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descriptionLe statut de la littérature chez Nietzsche, compte tenu de sa conception du langage. EmptyLe statut de la littérature chez Nietzsche, compte tenu de sa conception du langage.

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Bonjour à tous,

Je travaille en ce moment sur le langage, et en me plongeant un peu dans Nietzsche (via Vérité et mensonge au sens extra-moral et surtout La Naissance de la tragédie) m'est venue une question : quelle est la pensée de Nietzsche quant à la littérature ? Le fait qu'elle ressortisse aux mots la disqualifie-t-elle comme activité artistique ?

Dans Vérité et mensonge au sens extra-moral Nietzsche écrit :
les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont, des métaphores qui ont été usées et vidées de leur force sensible
. Il me semble donc que les mots ne sont pas disqualifiés d'emblée, mais perdent leur valeur quand on a oublié qu'ils procèdent de métaphores.
Je ne sais pas si je suis claire, ma question en contient en fait plusieurs...

Merci d'avance et bonne soirée !

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La lecture du chapitre XI - de l'ouvrage En lisant Nietzsche d’Émile Faguet (1904), accessible ici et là - intitulé "Digression : Idées littéraires de Nietzsche" vous donnera peut-être du grain à moudre. Voici un extrait :

Faguet a écrit:
Les idées littéraires et artistiques de Nietzsche ne sont pas liées. Il n'en a pas fait un système, ni une théorie générale ; mais elles sont très originales, comme il l'est souvent, très pénétrantes, comme le sont presque toutes ses idées, et elles se rattachent toutes, comme il est naturel chez ce grand aristocrate, à la conception ou au rêve d'un art sain, viril, fort et noble. Elles sont énergiquement contemptrices de la sensibilité de romance, de l'art élégiaque, maladif et poitrinaire ; de l'art, aussi, surchargé, compliqué, violent, torturé et véhément par sentiment de sa faiblesse intime ; de l'art aussi, bassement comique et trivial ; de toutes les formes enfin de l'art populaire et bourgeois. Elles élèvent l'esprit et l'âme vers la vision d'un art fait par une espèce supérieure et pour une espèce supérieure, et elles expriment à leur manière la grande idée maîtresse de l'auteur : « L'homme est un être qui est fait pour se surmonter ».

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Pour répondre à votre question, le mieux est de commencer par la distinction que fait Nietzsche au sein du langage. Car si ce dernier est toujours un mensonge, on peut en déterminer deux types : le mensonge réactif et le mensonge actif. Le premier est celui qui met en ordre le monde et fixe le réel par peur du chaos : 

Nietzsche, Humain trop humain, II, Le Voyageur et son ombre, §11 a écrit:
Le mot et l’idée sont la cause la plus visible qui nous fait croire à cette isolation de groupes d’actions : nous ne nous en servons pas seulement pour désigner les choses, nous croyons originairement que par eux nous en saisissons l’essence. Les mots et les idées nous mènent maintenant encore à nous représenter constamment les choses comme plus simples qu’elles ne sont, séparées les unes des autres, indivisibles, ayant chacune une existence en soi et pour soi. Il y a, cachée dans le langage, une mythologie philosophique qui à chaque instant reparaît, quelques précautions qu’on prenne.


Quant au mensonge actif, c'est précisément celui de l'art, de la poésie. C'est le langage qui crée un sens dont il avoue en même temps son caractère illusoire. Il n'en demeure pas moins un mensonge, mais se libérant de la prétention aux constructions objectives et à une vérité figée, il déploie la volonté de puissance et réaffirme la vie : "L’art, rédemption de celui qui sait, — de celui qui voit, qui veut voir, le caractère terrible et problématique de l’existence, de celui qui sait tragiquement. L’art, rédemption de celui qui agit, — de celui qui non seulement voit, mais veut vivre, le caractère terrible et problématique de l’existence…" (FP, XIV, 17 [3]) 

Votre phrase me semble donc juste, mais à l'envers, car le rapport réactif au langage est somme toute naturel aux hommes (simple effet du besoin presque primitif de nommer le monde dans un processus d’identité). Il s'agit donc moins de ne pas oublier que la vérité est une illusion du langage, que de se le rappeler. 

Ceci dit on peut se demander si cette lucidité de l'art sur lui-même n'est pas qu'un écran de fumée, une illusion métaphysique de plus. Je n'ai pas lu tout le corpus nietzschéen, mais il me semble que cette probité de l'art est proclamé de manière quelque peu arbitraire. Comment l'art est-il capable de s'auto-évaluer ? Y aurait-il un texte de Nietzsche montrant avec précision ce mouvement étrange qu'a l'art de sortir de l'illusion pour la reconnaître, et y entrer ensuite de plein gré et avec encore plus de force ?

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Un grand merci à vous pour ces réponses constructives !

La distinction entre mensonge réactif et mensonge actif donne en effet un éclaircissement capital à la question que je me posais.

Quant au mouvement qui permet à l'art de sortir de l'illusion pour la reconnaître, il me semble qu'on en a une approche assez nette dans le premier chapitre de La Naissance de la tragédie:
"La belle apparence de ces mondes du rêve [...] est ce que présupposent l'ensemble des arts plastiques et même [...] une large part de la poésie. [...] Pourtant, même à son degré de vie le plus intense, cette réalité du rêve nous laisse le sentiment confus de n'être qu'apparence"
Et Nietzsche de prolonger l'analogie de l'artiste et du rêveur, qui est conscient d'être dans en rêve et s'efforce d'y persévérer.
Qu'en pensez-vous ?

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Vous voulez dire que c'est dans le rêve que l'art s'avoue sa propre illusion ? J'avoue être un peu dubitatif. Il me semble que ce premier paragraphe de La naissance de la tragédie évoque le rêve plus dans sa puissance inspiratrice, pour réaffirmer sa valeur, sa vitalité et sa réalité. Je vois donc bien le rapprochement entre le rêve et la création artistique, mais pas comment le rêve permet à l'art de se regarder de l'extérieur pour s'évaluer. Nietzsche débusque toutes les illusions que nous prenons pour des réalités stables et admises : la vérité, la morale, etc. Pourtant lorsqu'il proclame la supériorité de l'art car ce dernier ne prétend pas sortir de l'illusion et du chaos fondamental, ne se retrouve-t-il pas lui-même de l'autre côté du miroir ?
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