Kikool42 a écrit: Et s'il y avait un réel devoir d'existence ? Celui de respecter les lois darwiniennes : survivre, s'adapter, évoluer, perdurer, et contribuer à qui ou quoi que ce soit quels que soit la façon et l'intérêt. Pourquoi autant de pessimisme envers l'Homme ? Nous sommes ce que nous sommes et il faut l'assumer et le vivre comme ça s'est fait et comme ça se fera. L'Homme existe et il doit "vivre avec" (et vivre avec son temps aussi ). Par contre je reconnais que sept milliards c'est beaucoup trop.
A propos du "réel devoir d'existence" que vous mentionnez, et qui, tel que vous en parlez, me rend dubitatif... Il faudrait lui donner du contenu. J'ai le sentiment que tout ce qu'on pourrait énoncer en terme de "devoir d'être" à partir de Darwin relève de l'écologie politique et des problèmes que la philosophie pourrait soulever en matière d'écologie. Darwin ne nous apprend-il pas que nous sommes "en haut" de la chaîne alimentaire ? A partir de là, de cette position de
l'homme dans la nature, ne nous faut-il pas considérer qu'il nous faut créer de nouvelles valeurs ? Plutôt que de croire à un "réel devoir d'existence", ne devons-nous pas faire advenir une nouvelle éthique future qui partirait des enjeux écologiques (puis politiques et sociaux) qui sont ceux de notre époque ?
Partons donc de ce point. L'homme est le genre de tous les animaux. En effet, tandis que le genre des animaux est seulement "pensé", le genre de l'homme est essentiellement pratique, substantiel, il est chose en soi. C'est le genre de la réflexion, de la conscience de soi : tant que l'homme est, la matière a conscience d'elle-même. L'homme est le genre qui n'a pas besoin d'être pensé pour exister. Il existe sans que l'on s'occupe de lui. L'aliénation théiste a précisément voulu donner un contenu substantiel à ce "on" : c'est Dieu pardi ! Le " Dieu - Objet " de la critique du théisme chez Feuerbach. Ce dernier montre précisément que la primitive conscience de soi de l'homme est "religieuse", si ce n'est qu'elle baigne aussi dans le "théisme". Le théisme est un fondationnalisme substantialiste. C'est précisément en cela qu'il est aliénation (notamment au sens où Marx l'entendait). Le genre humain est objectivement le seul genre concret. C'est trop peu dire que le genre humain est le genre de tous les animaux parce qu'il est le genre de la réflexion : il est le genre de tous les genres possibles.Frege l'exprimait déjà (tout ce qui n'est pas fonction est objet) : les totalités pensées ne consistent pas dans les objets qui tombent sous le concept mais consistent dans le concept. Le genre de l'homme n'a pas besoin d'être pensé pour exister, et l'histoire nous le montre bien... Hegel énoncerait la chose ainsi : tous les hommes est un monde et ce monde est monde parce qu’il contient sa propre image comme négatif. Bref le genre de l'homme n'est pas une "notion" mais une "chose" : l'absolu et l'infini "sont" ; et le fini "peut-être" (doit passer dans son contraire) : seul existe le Tout. Marx, quand il était encore hégélien, énonçait que "l'homme, c'est le monde de l'homme" comme vous le savez si bien sans doute.Partant de là, il ne s'agirait donc pas de "chercher" un "réel devoir" mais de tirer de nouvelles valeurs pour une éthique future à partir des principes du monde, c'est-à-dire les enjeux écologiques actuels.Philosophie, sociologie, agronomie, écologie, voilà les disciplines les plus importantes pour cette éthique future : car l'agronomie nous apprend que la rationalité scientifique (le cadavre de Dieu disait Nietzsche...) détruit les sols, empêche les éco-systèmes de se renouveler normalement : le problème, c'est l'agro-industrie et le commerce dominant. De nouvelles normes pourraient donc se dessiner à partir de là. Nous sommes "en haut de la chaîne alimentaire" et "le genre de la réflexion", et il n'est que dans notre intérêt de protéger le seul endroit que nous avons pour vivre, le protéger de nous-mêmes.La société n'est-elle pas dans la nature ? Peut-être. Mais il faut prendre garde à une chose : dire que la société est "dans" la nature, c'est entendre que la "nature" est un "contenant" et la "société" son "contenu". C'est donc conserver la position anthropocentriste : il faut le savoir. Marx nous apprend que l'homme se produit lui-même comme homme. Le rapport de l'homme à la nature est donc le résultat du rapport de l'homme à lui-même. Créer de nouvelles valeurs ? Oui ! En surveillant ce résultat ! Les enjeux écologiques sont distincts mais liés aux enjeux socio-politiques de la société mondiale que nous connaissons.