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De la nécessaire existence de Dieu.

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agur
Vangelis
Desassocega
A. BOUKAIDI LAGHZAOUI
Euterpe
Commissaire
Zingaro
11 participants

descriptionDe la nécessaire existence de Dieu. EmptyDe la nécessaire existence de Dieu.

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Bienvenue,

Considérant l'être spirituel en l'homme, me voilà rendu à poser cette question : l'existence de Dieu est-elle nécessaire ?

Leopardi, Zibaldone
[165] Le sentiment du néant de toutes choses, l'impuissance de tous les plaisirs à satisfaire notre âme, et notre inclination vers un infini que nous ne comprenons pas, s'expliquent peut-être par une raison très simple, plus matérielle que spirituelle. L'âme humaine (et il en va de même pour tous les êtres vivants) désire toujours essentiellement, et vise uniquement, bien que de cent manières différentes, le plaisir, ou encore le bonheur qui ne fait qu'un avec le plaisir. Ce désir et cette inclination n'ont pas de limites car ils sont innés et conaturels avec l'existence et, à ce titre, ne pouvant aboutir à tel ou tel état déterminé, qui ne saurait être infini, ils ne prennent fin qu'avec la vie. Ce désir ne connaît pas de limites ni 1. en durée, ni 2. en extension. Il n'existe donc aucun plaisir qui lui soit équivalent 1. par sa durée, car nul plaisir n'est éternel, 2. par extension, car nul plaisir n'est sans limite : la nature des choses veut que tout ce qui existe soit limité et circonscrit. Ce désir du plaisir est illimité dans le temps car, comme je l'ai dit, il ne prend fin qu'avec l'existence, et si l'homme n'éprouvait pas ce désir, il n'existerait pas. Il ne connaît pas de limites en extension car il est substantiel en nous, non pas en tant que plaisir d'un ou plusieurs plaisirs particuliers, mais en tant qu'il est désir du plaisir.[...] Venons-en aux conséquences. Si tu désires posséder un cheval, tu crois le désirer en tant que cheval, en tant que ce plaisir-ci, mais en réalité tu le désires comme plaisir abstrait et illimité. Lorsqu'enfin tu possèdes le cheval, tu en retires un plaisir nécessairement circonscrit, et tu éprouves un vide en ton âme, car ton désir réel n'a pu être contenté.

[167]Aussi n'est-il pas surprenant 1. que l'espoir soit toujours plus grand que le bien espéré, 2. que le bonheur humain ne puisse consister que dans l'imagination et les illusions.

Pascal, Pensées
Section 3, pensée 233

[...] Ne blâmez donc pas la fausseté de ceux qui ont pris un choix ; car vous n'en savez rien. -" Non ; mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix ; car, encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier."
 - Oui ; mais il faut parier ; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqués. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter. [...]

Si le lecteur a bien voulu me suivre jusqu'ici, il conviendra avec moi, j'ose croire, qu'une formulation plus adéquate de la question peut être : l'idée de Dieu est-elle nécessaire ?

La nature nous veut désirant le plaisir lui-même et non pas des plaisirs particuliers - pensons aux mots de Pascal : "si vous gagnez, vous gagnez tout" - dès lors, n'est-il pas bon - sain - que l'homme, non seulement laisse libre cours à cette aspiration à l'infini, mais surtout la cultive avec ferveur ? En quoi d'autre qu'en un culte une telle chose pourrait-elle consister ?

