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Ce dont on ne peut parler, il faut le taire.

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Il s'agit d'une question dont je cherche la réponse, bien qu'elle n'existe sans doute pas. Je ne cherche pas à discuter des définitions ci-après (qui ne se veulent pas intelligibles) qui introduisent la question, mais à y répondre.
 
Définitions
 
L'intelligible est la finalité d'une chose universelle (un mot). C'est ce qui peut être dit.
 
"La finalité de la vie est la mort" est une proposition intelligible. Pour ceux qui n'aime pas la notion de finalité, nous pouvons dire que c'est une relation de cause à effet, "la vie est la période entre la naissance (la cause) et la mort (l'effet)" ou encore un mouvement défini par un avant (la cause) et un après (l'effet).
 
L’inintelligible est alors le particulier. Lorsque je dis "Ludwig Wittgenstein est mort", ce n'est donc pas intelligible. La raison est que nous pouvons encore en parler ou le lire, mais nous ne pouvons plus dire qu'il est caractérisé par la vie.
 
Lorsque nous parlons de choses universelles, en dehors de leur finalité, nous les rendons particulières. Ainsi, les biologistes qui parlent de la vie, en disant la vie est ceci ou cela, disent des choses inintelligibles. Par ailleurs, la vie n'est qu'humaine car sa finalité n'est qu'humaine. Lorsque nous disons qu'un chat est vivant, il n’est vivant que pour l'homme, pour celui qui le dit, pas pour le chat.
 
Le compréhensible est ce qui peut être compris par quelqu’un.
 
Comme ce n’est pas l’intelligible, nous ne pouvons comprendre quelqu’un que si nous partageons un même jeu de langage, que nous savons dire les mêmes choses. Ce que disent les biologistes est ainsi compréhensible par les biologistes, ce que disent les philosophes par les philosophes…
 
Une chose matérielle est une chose que nous pouvons sentir, directement ou indirectement (au travers d'outils inventés par l'homme). Une chose immatérielle est une chose qui n'est pas matérielle, comme la matière (ce n’est qu’un mot).
 
Lorsque nous disons cette chose est matérielle, nous ne parlons pas de la chose elle-même, mais de ce que nous pouvons en sentir. La matière n'est qu'une caractéristique de la chose, de la même façon que la vie n'était qu'une caractéristique de Ludwig Wittgenstein tant qu'il était vivant.
 
Paradoxe

Nous comprenons l’inintelligible, lorsque c’est notre jeu de langage. Nous pourrions avoir l’illusion de résoudre des problèmes philosophiques lorsque nous sommes compris par ceux qui ont le même jeu de langage, tout en parlant de ce qui doit être tu, de choses inintelligibles. Par ailleurs, l’intelligible forme un monde fermé puisqu’il nous empêche de parler du particulier. Dit autrement, nous ne pourrions résoudre aucun problème philosophique, psychologique ou encore sociologique, qui concernerait l’homme, en tant qu’être particulier. Les paléontologues ne trouveront pas plus l’origine de l’homme en recherchant un chaînon manquant qui est le particulier. Enfin, l’intelligence, la volonté, l’esprit, le corps, la conscience, l’entendement… toutes choses universelles, ne se trouvent pas dans le matériel, nous ne les trouverons nulle part dans le cerveau humain, pas plus que la société ou la culture ou des pensées.
 
Ce qui est intelligible est immatériel, comme les choses universelles qui permettent de le définir. Lorsque nous cherchons la relation entre le corps et l’esprit, nous ne cherchons pas des liens entre des choses immatérielles, le corps et l’esprit, mais entre une chose immatérielle, l’esprit, et une chose matérielle que nous assimilons au corps, dont nous ne pouvons pas parler, car elle n’existe pas. Ce n’est pas cette chose qui existe, mais celle immatérielle qui nous permet d’en parler, nous ne faisons que la caractériser. Pour en parler, nous devons rendre intelligible, l’inintelligible. Nous pourrions le faire mais ce serait alors une chose qui n’aurait pas de finalité, pas de mouvement et par là-même pas d’existence qui ne serait ni matérielle, ni immatérielle. Elle serait donc inintelligible. Le problème est que cette chose peut être l’être humain qui est caractérisé par un corps et un esprit. Mais plus généralement, ce sont toutes les choses avec lesquelles il interagit, toutes celles que nous qualifions de matérielles.
 
Question
 
Peut-on (ou comment) parler des choses matérielles ?

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Bonjour.

