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L'éternel retour et le romantisme.

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aristippe de cyrène a écrit:
Courtial a écrit:
Gœthe n'est derechef pas un romantique
Il ne l'est peut-être pas totalement, mais il est considéré comme précurseur du romantisme Européen du 19e siècle, donc il a au moins un pied dedans !
Gœthe était un poète romantique. Il ne faut pas se laisser impressionner par les distinctions artificielles des manuels scolaires, qui ont parfois du bon mais qui reflètent rarement la réalité. On retrouve chez lui tous les thèmes du romantisme, vous citez à juste titre Faust, mais ajoutons-y Werther, bien sûr, quand Gœthe participait au mouvement Sturm und Drang, le roman des Années d'apprentissage de Meister et des Années de voyage, deux thèmes très chers aux Romantiques, la conception de la mort comme renouveau, Egmont, des poèmes comme A la lune, ou Voyage dans le Harz en hiver, je pourrai continuer longtemps. En réalité, toute l'œuvre de Gœthe est romantique, du début à la fin. Seulement, comme il était au-dessus de tous les autres poètes allemands, il n'avait sa place dans aucun courant littéraire.

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Ma foi, si "poésie" signifie n'importe quelle production (au sens de poiesis) et romantique s'applique aussi bien à Shakespeare qu'à Musset ou Sand, je quitterai volontiers la discussion, selon votre demande.
Un remords toutefois pour finir : refeuilletant certains passages (par exemple les Divagations d'un inactuel, j'observe que Heine échappe au jeu de massacre que j'évoquais plus haut. Or il fut romantique, incontestablement, au moins au début de son œuvre.

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La question porte sur la poésie comme rapport au monde d'abord, rapport qui se distribue entre un parti classique et un parti romantique, selon une lecture historique de la poésie depuis ses origines, discussion qui animait déjà de façon très virulente les débats littéraires des XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, et que les hommes du XIXe siècle ne font que reprendre en la réorientant. Les Malherbe et Boileau, par exemple, légiférèrent sur la poésie, dictant au poète ce qu'il devait dire et ne pas dire. Ronsard en fit le premier les frais, et fut déporté dans la Guyane des poètes. Ses thèmes furent décrétés trop modernes.

Les romantiques le redécouvrent et le ressuscitent en même temps que Shakespeare. Stendhal, un des premiers, affirma que depuis Homère, les poètes étaient classiques ou romantiques, précisant toutefois que pas un ne pouvait être dit absolument classique.
Stendhal, Racine et Shakespeare a écrit:
la théorie romantique [...] n'est autre que celle qui a servi de poétique à Homère, à Sophocle, au Dante, à l'Arioste et au Tasse.

"Qu'est-ce que le romanticisme ?"

Stendhal veut livrer une guerre, selon ses propres mots, à la tyrannie du classicisme français.
Stendhal a écrit:
L'Allemagne, l'Angleterre et l'Espagne sont entièrement et pleinement romantiques. Il en est autrement en France. La dispute est entre [...] Racine et Shakespeare, entre Boileau et Lord Byron.
C'est un combat à mort. Racine met toujours en récit pompeux et emphatique ce que Shakespeare se borne à mettre sous nos yeux.

Nietzsche connaissait par cœur les œuvres théoriques de Stendhal, et appréciait particulièrement sa faculté à affirmer les plaisirs (son italianité ?) ; c'est souvent à partir de lui qu'il parle de Shakespeare, par exemple. Évidemment, Nietzsche voulait dépasser Stendhal (on le voit dans Humain trop humain, § 221) tout en s'y référant, car il s'agissait de réconcilier classicisme et romanticisme. Mais il reprend sa plume militaire. Il parle de combats, lui aussi.

