaise et la plus superficielle ; — car c’est cette pensée consciente seule­ment qui s’effectue en paroles, c’est-à-dire en signes de communication, par quoi l’origine même de la conscience se révèle. En un mot, le développement du langage et le développement de la conscience (non de la raison, mais seulement de la raison qui devient consciente d’elle-même) se donnent la main. [...]. — Mon idée est, on le voit, que la conscience ne fait pas proprement partie de l’existence individuelle de l’homme, mais plutôt de ce qui appartient chez lui à la nature de la communauté et du troupeau ; que, par conséquent, la conscience n’est développée d’une façon subtile que par rapport à son utilité pour la communauté et le troupeau, donc que chacun de nous, malgré son désir de se comprendre soi-même aussi individuellement que possible, malgré son désir « de se connaître soi-même », ne prendra toujours conscience que de ce qu’il y a de non-individuel chez lui, de ce qui est « moyen » en lui, — que notre pensée elle-même est sans cesse majorée en quelque sorte par le caractère propre de la conscience, par le « génie de l’espèce » qui la commande — et retranscrit dans la perspective du troupeau.

Friedrich NIETZSCHE, Le Gai Savoir, 5ème livre, § 354.

et...
http://www.forumdephilosophie.com/t1577p195-qu-est-ce-qu-Être-liberal-concretement
Euterpe le Sam 15 Fév - 21:10
Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et que par suite nous les marquons de la forme externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la plus haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée. Mesmer en fit l'essai, et, de son propre aveu, il en faillit perdre la raison. Et il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'est l'ineffable. Mais c'est là une opinion superficielle et sans fondement : car en réalité l'ineffable c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot. Ainsi, le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. Sans doute on peut se perdre dans un flux de mots sans saisir la chose. Mais la faute en est à la pensée imparfaite, indéterminée et vide, elle n'en est pas au mot. Si la vraie pensée est la chose même, le mot l'est aussi lorsqu'il est employé par la vraie pensée. Par conséquent, l'intelligence, en se remplissant de mots, se remplit aussi de la nature des choses.

Hegel, Philosophie de l'esprit, § 462.


Revenant au sujet proprement dit je ne pense pas que la volonté dont parle Nietzsche réponde au critère d'incertitude dont je qualifie la mienne :
benfifi a écrit:
Je définirais cette volonté comme une mobilisation de tout mon être pour vaincre la difficulté, sans aucune assurance (persistance du tracas).

Comme je l'ai dit je cherche (pensées), je teste mais sans succès. D'où la persistance du tracas. Il ne s'agit pas de ceci :
Soyons donc circonspects, soyons « non-philosophes », disons que dans tout vouloir il y a, avant tout, une multiplicité de sensations qu’il faut décomposer : la sensation du point de départ de la volonté, la sensation de l’aboutissant, la sensation du « va-et-vient » entre ces deux états ; et ensuite une sensation musculaire concomitante qui, sans que nous mettions en mouvement « bras et jambes », entre en jeu dès que nous « voulons ».

Friedrich NIETZSCHE, Par delà le bien et le mal, Chapitre I, Les préjugés des philosophes, § 19.

Je pense que ce caractère d'incertitude existe lors de chaque apprentissage. Au départ il est total. Pour cent tentatives autant d'échecs. Puis vient un premier essai qui sort du lot. Après un certain temps un deuxième. La réussite émerge. De plus en plus vite. Jusqu'à devenir totale. Pour cent tentatives autant de réussites. Je pense que la volonté est proportionnelle à l'échec, à l'incertitude. Au début elle est totale. A la fin elle n'est plus. Aujourd'hui je sais marcher. Plus d'incertitude. Plus de volonté mise en œuvre pour marcher. Il me suffit de commander.
En troisième lieu, la volonté n’est pas seulement un complexus de sensations et de pensées, mais encore un penchant, un penchant au commandement. Ce que l’on appelle « libre arbitre » est essentiellement la conscience de la supériorité vis-à-vis de celui qui doit obéir. « Je suis libre, il doit obéir » — ce sentiment est caché dans toute manifestation de la volonté, de même cette tension de l’esprit, ce regard direct qui fixe exclusivement un objet, l’évaluation absolue de la nécessité de faire telle chose « et non point telle autre », la certitude intime qu’il sera obéi au commandement, quels que soient les sentiments propres à celui qui commande. Un homme qui veut ordonne quelque chose à son être intime, lequel obéit, ou est du moins imaginé obéissant.

