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La fonction cognitive des exemples dans la littérature.

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3 participants

descriptionLa fonction cognitive des exemples dans la littérature. EmptyLa fonction cognitive des exemples dans la littérature.

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jem a écrit:
La littérature qui allie savoir et réflexion est bien plus intéressante qu'une simple démonstration d'éloquence, qui peut être belle à lire mais vide de sens
La littérature qui allie savoir et réflexion est souvent la moins bonne, précisément parce qu'elle n'est qu'intellectuelle. Comme la peinture ou la musique, la littérature s'adresse aux sens au moins autant qu'à l'esprit. Quant à l'éloquence vide de sens, ça n'existe pas, par définition ; c'est autre chose que le seul fait de bien s'exprimer.

Dernière édition par Euterpe le Sam 13 Aoû 2016 - 9:11, édité 3 fois (Raison : Création d'un nouveau topic suite à une digression dans un autre fil de discussion.)

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Il me semblait que la littérature était avant tout faite pour le plaisir et que par conséquent le savoir et la réflexion n'étaient qu'un atout. Après, tout dépend de la façon dont le savoir est apporté. Un livre peut nous apporter réflexion et savoir dans sa globalité, sans pour autant être un étalage de connaissances. La manipulation des sens est bien souvent un moyen, il me semble, pour exprimer une connaissance.

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jem a écrit:
La manipulation des sens est bien souvent un moyen, il me semble, pour exprimer une connaissance.

Il y a des romans à thèse, où les personnages ne vivent que pour exprimer les idées de l'auteur, et des romans où l'auteur est parvenu à rendre vivantes des idées en leur donnant chair dans ses héros. Pour prendre un exemple, Tolstoï appartient plus au second genre, Dostoïevski au premier.

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jem a écrit:
Il me semblait que la littérature était avant tout faite pour le plaisir

Raison pour laquelle elle s'adresse aux sens, à la vie dans toute la force de son affirmation, autrement dit en tant qu'elle n'est pas encore pensée, pas encore réduite à l'objet d'une pensée.

jem a écrit:
par conséquent le savoir et la réflexion n'étaient qu'un atout.

Pas nécessairement. Ce peut être un agrément supplémentaire, quand un auteur le met au service de la vie des personnages qu'il invente et qu'animent des passions. Mais quand c'est un objet intellectuel qui ne contribue en rien à la qualité proprement littéraire d'une œuvre, c'est tout sauf un atout puisqu'il détourne le lecteur de ce qu'il est en droit d'attendre en lisant un roman qui, pour être évidemment instructif, ne peut être didactique. Remarquez, les romans à thèse de Sartre ont beaucoup d'adeptes. Je préfère les pages descriptives d'un [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], faites pour affirmer, montrer dans leur immédiateté, leur présence même, les êtres et les choses, sans le détour de l'intellection donc. Or ses descriptions sont précisément des manifestes du réalisme du XIXè siècle (cf. dans l'avant-propos à la Comédie humaine, ses remarques sur le romancier comme zoologiste, le secrétaire de l'histoire, etc.). Un exemple ci-dessous avec un extrait du Père Goriot, dédié au naturaliste Geoffroy Saint-Hilaire :
Balzac, Le Père Goriot - description de la pension Vauquer a écrit:
Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la langue, et qu'il faudrait appeler l'odeur de pension. Elle sent le renfermé, le moisi, le rance ; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements ; elle a le goût d'une salle où l'on a dîné ; elle pue le service, l'office, l'hospice. Peut-être pourrait-elle se décrire si l'on inventait un procédé pour évaluer les quantités élémentaires et nauséabondes qu'y jettent les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque pensionnaire, jeune ou vieux. Eh ! bien, malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l'être un boudoir. Cette salle entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur indistincte aujourd'hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres. Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles d'assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à Tournai. Dans un angle est placée une boîte à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque pensionnaire. Il s'y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la civilisation aux Incurables Vous y verriez un baromètre à capucin qui sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent l'appétit, toutes encadrées en bois noir verni à filets dorés ; un cartel en écaille incrustée de cuivre ; un poêle vert, des quinquets d'Argand où la poussière se combine avec l'huile, une longue table couverte en toile cirée assez grasse pour qu'un facétieux externe y écrive son nom en se servant de son doigt comme de style, des chaises estropiées, de petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule toujours sans se perdre jamais, puis des chaufferettes misérables à trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se carbonise. Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l'intérêt de cette histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas.

Ce passage équivaut à une prétérition, sans compter les richesses de la langue balzacienne (procédés d'implication du lecteur, accumulation, homéotéleute...)

jem a écrit:
La manipulation des sens est bien souvent un moyen, il me semble, pour exprimer une connaissance.

Dans un roman, les sens sont plus qu'un moyen, ils sont ce qui fait qu'une œuvre est vivante et éveille ce qui nous anime, ce qui nous fait vivre. Pour exprimer une connaissance, le moyen le plus approprié se trouve du côté des sciences.

Dernière édition par Euterpe le Dim 24 Juil 2022 - 0:23, édité 6 fois (Raison : Ajout de la citation de Balzac.)

descriptionLa fonction cognitive des exemples dans la littérature. EmptyRe: La fonction cognitive des exemples dans la littérature.

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Je n'avais pas vu le problème du savoir dans la littérature sous cet angle. Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'un objet intellectuel n'a pas sa place dans un roman quand le roman est au service de la thèse plutôt que la thèse au service du roman.

En effet une connaissance peut être mieux expliquée par les sciences, encore faut-il qu'elle soit explicable par les sciences. Dans le cas contraire l'expérience est plus judicieuse, et là les sens peuvent être plus appropriés.

L'Abbé Prévost affirme avec justesse dans la préface de Manon Lescaut, que l'homme n'a que deux possibilités pour rester le plus juste, soit l'expérience, soit l'exemple. Or l'exemple, s'il veut être pris à la mesure que l'on veut lui donner, doit s'aider des sens. Et donc une connaissance peut nécessiter l'usage des sens pour être explicitée.
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