Sauf lorsque vous dites "nous comprenons l’inintelligible, lorsque c’est notre jeu de langage. Nous pourrions avoir l’illusion de résoudre des problèmes philosophiques lorsque nous sommes compris par ceux qui ont le même jeu de langage, tout en parlant de ce qui doit être tu, de choses inintelligibles" (et encore, ce que nous comprenons, en l'occurrence, n'est pas l'"inintelligible" mais l'indicible, das Unsagbare, das Unaussprechlich), je ne saisis pas le lien que vous faites entre ce que vous écrivez et Wittgenstein. Notamment, j'en vois mal le rapport avec la dernière proposition du Tractatus : contrairement à vous, ce qui pose problème à Wittgenstein, ce n'est justement pas la description des "choses matérielles", ce n'est pas comment elles sont (pour ça, il y a les sciences de la nature, nous dit-il) mais ce qu'elles sont, bref, ce n'est pas la physique mais la métaphysique. Dit d'une autre manière encore, ce n'est pas parler des choses matérielles qui lui semble impossible mais bel et bien parler des choses immatérielles. C'est pourquoi la prétention métaphysicienne à décrire des soi-disant "faits immatériels" lui semble condamnée au non-sens (Unsinnigkeit). Et de conclure le Tractatus en disant que sur ce que l'on ne peut décrire en termes de matérialité physique, il est préférable de garder une certaine retenue. "Se taire" (traduction Klossowski), en français, n'est pas satisfaisant : "garder le silence" (traduction Granger) est préférable. En Tractatus 7, Wittgenstein emploie le verbe schweigen qui dérive du substantif das Schweigen, autrement dit le silence au sens où nous parlons, en français, du "silence d'un texte" pour indiquer un flou, une ambiguïté, une imprécision dans ce texte (le silence, au sens strict se dit die Stille). D'ailleurs, pour Wittgenstein, l'incapacité à dire ce que sont les choses ne nous réduit pas pour autant au mutisme puisque, ajoute-t-il, ce qui ne saurait être décrit peut toujours être montré dans et par l'usage que nous faisons du langage, à commencer par le langage de l'éthique ou de l'esthétique, mais aussi par et dans le langage de la logique et même, pourquoi pas, celui de la métaphysique à condition de ne pas être dupe de ce que l'on fait lorsqu'on utilise le langage dans de telles conditions.

PhiPhilo.

PS : par ailleurs, je ne comprends pas si vous employez l'adjectif "intelligible" dans le sens banal de "compréhensible" ou dans le sens platonicien de "supra-sensible" (topos noètos, par opposition au topos horatos, le monde sensible).

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Je ne comprends pas si vous employez l'adjectif "intelligible" dans le sens banal de "compréhensible" ou dans le sens platonicien de "supra-sensible" (topos noètos, par opposition au topos horatos, le monde sensible).

Nous ne comprenons pas tout, alors que nous pourrions supposer que nous avons tous la même intelligence. C'est cette distinction qu'il me semble retrouver chez Wittgenstein. Je parle donc de l'intelligible dans le sens platonicien. L'intelligible est le monde logique évoqué par Wittgenstein. Le compréhensible est le jeu de langage qui est associé à ce que nous savons faire et qui nous confronte à nos communautés respectives, bien qu'à ma connaissance, il n'ait jamais évoqué ce sujet. Lorsque je parle d'inintelligible, c'est pour dire que ce n'est pas intelligible, je ne sais pas si c'est l'indicible.
 
La question est donc de savoir ce qui est intelligible et ce qui est compréhensible.
 
Dans sa métaphysique (pas que là d'ailleurs), Aristote critique les Idées platoniciennes et donne une première définition de l'intelligible que je pourrais résumer en disant que c'est ce qui est intelligible pour tous, ce qui se définit par d'autres mots (ou expressions) que nous ne pouvons donc pas inventer, ce qu'il reprochait à Platon. Cela nous confronte a un problème qui est que ce qui est intelligible est un monde fermé, celui des mots et par là-même des choses. Dès que nous en sortons nous disons des choses inintelligibles. Mais pour que cela soit intelligible pour tous, il ne peut s'agir que d'une logique universelle, celle de l'intelligence humaine.
 
Je postule ici (pour être succinct) que cette logique universelle est celle de la causalité qui concerne des choses universelles. Cela ne concerne donc pas le particulier et par là-même les faits (le soleil qui se lève qui est compréhensible par tous est pourtant inintelligible - ou indicible ? -). La science ne devrait traiter que de l'intelligible, mais l'intelligible n'est pas cantonné à la science. Si je dis que la femme (ou l'homme) est la cause de l'homme, c'est une causalité qui était probablement connue bien avant qu'elle ne devienne scientifique. Ce n'est pas ce qu'exprime Wittgenstein dans le Tractatus, mais cela correspond néanmoins à son monde logique. Nous devrions garder silence de tout le reste, ce qui est absurde puisque le reste est le particulier, la seule chose qui nous intéresse. Le jeu de langage nous ramène à ce que nous avons appris (à dire et à faire) au sein de nos communautés. C'est ce qui est compréhensible, qui concerne donc le particulier, mais qui respecte pourtant nécessairement la logique universelle, tout au moins la partie qui concerne nos jeux de langage.
 
