Silentio a écrit:Existe-t-il des analyses philosophiques ou psychanalytiques de la saga Alien ?
Cette fois-ci je cherche des réflexions sur Jurassic Park. Non seulement c'était un pur bonheur de le revoir au cinéma, augmenté par la 3D, mais ce fut l'occasion de bon nombre de pensées sur des enjeux actuels : l'évolution, la responsabilité éthique, le clonage, le rôle de la science, la société du spectacle*, etc.
*On se demande pourquoi Grant et Malcom (deux types du savant, l'un regardant le passé, grand enfant qui ne sait pas y faire avec les autres de son temps, l'autre génie cynique et moderne, Narcisse qui, bien qu'il parle comme Noam Chomsky, sortira de son autisme de mathématicien pour bientôt, dans un second épisode, devenir un adulte responsable, auxquels on peut associer Hammond, Dieu le père : 3 types de joueurs ; ajoutons à cela, peut-être, un 4ème savant, le technicien Nedry) mettent autant de temps à réagir à l'attaque du T-Rex. Certes, il y a la peur. Mais il y a aussi le fait que l'homme, dorénavant, vit dans un monde automatisé. Il fait confiance à la technologie, elle le protège du réel. Or le réel ressurgit lorsque le T-Rex, apparition extraordinaire venue d'un âge oublié, a non seulement franchi la clôture, mais brise le plexiglass du véhicule où se trouvent les enfants (qui incarnent notre condition d'homme moderne). Nous étions purs spectateurs, le monde était un grand spectacle, un grand parc d'attraction. Mais voilà que tout nous échappe, pensons d'ailleurs à la loi du chaos dont parle Malcom et qui est illustrée ici (les comportements sont imprévisibles, et c'est une folie que de croire que nous pouvons jouer à Dieu, la créature se retourne contre son créateur). Or tout déraille. Et les spectateurs mettent du temps à se rendre compte que les choses sont réelles, elles arrivent, et qu'il faut faire quelque chose, sortir de son confort, de sa paresse, de sa passivité. N'est-ce pas ce que nous inciterait à faire le film ? Car en réalité, si Hammond et Spielberg veulent nous montrer du concret pour nous faire rêver, est-ce que les dinosaures ne sont pas là pour masquer ce qui imprègne de part en part le film ? Sous le spectacle, il y a des questions de société : et c'est lorsque l'on brise l'écran, notre plexiglass, que nous pouvons rencontrer notre réalité (car bien souvent les films d'anticipation et de science fiction en disent plus sur leur temps que sur le futur). Que nous raconte le film ? Toujours la même histoire que nous ne voulons pas entendre, celle de Prométhée, de Frankenstein, etc. Mais le film est plein d'espoir, en témoigne cette transition à la fin lorsque l'on passe du raptor recouvert de lignes de code génétique au vol des oiseaux qui étendent leurs ailes, puis à l'homme, enfin réconcilié avec ses enfants, lui-même devenu adulte, responsable, ayant par ailleurs détruit les illusions de toute-puissance du grand-père plein d'argent ; de l'homme à l'hélicoptère, volant comme les oiseaux vers l'horizon illuminé par le soleil. L'homme était donc libre, libre de créer du monstrueux, mais peut-être peut-il enfin prendre conscience de sa situation et s'efforcer d'y remédier tant que faire se peut. Par où commencer ? Peut-être en comprenant que si l'homme est au sommet de l'évolution ce n'est pas par l'égoïsme ou par la technique, et bien plus par l'entraide (qui est d'ailleurs la marque des êtres intelligents puisque les raptors en font preuve, mais ils ne sont pas les seuls à vivre en groupe, et pourtant des prédateurs redoutables - bien plus que le T-Rex). Contre le capitalisme, notre jungle moderne, "la vie trouve son chemin" - par le regard critique porté sur l'œuvre du grand Spielberg. Il nous confronte à notre "autre", mais c'est à nous-mêmes qu'il nous confronte ! L'ennemi n'est pas le dinosaure, qui n'a rien demandé, qui n'est pas méchant en soi, c'est le "système technicien" qui s'effondre sous son propre poids, par ce qu'il a créé, et qui détruit l'environnement que l'homme s'était construit pour se mettre à distance de la nature, du monde.