JimmyB a écrit: C'est un raisonnement binaire de penser que ce qui n'est pas faux est vrai et que ce qui est vrai n'est pas faux.
Qui pense comme cela ? Certainement pas moi en tout cas.
JimmyB a écrit: A partir du moment où une vérité peut devenir fausse ce n'est pas une vérité.
Mais alors il y a de nombreuses vérités en science qui n'en sont déjà plus puisqu'elles sont susceptibles d'être écartées par la suite. C'est pourquoi les vérités scientifiques sont seulement probables, transitoires et réfutables. Il faudrait voir du côté de Popper je suppose.
JimmyB a écrit: Vous dites que vous êtes d'accord sur le fait qu'un système n'englobe jamais tout mais vous prétendez que la philosophie en systématisant désire tout englober, c'est selon moi une fausseté logique. En fonctionnant en système clos elle spécialise son système elle ne le généralise pas, elle n'englobe pas, elle se ferme à tout ce qui n'englobe pas le système. En cherchant le vrai elle se ferme au possible. Donc un système n'a pas prétention à tout englober mais simplement à fonctionner en toute autonomie sans tenir compte de ce qui ne le constitue pas.
Diriez-vous la même chose lorsqu'il s'agit de Spinoza ou de Hegel ? Ils prétendent bien tout englober, quand bien même nous savons, de manière critique, qu'ils ne le peuvent pas.
JimmyB a écrit: Je ne comprends rien à votre dernière phrase je suis désolé.
Hegel, je crois, parlait du lent travail du concept, quant à Deleuze il voyait la philosophie comme une création de concepts. S'il ne s'agit pour la métaphysique que de produire, d'articuler et d'affiner des concepts alors selon votre propos toute philosophie est une métaphysique. Mais je crois surtout que vous définissez mal la métaphysique et que l'on peut s'en passer. Je ne vois pas alors la spécificité de la métaphysique d'une Claudine Tiercelin au regard de philosophies non métaphysiques si l'on prend en compte cette définition selon le concept. Par contre, je pense que si l'on veut faire de toute philosophie une métaphysique on peut argumenter sur le fait que chacune, même en distinguant l'être et la pensée, prend position sur l'être et sur notre relation à lui. C'est une difficulté qui se pose aux anti-métaphysiciens.
Parousia a écrit: La philosophie a longtemps dénigré la science, au moins de Hegel à Heidegger, en passant par Nietzsche. (Il est très intéressant de mettre côte à côte les célèbres pages où Hegel et Nietzsche, philosophes si différents, expliquent la supériorité absolue de la philosophie sur toute autre activité de pensée.)
La science, de son côté, a cru un moment (apogée de la mécanique classique) qu'elle pouvait reléguer la philosophie aux discussions de salons et aux presbytères.
C'est bien regrettable. Remarquons que cette distinction s'opère après le criticisme kantien. Auparavant, comme vous le signalez en mentionnant les pré-socratiques, philosophie et science allaient de pair. Or Kant a permis, me semble-t-il, l'autonomisation de la science. Hegel, anti-kantien de son état, est le premier grand philosophe littéraire. Mais le rapport à la science est un peu ambigu parce que s'il y a concurrence, la philosophie elle aussi veut pouvoir se trouver en position de maîtrise à l'égard de la science. Certes, ces philosophes sont très critiques de la science, notamment de la technique, mais elle peut aussi servir ou bien encore on va élaborer une science de la science pour fonder rationnellement cette activité et ses prétentions, donnant à la philosophie le dernier mot sur ce qu'elle peut en réalité mal connaître. C'est donc un instrument et un faire-valoir.
Parousia a écrit: Mais de nos jours, (fait étrange tout de même) rares sont les scientifiques qui ne se sentent pas très proches, en définitive, de l'activité philosophique, par certains aspects de leur réflexion. Je fais remarquer que si un grand scientifique veut discuter avec un philosophe sur, par exemple, les notions d'espace et de temps chez Kant, il est le plus souvent capable de les "digérer" et de prolonger la discussion. L'inverse est le plus souvent impossible : combien de philosophes grands ou petits, sont capables de comprendre ne serait-ce qu'une équation différentielle?