C'est pourquoi j'ai pensé que ma question était en rapport avec ce philosophe.
 
Notamment, j'en vois mal le rapport avec la dernière proposition du Tractatus : contrairement à vous, ce qui pose problème à Wittgenstein, ce n'est justement pas la description des "choses matérielles", ce n'est pas comment elles sont (pour ça, il y a les sciences de la nature, nous dit-il) mais ce qu'elles sont, bref, ce n'est pas la physique mais la métaphysique. Dit d'une autre manière encore, ce n'est pas parler des choses matérielles qui lui semble impossible mais bel et bien parler des choses immatérielles. C'est pourquoi la prétention métaphysicienne à décrire des soi-disant "faits immatériels" lui semble condamnée au non-sens (Unsinnigkeit). Et de conclure le Tractatus en disant que sur ce que l'on ne peut décrire en termes de matérialité physique, il est préférable de garder une certaine retenue. "Se taire" (traduction Klossowski), en français, n'est pas satisfaisant : "garder le silence" (traduction Granger) est préférable.

 
D'une part, l'immatériel ne sert qu'à caractériser les choses matérielles. Si je dis "l'homme est un animal", ce n'est pas intelligible car (selon ce que j'ai dit précédemment) ce n'est pas une relation de causalité, mais la caractérisation d'une chose immatérielle par une autre tout aussi immatérielle ; c'est un fait immatériel. Pour le dire autrement, nous ne pouvons rien en déduire et par là-même rien en faire (ce qui est ambigu car l'inintelligible sert à quelque chose, mais ce n'est pas le sujet ici). Nous devons "garder silence" sur tout, alors que tout cela est compréhensible par certains, ceux qui connaissent le jeu de langage.
 
D'autre part une chose matérielle, cet homme ou ce caillou, est immatérielle, car nous ne parlons pas ce ce qu'elles sont, mais de ce qui les caractérisent par des choses immatérielles (l'homme et le caillou). Nous ne pouvons pas plus dire qu'elles sont ou encore que ce sont des êtres, car l'existence est une chose immatérielle. Nous ne pouvons donc pas parler de ce qu'elles sont. Qui est plus est pour revenir à ce qu'en dit Aristote dans sa métaphysique, ce n'est pas seulement inintelligible, mais également inconnaissable, nous ne pourrons jamais le connaître et par là-même jamais en parler.
 
Supposons maintenant que je définisse ce qu'est le corps et l'esprit par des relations causales. Puis que je cherche à comprendre comment les deux s'articulent. Je ne peux pas le faire, car je ne parle pas du corps (la chose universelle immatérielle), mais de ce corps-ci (la chose particulière matérielle) en ne m'intéressant pas à ce corps-ci mais à ce qu'il est ce dont je ne peux parler. Lorsque je dis "le corps est inconnaissable", c'est inintelligible, et je peux pas plus le définir par une cause, car c'est le particulier. De même, lorsque Freud évoque l'inconscient, une chose immatérielle, c'est pour évoquer l'écart qu'il peut y avoir entre ce que fait cette chose dont nous ne pouvons pas parler, et ce qu'elle peut en dire. Tout ce qu'il peut dire de l'inconscient est inintelligible.
 
Ce qui m'importe n'est donc pas de parler de l'immatériel, car nous savons le faire et nous pouvons éventuellement nous contenter de relations de causalité. Mais de faire le lien avec ce dont nous ne pouvons pas parler, car sinon ce n'est compréhensible que par certains (dans le cas de l'inconscient, par les psychiatres), ceux qui savent ce qu'ils peuvent en faire. D'où ma question comment évoquer une chose matérielle, ce qu'elle est, de façon intelligible, sans pour autant chercher à la connaître. Ou pour ce que ce soit plus clair, je sais définir l'articulation entre le corps et l'esprit, mais je ne peux l'exprimer ni de façon intelligible (par des relations causales), ni de façon compréhensible (car il faudrait pour cela inventer un jeu de langage que je serais le seul à connaître).

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Donc, si je comprends bien, "intelligible", pour vous, est synonyme de "pensable". Pourquoi pas.