Friedrich NIETZSCHE, Par delà le bien et le mal, Chapitre I, Les préjugés des philosophes, § 19.

La volonté ne se situe pas dans le commandement d'un acte si l'obéissance est certaine. Elle se situe au delà au niveau d'un objectif à atteindre sans aucune assurance dont l'acte commandé avec certitude ne représente qu'un moyen hypothétique d'atteindre. Par exemple l'acte de marcher pour sortir d'un labyrinthe.

Voici une autre expérience corporelle.
Je passe beaucoup de temps à travailler un geste. J'en ai analysé les différentes phases. Une difficulté apparaît lors de l'enchaînement. En contrôlant la bonne exécution de chaque phase je perds le rythme du geste. Et si je fais le geste complet dans le rythme je suis incapable de contrôler chaque phase. J'ai réussi à résoudre ce problème en m'inspirant d'une technique utilisée pour aider les personnes souffrant de bégaiement consistant à les faire chanter leur propos. J'ai façonné une série de monosyllabes (d'inspiration chinoise) représentant le geste. Et ça marche. Quand j'exécute le geste en disant en moi-même la formule j'allie le rythme global et le contrôle des phases successives.

Cette expérience m'inspire les conclusions suivantes:
La formule agit comme un paravent. Elle masque le contrôle pensé, les mots associés au contrôle. La formule masque le langage. Bien sûr on peut me rétorquer que j'ai substitué le chinois au français. Sauf que ce n'est pas du chinois. La formule n'a aucun sens, si ce n'est d'épouser le geste. De plus je suis seul à détenir cette formule. Et cette formule est unique, isolée. Imagine t-on un langage constitué d'un seul mot ? Parlé par une seule personne ?
Plus généralement je me demande si l'apprentissage des gestes n'est pas freinée par... le langage ? J'imagine une expérience où deux bébés jumeaux n'apprennent pas à marcher et dont l'un est isolé de tout langage articulé. Au bout de six ans on leur apprend à marcher. Lequel réussirait avant l'autre ?

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benfifi a écrit:
y a-t-il opposition entre les deux citations suivantes ?

Non. Hegel se contente de dévaloriser la pensée obscure, en fermentation, etc. Lui comme Nietzsche admettent une pensée de dessous.

benfifi a écrit:
Revenant au sujet proprement dit je ne pense pas que la volonté dont parle Nietzsche réponde au critère d'incertitude dont je qualifie la mienne

Nietzsche ne tombe sur aucune certitude. La décomposition à laquelle il se livre s'arrête en raison de l'impossibilité même où nous sommes de pouvoir descendre plus profond. Non seulement l'incertitude demeure, mais elle est décuplée.

benfifi a écrit:
La volonté ne se situe pas dans le commandement d'un acte si l'obéissance est certaine. Elle se situe au delà au niveau d'un objectif à atteindre sans aucune assurance dont l'acte commandé avec certitude ne représente qu'un moyen hypothétique de l'atteindre. Par exemple l'acte de marcher pour sortir d'un labyrinthe.

Dans ce cas, rien ne distingue ce que vous appeliez "volonté" de ce qu'on appelle un "projet", éventuellement un idéal. Or, la volonté consiste aussi, et peut-être surtout, dans la mobilisation, dans la mise en œuvre des moyens nécessaires, ou jugés tels, pour atteindre un objectif. Marcher, dans votre exemple, c'est déjà mobiliser sa volonté. Vous devriez lire Idées et croyances d'Ortega y Gasset. Vous quittez votre travail, vous rentrez chez vous. A aucun moment vous ne vous demandez où vous habitez, ni où sont les clés de votre domicile, etc. A aucun moment, dans la journée, vous ne vous demandez si, en marchant, un pas après l'autre, vos pieds toucheront le sol, plutôt que du vide. Même ce qu'on a automatisé, même ce à quoi on ne pense plus, prouve qu'on y pense tout le temps. Nous vivons tous les jours en comptant sur (pensée) des dizaines, des centaines de choses (on s'attend à : on les attend, etc.). C'est précisément parce qu'on n'y pense pas, qu'on dispose de la preuve qu'on y pense. C'est la couche de la pensée qu'Ortega nomme nos croyances, pour les distinguer de nos idées. Impossible de se débarrasser de ses croyances. Ce n'est pas le cas avec les idées. Or, pour les cas que vous nous soumettez, je trouve que vous intellectualisez à l'excès. On pourrait même parler de dyspraxie. Dans ce cas, que reste-t-il de philosophique, dans vos interrogations présentes ?
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