Desassossego a écrit:Certes, mais Saint Augustin n'écrit pas ses Confessions pour parler de lui, pour raconter son histoire, mais plutôt pour raconter l'histoire de sa rencontre avec Dieu, non ? Ainsi, bien qu'il assume un "je" comme vous le dites justement, son "je" n'est pas fermé sur lui-même, mais ouvert et porté vers Dieu. Ma lecture Saint Augustin date d'il y a fort longtemps, ce que je dis ici n'est donc peut-être pas tout à fait juste, n'hésitez pas à me corriger !
Oui, c'est parfaitement juste, c'est pour cela que je précisais que le qualificatif d'autobiographie était refusé aux Confessions, du fait entre autres de la structure dialogique omniprésente, où le "Je" de Saint-Augustin semble absorbé par la présence de Dieu. Mais cette structure dialogique est assez originale, en ce que Saint-Augustin ne s'adresse pas à un autre homme, mais précisément à Dieu, or le sujet chrétien est créature de Dieu, donc cela reste dans le cadre d'un dialogue intérieur, d'une introspection. C'est la difficulté que soulève Saint-Augustin au chapitre II : pourquoi invoquer Dieu, comme s'il m'était extérieur, alors que Dieu est partout et en moi ? "Je n'existerais donc point, mon Dieu, je n'existerais point du tout, si vous n'étiez en moi." Dieu est constitutif du sujet chrétien, c'est parce qu'il est à l'image de Dieu (infini de sa volonté) que l'homme est sujet, qu'il est pourvu du libre-arbitre, et qu'il est donc potentiellement exposé au mal et amené à répondre de ce mal. Or ce Dieu auquel Saint-Augustin s'adresse, puisqu'il est omniscient, et en lui, connaît déjà cette histoire, voilà pourquoi j'émettais l'hypothèse que Saint-Augustin à travers l'acte de se raconter s'approprie cette histoire comme sienne, en tant que sujet, moins qu'il ne la révèle à Dieu. Confesser ses péchés, ce n'est pas tant raconter à Dieu ce qu'il sait déjà, que reconnaître que les péchés qu'il raconte sont siens, en tant qu'il est sujet doté d'un libre-arbitre. C'est un acte d'assomption par l'écriture. Ce n'est pas l'histoire d'une conversion que raconte Saint-Augustin, mais celle de sa conversion. Donc le sujet qui s'élabore chez Saint-Augustin est nécessairement ouvert vers Dieu (du fait de la structure spécifique du sujet chrétien, image de Dieu), il n'en est pas moins sujet.