Dans de l'Âme, Aristote définit les intelligibles (ta noèta) comme ce qui, en puissance, est pensé par l'intelligence (ho noûs) tout comme les sensibles (hoï aïsthètoï) sont, en puissance, sentis par le sens (hè aïsthèsis). Or, comme il n'existe pas de sensible qui ne puisse être saisi par le sens, il n'existe pas non plus d'intelligible qui soit inaccessible à l'intelligence. Ce qui est le dogme fondamental de toute métaphysique comme tentative pour penser toutes les formes possibles de l'être (ce qu'Aristote inaugure dans le livre Gamma de sa Métaphysique). De plus, en passant de la puissance à l'acte, l'intelligence, nous Aristote, devient effectivement identique à son objet de connaissance, et ce, de la même manière que la main qui tient un outil ne fait qu'un avec cet outil. Ce qui l'amène à sa formule très connue selon laquelle, de même que la main est un instrument d'instruments, de même l'intelligence est la forme des formes. D'où le fameux postulat scolastique de l'adequatio rei et intellectus, "identité de la pensée et de la chose pensée" qui a longtemps été le postulat commun (jusqu'à Kant) à la science et à la philosophie. Pour répondre, du point de vue d'Aristote, à votre question de savoir "comment évoquer une chose matérielle, ce qu'elle est, de façon intelligible, sans pour autant chercher à la connaître", il faut donc dire : en aucune manière puisque, pour lui, penser ce qu'une chose est, c'est justement la connaître.

Il en va tout autrement avec la philosophie de Wittgenstein. Pour lui (en tout cas dans sa première philosophie, celle du Tractatus), il existe en effet bel et bien de l'impensable puisque la philosophie "doit marquer les frontières du pensable et, partant, de l'impensable. Elle doit délimiter l'impensable de l'intérieur par le moyen du pensable"(Tractatus, 4.114). Et comme la pensée n'est, chez lui, rien d'autre que la capacité à former une image (ein Bild) d'un fait (ce peut être une proposition, un dessin, un schéma, une photo, etc.), ce qui présuppose une méthode de projection de la réalité que Wittgenstein appelle "la logique" (laquelle, entre nous soit dit, n'a absolument rien à voir avec la causalité : la logique est une relation a priori et nécessaire entre un fait et son imagela causalité une relation a posteriori et contingente entre les objets d'un même fait), il y a au moins quelque chose qui, ne pouvant pas être représenté par une image, n'est donc pas pensable : c'est la méthode de projection elle-même, autrement dit la logique (celle-ci est transcendantale, nous dit Wittgenstein). D'une manière générale, seuls les faits sont réputés pensables (donc, en particulier, dicibles, autrement dit pensables au moyen d'une proposition) et la pensée, la capacité à être l'image d'un fait, ne peut que décrire ce fait, c'est-à-dire fournir des informations sur la configuration des objets qui le constituent. C'est pourquoi Wittgenstein ne cesse de répéter qu'il n'y a aucun sens à tenter de penser ce que les objets pourraient être indépendamment de l'arrangement déterminé d'un fait : penser un objet, c'est, d'emblée, le penser comme ceci ou comme cela et jamais le penser en soiSi on est tenté, néanmoins par une telle entreprise, c'est à l'art ou à l'éthique que l'on va s'adonner, mais ni à la philosophie, ni à la science. Voilà qui répond, d'un point de vue wittgensteinien, à votre question de savoir "comment évoquer une chose matérielle, ce qu'elle est, de façon intelligible, sans pour autant chercher à la connaître".

PhiPhilo.

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Donc, si je comprends bien, "intelligible", pour vous, est synonyme de "pensable". Pourquoi pas.

Pensable : "Que l'on peut concevoir, saisir par la pensée." Vous avez sans doute raison.
 
Pour répondre, du point de vue d'Aristote, à votre question de savoir "comment évoquer une chose matérielle, ce qu'elle est, de façon intelligible, sans pour autant chercher à la connaître", il faut donc dire : en aucune manière puisque, pour lui, penser ce qu'une chose est, c'est justement la connaître.

Je n'aurai pas su le résumer ainsi... le problème est que c'est contradictoire. Car nous ne connaissons pas l'homme en pensant que c'est un animal doué de raison. J'ai voulu éviter de lire Kant... mais je pense qu'il a été confronté à mon problème en disant que les choses peuvent être quelque chose que l'homme ne peut pas connaître. Ce qui est perturbant, c'est qu'Aristote semble dire la même chose... L'écart entre les deux philosophes est que l'un vit dans un monde où les choses (universelles) sont éternelles et que ce n'est pas le cas de l'autre (Kant), car Aristote n'avait pas la possibilité de savoir que l'homme ou l'animal ou la raison ne sont pas des choses éternelles.
 