Il faut bien avoir à l'esprit deux choses essentielles : d'abord et de façon très générale, le romantisme veut libérer les passions, la sensibilité, l'émotion, le plaisir (chez Stendhal), du joug de l'Académie, qui était devenue la police et le musée du classicisme, ce qui ne rendait service ni aux classiques, ni aux romantiques. Il s'agit de se débarrasser du voile de l'universel classique, réaffirmer le particulier contre le général, retrouver la nature sous le vernis classique, réaffirmer les droits de l'imagination contre la logique, l'abstraction et les décrets du ministère classique. Ensuite, ce que combattent les romantiques, c'est moins l'art classique que l'académisme, c'est-à-dire le classicisme devenu pur artifice, reprise servile et systématique de modèles antiques, interdiction de créer. On ne doit donc pas s'étonner, au final, que plusieurs romantiques soient devenus classiques (la nature comme modèle), et que la question même du romantisme ait perduré jusqu'au XXe siècle. Il s'agissait de créer, de créer de nouveaux modèles. Voilà pourquoi la Renaissance intéresse, parfois jusqu'à les obséder, les romantiques ; voilà pourquoi ils remontent même en deçà, par exemple au moyen âge gothique, pour retrouver une identité, une particularité, quelque chose qui les caractérise et qui soit vrai, au risque de tomber dans le nationalisme, comme Barrès.

Stendhal a écrit:
Pour des âmes efféminées, pour des âmes rouillées par l'étude du grec et rapetissées par la vie monotone du cabinet, et qui ne peuvent souffrir un vers énergique si elles n'y reconnaissent à l'instant une imitation d'Homère ; pour de telles âmes, dis-je, la mâle poésie de Shakespeare, qui montre sans détours les malheurs de la vie, est physiquement insupportable.
Shakespeare, c'est-à-dire le héros de la poésie romantique, opposé à Racine, le dieu des classiques ; Shakespeare, dis-je, écrivait pour des âmes fortes, formées par les guerres civiles de la Rose rouge et de la Rose blanche.

Nietzsche parle de ce "grand barbare" de Shakespeare, pour des raisons évidentes. Ainsi, d'abord il s'agit de discerner progressivement ce qu'on entend par romantisme (qui ne pouvait pas ne pas avoir de multiples variantes en raison même de la revendication du particulier) ; ensuite seulement il s'agit de distinguer, parmi les romantiques, entre ceux qui ne sont que pessimistes, les écrivains et poètes du renoncement, et ceux qui pourraient figurer ou préfigurer le pessimisme héroïque, affirmatif, dionysien.

L'Éternel retour, c'est le romantisme surmonté, pas au sens de Gœthe, mais au sens de Nietzsche.

Dernière édition par Euterpe le Ven 12 Aoû 2016 - 16:04, édité 3 fois

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Euterpe a écrit:
Stendhal a écrit:
Pour des âmes efféminées, pour des âmes rouillées par l'étude du grec et rapetissées par la vie monotone du cabinet, et qui ne peuvent souffrir un vers énergique si elles n'y reconnaissent à l'instant une imitation d'Homère ; pour de telles âmes, dis-je, la mâle poésie de Shakespeare, qui montre sans détours les malheurs de la vie, est physiquement insupportable.

Voilà qui dut paraître délicieux à Nietzsche, qui cherchait à tout prix à sortir de l'académisme étouffant de l'université, par sa rencontre (provoquée) avec Wagner, puis par sa maladie (non feinte mais comme on dit aujourd'hui : "psychosomatique"). Stendhal fut pour lui une découverte capitale (avec Dostoïevski). Dans le Crépuscule des idoles, Nietzsche s'en prend violemment à un philologue qu'il qualifie aimablement de "ver desséché parmi les livres". Cette idée de la poésie diminuée par l'étude entre quatre murs se trouve chez le jeune Gœthe, là où Nietzsche dut la trouver pour la première fois. Schopenhauer se revendiquera aussi d'une étude au plus près de la nature.


Courtial a écrit:
si "poésie" signifie n'importe quelle production (au sens de poiesis) et romantique s'applique aussi bien à Shakespeare qu'à Musset ou Sand.

Non, mais ni l'une ni l'autre ne se limitent autant que vous le dites. La poésie dépasse largement le cadre des vers et le romantisme celui du petit groupe des "Romantiques allemands" ou de quelques Français bien représentatifs.

descriptionL'éternel retour et le romantisme. - Page 3 EmptyRe: L'éternel retour et le romantisme.

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J'ai toujours trouvé en Nietzsche une petite graine de romantisme, notamment avec le concept de l'Éternel Retour, qui rend justice à la souffrance voire la sublime ; ou dans ses positions par rapport à la Raison (rejet des profondeurs chez le romantisme, et retour à l'apparence chez Nietzsche), la divergence se situe à mon sens, surtout entre le caractère "massif", parfois "nationaliste" (Wagner) ou "socialiste" (Hugo) du romantisme et la pensée "individualiste" de Nietzsche.

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