JimmyB a écrit:que depuis Kant la philosophie cherche la vérité alors que l'on sait pertinemment que ce n'est pas possible. La philosophie et on le remarque je pense dans le courant analytique et aussi dans le pragmatiste recherche la validité de probabilité ce n'est pas la même chose.
Je n'ai pas dit que la philosophie cherchait la vérité depuis Kant, je dis que la philosophie a toujours cherché la vérité et qu'elle le fait encore, même implicitement et sans forcément reconnaître ce qui la motive. Sans la visée d'un terme à la connaissance, d'une connaissance achevée en droit et adéquate à la réalité de l'être, nous ne viserions pas à connaître les objets ou les phénomènes. Seulement nous savons restreindre nos prétentions grâce à Kant, quand bien même toute démarche visant la connaissance suppose un absolu dans lequel elle puisse se résorber, il s'agit bien de constituer l'unité de l'objet de la connaissance, ce qui suppose qu'il soit fini et saisissable en son entier. Mais la réalité est tout autre puisque nous n'avons de connaissance que relative de l'objet, du fait même de notre position dans le monde, laquelle permet l'appréhension et la connaissance de ce qui constitue un objet distinct d'un sujet qui le vise. Distinction qui implique une transcendance, d'où une irréductibilité de l'objet à la connaissance, de l'objet idéal visé à l'objet réel. Il existe, de plus, des philosophies post-kantiennes qui ont visé l'absolu (par exemple avec Hegel, Bergson et maintenant Alain Badiou et Quentin Meillassoux). Enfin, je vous ai dit que nous cherchions malgré tout, dans une ère du sens et des valeurs, la norme de ces sens et valeurs, et parfois dans un principe rationnel. Le structuralisme, par exemple, ne fait que repenser l'Idée platonicienne, en quelque sorte, au travers de la structure dans laquelle se fondent les phénomènes étudiés et qui sont distribués par elle. A mon avis, on est motivé à connaître parce qu'on espère obtenir une réponse définitive et c'est parce que l'on ne l'a pas, que nos réponses obtenues sont partielles, perfectibles et insatisfaisantes parce que jamais assez fondées en raison que nous pouvons et que nous nous sentons dans l'obligation de progresser dans notre recherche. Plus on approche du but et plus il s'éloigne, de sorte que l'on s'obtine. Même en sociologie, on sait très bien que l'on n'accédera jamais à une vérité des faits sociaux, comme s'il y en avait une en soi. Mais nous construisons des modèles, nous catégorisons, nous élaborons de nouvelles théories et des concepts plus précis, nous récoltons des données empiriques pour reconstituer notre objet par le plus grand nombre possible de facettes ou perspectives sur lui, parce que nous espérons toujours nous approcher de l'objet lui-même.
JimmyB a écrit:du coup la philosophie n'a pas de tendance à se changer en métaphysique, les deux sous-disciplines auxquelles je fais référence ci-dessus l'infirment
C'est pourtant toujours le risque, la raison étant unificatrice du divers et recherchant un principe dernier rendant compte de la possibilité et de la nécessité d'une chose. Et si la philosophie est systématique, si elle tend à la totalisation, même sans pouvoir achever son système, elle risque toujours de devenir dogmatique au sens de Kant.
JimmyB a écrit:l'expérimentation depuis Dewey et James ne veut plus dire la même chose, pouvez-vous éclaircir votre propos s'il vous plait ?
C'est plutôt à vous d'éclaircir votre propos puisque je ne connais pas les pensées de Dewey et de James. Qu'insinuez-vous ?
JimmyB a écrit:c'est bien cela votre souci la métaphysique n'a plus prétention à découvrir une vérité universelle.
Mais alors en quoi peut-on encore parler de métaphysique ? Et en quoi est-ce mon souci, dans quel sens dites-vous cela ? Pour être clair, je ne suis pas un métaphysicien. Par contre, s'il n'y a pas de vérité alors cela remet en cause le bien-fondé de toutes mes opinions, croyances, habitudes, connaissances, etc., de sorte que je suis paradoxalement dans l'obligation de viser à connaître au mieux les choses. D'où un souci d'exactitude qui peut redéfinir la vérité lorsqu'on prétend valider ou invalider une proposition relativement à son objet, mais en prenant toujours en compte l'erreur, l'ignorance qui demeure et nos limites propres. C'est d'ailleurs le cas en sociologie, mon discours peut être dit "objectif" lorsque mon matériau empirique et son analyse sont complétés d'un point de vue critique qui replace l'analyse comme interprétation et signale les limites subjectives du discours sur l'objet, par où l'on comprend en quoi l'objet nous échappe et dans quelles conditions on l'a approché. On suppose donc toujours que l'objet existe bien au-delà de ce qu'on en dit et 1) c'est pour cela qu'on peut viser à le connaître, 2) qu'on peut le constituer comme tel, 3) que nous devons adopter un point de vue critique pour limiter nos prétentions, 4) ce qui motive à connaître mieux cet objet et par où on le connaît et on le constitue.
Citation de Andrei Rublev supprimée après suppression de son message (Euterpe)
Dernière édition par Silentio le Jeu 21 Fév 2013 - 22:19, édité 1 fois