C'est pourquoi Wittgenstein ne cesse de répéter qu'il n'y a aucun sens à tenter de penser ce que les objets pourraient être indépendamment de l'arrangement déterminé d'un fait : penser un objet, c'est, d'emblée, le penser comme ceci ou comme cela et jamais le penser en soiSi on est tenté, néanmoins par une telle entreprise, c'est à l'art ou à l'éthique que l'on va s'adonner, mais ni à la philosophie, ni à la science. Voilà qui répond, d'un point de vue wittgensteinien, à votre question de savoir "comment évoquer une chose matérielle, ce qu'elle est, de façon intelligible, sans pour autant chercher à la connaître".

Mon problème est là... et cela n'y répond pas.
 
Je pense que le "comme ceci ou comme cela" est ambigu, et il me semble que Wittgenstein a été plus clair par la suite. Je ne pense pas un chat comme étant un animal ayant quatre pattes, une fourrure douce et qui ronronne, mais comme un animal que je peux approcher, caresser et anticiper qu'il pourra ronronner. Je pense un objet selon ce que je peux en faire, ceci ou cela. Je ne peux rien faire de ce que je ne peux pas connaître. Peu m'importe donc de savoir ce qu'est ce chat. Je peux dire que je ne dois pas lui faire de mal, ce qui ne concerne ni la science, ni la philosophie. Et cela n'est pas l'intelligible ou le pensable. J'espère avoir retranscrit ainsi ce que vous dites. Il en résulte que ce chat n'existe pas indépendamment de l'homme, car la seule chose qui pourrait exister indépendamment de lui est ce qu'il est, ce que nous ne pouvons pas connaître et ce dont nous ne pouvons pas parler (car les mots n'existent pas). Il n'y a donc pas de "méthode de projection de la réalité que Wittgenstein appelle la logique", car la réalité n'est pas ce que nous ne pouvons pas connaître, ce qu'est ce chat, mais ce que je peux en faire selon la logique. Ce serait plutôt la réalité du chat qui se déduirait de la logique du chat, et il n'y en a pas d'autre dont nous pourrions parler.
 
La limite du raisonnement de Wittgenstein se résume peut-être à "la logique est transcendantale". Elle l'est pour l'individu mais il élude que l'individu ne peut déduire sa logique que de son environnement. Ce que je peux faire du chat, je ne peux le déduire que de mes perceptions sensorielles (et pas seulement de celles que j'ai du chat), sauf à imaginer que ma connaissance du chat puisse provenir d'une chose dont je ne peux pas parler. Je pourrais le dire autrement en disant que ma connaissance du chat provient de l'acquisition d'un jeu de langage qui définit ce que je peux en faire (incluant ce qui est inintelligible ou impensable). Ce que je peux déduire par moi-même que je ne sais pas exprimer par un jeu de langage est incompréhensible, je ne peux pas en parler (ou dit autrement le jeu de langage est antérieur à son utilisation). La logique est donc transcendantale pour l'individu, parce que son environnement lui permet de l'acquérir ou pas, mais dans le même temps, se déduit des choses humaines (créées par l'homme) ou de ce que d'autres hommes peuvent en dire.
 
Il en résulte que ma logique est aussi celle des autres, ceux qui ont le même jeu de langage et que ce que je peux faire du chat, n'est pas ce "que je suis" en fait. Je retombe sur la même ambiguïté que lorsque Wittgenstein parle de la réalité. Mais si j'ai pu le résoudre pour la réalité, qui est une chose immatérielle, je ne peux pas le résoudre pour ce que je suis qui est une chose (a priori) matérielle. Peu m'importe quand il s'agit du chat de savoir ce qu'il est, mais cela m'importe pour moi, car je peux savoir que je peux le caresser, je ne peux pas dire que je le fais ou que je l'ai fait, car je ne peux pas le savoir. C'est pourquoi j'ai évoqué Freud. Il a créé un mot non pas pour parler de ce que je suis, mais pour créer un jeu de langage qui permet à d'autres de savoir qu'il y a cet écart entre ce que je fais et ce que je peux dire. C'est compréhensible, mais ce n'est pas intelligible, car l'inconscient n'a pas de cause tant qu'aucun mot ne permet de parler de ce que je suis. A priori, le mot corps n'est pas ce que je suis. Si nous ne pouvons pas parler de cela, tout le raisonnement de Wittgenstein semble s'effondrer, car si la réalité du chat se déduit de la logique du chat, cela signifie que ce que je suis ne peut rien faire du chat, ce qui est absurde.
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