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Y a-t-il une subjectivité ?

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Euterpe
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descriptionY a-t-il une subjectivité ? - Page 6 EmptyRe: Y a-t-il une subjectivité ?

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vif a écrit:
Mais n’est-ce pas qu’un phénomène d’apparence, une sorte d’effet de mode, et non un réel tournant ? une évolution et non une révolution ?
Ce tournant est réel, c'est un fait. Et on ne peut faire qu'un fait n'ait pas eu lieu. Il suffit de lire l'histoire. C'est à la lumière de certains romantiques seulement qu'on a réinterprété l'histoire de la littérature en général et de la poésie en particulier (i. e. théâtre et poésie) comme étant tout à la fois classique (raison) et romantique (passion) — je simplifie quelque peu (lire par ailleurs, si vous en avez envie, ce fil de discussion).

vif a écrit:
Et cette raison, n’est-ce pas elle seule à travers l’être, et non l’être lui-même, qui peut prétendre à la sincérité, c'est-à-dire à une forme et un contenu ayant à voir avec l’approche d’une pureté et d’une vérité ?
La raison est intellect pur ; la sincérité est intellectualisation de l'affect (ça lui donne l'accent de la vérité, mais le but n'est pas exactement de dire le vrai, plutôt de jouer au jeu très risqué de la transparence, toujours près de faire tomber dans l'inauthentique).

Pour le reste, vous oubliez l'émergence de la subjectivité, pas encore comme une catégorie de la psychologie (la chose est plus tardive), mais comme racine, condition de possibilité de la psychologie. Pas de déchaînement des passions au XVIIIe, pas de psychologie possible au XIXe. Lisez les auteurs romains passionnés, vous verrez immédiatement la différence avec les romantiques des XVIIIe et XIXe siècles.

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Euterpe a écrit:
C'est à la lumière de certains romantiques seulement qu'on a réinterprété l'histoire de la littérature en général et de la poésie en particulier (i. e. théâtre et poésie) comme étant tout à la fois classique (raison) et romantique (passion)

Avant eux, on disputait sur la différence entre "anciens" et "modernes". C'est d'ailleurs comme cela que Shakespeare a commencé à s'imposer en France, sous la plume de Voltaire. Stendhal raisonnait encore sur ce mode, et même Baudelaire (cf. la modernité). J'ajoute que les Grecs et les Romains ne se pensaient pas "modernes". Les contemporains se distinguaient du passé en référence à l'archaïsme (avec un sens laudatif, nullement péjoratif) de leurs descendants. Ils avaient une forte croyance dans la généalogie, sentiment qui s'est complètement dissous dans le cosmopolitisme européen.

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Ce fil de discussion est très intéressant, cela me donne envie de lire Clément Rosset, pour mieux comprendre votre perspective Euterpe, notamment sur le réel et la singularité.
Euterpe a écrit:
Kthun a écrit:
Euterpe, pourquoi aviez-vous dit, il y a fort longtemps, me semble-t-il, sur un autre forum, que l'existence de l'idée de subjectivité dans l'histoire de la pensée commençait à partir de la parution des Confessions de Rousseau ? Qu'entendiez-vous exactement par là ? N'existait-elle pas avant ? Avez-vous des références ?
Parce que c'est une autobiographie, on pourrait même dire une autographie (comme on parlerait d'une pathographie). Ce n'est pas l'histoire d'un homme (une gesta) mais, à travers des épisodes anecdotiques de sa propre existence, l'analyse d'événements intérieurs. La raison entre dans la sensibilité. La subjectivité cartésienne est toute intellectuelle, c'est un sujet de raison uniquement. C'est au XVIIIe que, progressivement, on se met à parler de plus en plus de la sensibilité, et même le terme de passion, cet autre de la raison, prend un sens nouveau. La passion n'est plus envisagée seulement dans la perspective de la liberté par exemple, mais dans celle des mobiles de l'action, des mobiles qui poussent à entreprendre ceci ou cela, et plutôt les plaisirs qu'autre chose. La sensation, la sensibilité, le sentiment deviennent de plus en plus "légitimes", parce qu'en se libérant, en se banalisant, ils s'intellectualisent, et la langue française, qui est encore une langue de la raison faite pour la raison, à cette époque, n'a plus qu'à s'en saisir.

En instituant la sincérité, les hommes du XVIIIe siècle se précipitaient dans un effet d'entraînement. Plus on est sincère, plus on doit le prouver, le montrer, s'expliquer, entrer dans le détail, enregistrer la moindre des variations de la sensibilité. C'était le creuset de la psychologie. Le monde risque alors de n'être plus que la somme des événements de notre intériorité ; c'est la porte ouverte au scepticisme, au relativisme, à l'égalité aussi : qu'est-ce qui distingue, ontologiquement, sociologiquement, la sensibilité d'un bourgeois cultivé et d'un aristocrate, les deux étant maîtres d'une même langue, d'une langue devenue vraiment commune ? Plus rien. C'est ainsi qu'on faisait, aussi, le lit de la Révolution.

Pour les références, je n'en ai aucune de précise en tête. Le corpus littéraire constitue une masse documentaire conséquente. La philosophie de Condillac aussi.

Ne peut-on pas penser quelque chose comme un sujet, déjà chez Saint-Augustin, dans ses Confessions ? L'introspection à laquelle il se livre dans cet ouvrage (même si on lui refuse le qualificatif d'autobiographie) me semble présupposer l'idée de sujet, de même que son analyse du temps, à travers l'idée d'une subjectivité qui constitue les trois instances temporelles (passé, présent, futur) sur un mode représentatif (attente, attention, mémoire). Avec le christianisme et l'individualisation par le péché, il me semble déjà y avoir l'apparition d'un sujet qui répond en propre de son existence devant Dieu, puisque pour que l'homme réponde de ses péchés, il faut déjà l'enchaîner à son identité, en faire un sujet. Par ailleurs, dans les Confessions, on a une parole assumée en première personne par un sujet qui raconte son histoire devant un être qui est considéré comme éternel et omniscient, et qui donc est déjà supposé connaître cette histoire. Les Confessions sont donc peut-être moins un dialogue de Saint-Augustin à Dieu, qu'un dialogue de Saint-Augustin à Saint-Augustin, et la confession ne serait donc pas vraiment un acte de révélation (à Dieu), mais plutôt un acte d'assomption de la conscience à elle-même par l'écriture introspective, une manière de s'approprier son histoire comme sienne, donc de s'affirmer comme sujet.

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Il y a en effet un cogito avant l'heure chez lui.

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Certes, mais Saint Augustin n'écrit pas ses Confessions pour parler de lui, pour raconter son histoire, mais plutôt pour raconter l'histoire de sa rencontre avec Dieu, non ? Ainsi, bien qu'il assume un "je" comme vous le dites justement, son "je" n'est pas fermé sur lui-même, mais ouvert et porté vers Dieu. Ma lecture Saint Augustin date d'il y a fort longtemps, ce que je dis ici n'est donc peut-être pas tout à fait juste, n'hésitez pas à me corriger !
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