C'est tout à fait le constat qui m'a mené à faire part, ici même, de mes questionnements.
Desassossego a écrit: Ainsi de nos jours, parler de recherche de la vérité pour un philosophe est compliqué. Pour ma part, je doute fortement que la vérité soit le point vers lequel le philosophe tende, mais bien plutôt à partir de quoi le philosophe est tendu : la vérité est le point de départ, non le point d'arrivée.
C'est une belle formule. Je pourrais la transposer à ce que j'ai dit : il n'y a justement pas de vérité réelle vers laquelle tendre, mais la vérité est ce que la recherche de la connaissance présuppose pour être initiée.
Desassossego a écrit: S'il y a encore une vérité en philosophie, celle-ci ne peut être de même nature que celle des sciences. La vérité scientifique est une certitude.
Jusqu'à quel point ? Je veux dire : on trouvera peut-être demain au cours d'une expérience de quoi réfuter ce que l'on tenait jusqu'à maintenant pour vrai (ou probable). Nous sommes à peu près sûrs de certaines théories parce que les pratiques qui s'y accordent fonctionnent et donnent des résultats concluants. Mais si, par exemple, l'hypothèse de la matière noire se révèle effective alors on peut supposer que ce que l'on connaît ne concerne finalement qu'une très petite part de l'univers et qu'il existe en réalité une masse énorme et indéfinie d'incertitude que nous devons prendre en compte et qui sera susceptible de bouleverser nos connaissances et notre représentation du monde, voire les prétentions de la science elle-même.
Desassossego a écrit: Or, en philosophie, on ne sort jamais de l'incertitude. Et le fait qu’il y ait incertitude dans le domaine philosophique n’est pas une caractéristique occasionnelle ou lacunaire de la philosophie, mais appartient au contraire à la nature ambiguë de la philosophie elle-même. Réunir aujourd'hui science et philosophie, c'est, je pense, ne pas comprendre que la philosophie s'occupe de la vie, et qu'à ce titre sa vérité exige une souplesse. La vie, ce n'est pas un atelier scientifique, ce n'est pas un laboratoire.
Elle est incertitude si elle est considérée comme pratique ou existentielle. Il est vrai que la science ne nous dira jamais rien du sens de la vie, et c'est bien normal puisque nous créons ce sens et qu'il n'est pas dans les choses. Cela dit, la science peut nous faire voir le monde autrement et donc transformer le sens de notre vie prenant place dans ce monde-là auquel il sera possible de rapporter différemment. Cependant, la métaphysique n'est pas basée sur l'incertitude et il n'est pas certain que la philosophie puisse se passer d'un dialogue avec la science, et donc se passer de certitudes.
Desassossego a écrit: Et le simple fait, par exemple, d’évaluer la philosophie à l’aune de la science (et c'est ce qui se passe !) est peut-être déjà la plus funeste dépréciation de son essence. La philosophie ne peut être insérée dans le cadre de la science. Pour philosopher, une autre écoute est requise, qui n’est pas l’accumulation de connaissances ou de preuves que nous classons dans les grands efforts de la mémoire, car la philosophie se travestit dès lors et se donne pour quelque chose qu’elle n’est pas, et ne sera jamais : une somme de preuves et de démonstrations. Sur ce point, Heidegger a écrit des choses décisives.
Ne pensez-vous pas qu'une ontologie n'ait pas à dialoguer avec la science, que ce qui travaille sur les étants et les modes de l'être ne puisse informer la science de l'être et en juger également ? Par ailleurs, il ne s'agirait que de réunir ce qui était auparavant uni. Voyez Aristote. Enfin, si vous ne faites de la philosophie qu'une expérience mystique, celle-ci dépasse justement ce qu'on peut dire de l'être et les propos qu'on peut tenir sur lui risquent de laisser place à de l'irrationnel et d'esquiver la tâche de la philosophie depuis Platon consistant dans le
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