Et Nietzsche sait bien tout ceci car tous ses écrits émanent de ces terres désolées où la chute de Dieu a vu refluer le désir, et lorsqu'il fait déclarer à son Zarathoustra que Dieu est mort, je pense qu'il est ironique ou du moins triste, car il sait que se pose aussitôt sur ses épaules l'immense projet et devoir qu'est l'avènement du nouveau Dieu qui verra affluer le désir à nouveau vers les strates les plus nobles du genre humain. On peut à ce titre aller consulter la préface du Gai savoir où il est immédiatement question de "foi ranimée en un demain et un après demain, du brusque sentiment et pressentiment d'avenir, de proches aventures, d'un grand large de nouveau offert, de buts de nouveau permis, auxquels on croit de nouveau". Les thèmes du dionysiaque et du sur-homme sont les avatars de son Dieu, nouveau-ancien comme il se doit, dont on trouvera la forme la plus générique dans le concept de volonté de puissance.

Considérant les seuls faits que le désir est infini en extension et que nous sommes des êtres de langage, ne peut-on pas déjà conclure que l'être humain produit du divin, quoi qu'il en soit ? Selon deux axes : en premier lieu il produit "l'Absoluité" elle-même, en tant que territoire qui se dresse devant lui ou disons par-delà lui, et tout élan utopique est déjà écho du divin, car enfin il se condense en l'idée du divin et y est contenu tout entier en substance, en second lieu parce qu'avec cet absolu, sans cesse repoussé et refluant, le rapport le plus puissant qu'il peut entretenir consiste en Dieu, en vertu de ce qui vient d'être établi et de ce qui suit : Dieu est la promesse d'un plaisir infini en durée comme en extension, en même temps qu'il en est la production - et ainsi de la foi comme le démontre Pascal à son vénal interlocuteur imaginaire.

descriptionDe la nécessaire existence de Dieu. EmptyRe: De la nécessaire existence de Dieu.

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Zingaro a écrit:
Considérant les seuls faits que le désir est infini en extension et que nous sommes des êtres de langage, ne peut-on pas déjà conclure que l'être humain produit du divin, quoi qu'il en soit ? Selon deux axes : en premier lieu il produit "l'Absoluité" elle-même, en tant que territoire qui se dresse devant lui ou disons par-delà lui, et tout élan utopique est déjà écho du divin, car enfin il se condense en l'idée du divin et y est contenu tout entier en substance, en second lieu parce qu'avec cet absolu, sans cesse repoussé et refluant, le rapport le plus puissant qu'il peut entretenir consiste en Dieu, en vertu de ce qui vient d'être établi et de ce qui suit : Dieu est la promesse d'un plaisir infini en durée comme en extension, en même temps qu'il en est la production - et ainsi de la foi comme le démontre Pascal à son vénal interlocuteur imaginaire.

Bonjour Zingaro,

Cet absolu, source d'absoluité que vous évoquez, n'est-il pas en définitive la cause première de l'univers, paré de tous ses attributs d'infinis autant éventuellement physiques que ceux de pensée et de langage que les humains lui prêtent ?

Quant à l'idée de divinité, n'est-elle pas que l'attribution toute humaine d'une volonté à cette cause ?

Je vous poserai donc la question : Vous paraît-il d'un intérêt particulier de prêter une volonté à la cause de la réalité ?

descriptionDe la nécessaire existence de Dieu. EmptyRe: De la nécessaire existence de Dieu.

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Bonjour !

Franchement, je ne pense pas être à la hauteur. "La cause première de l'univers" : cela semble tout à fait inaccessible ! Je ne suis même pas certain de quel type de cause nous parlerions. Mais il faut dire que si j'appliquais ce que j'ai cru avoir compris et dont l'ouverture de ce fil de discussion est un fruit, alors je considérerais vos propos avec une grande attention.

Pour la dernière question, tout de même : j'observe que la réalité est en devenir, en ce sens je peux lui prêter une "volonté", voire même plusieurs ; elle n'évolue pas n'importe comment. Mais je ne suis pas certain que ce soit ce que vous entendiez par "prêter une volonté". Aussi je vous invite à préciser ce point, ne sachant vraiment quelle est la question.

Avez-vous bien lu mon post précédent ? Il ne s'agit pas tant de prêter une volonté à la cause de la réalité, que se demander s'il n'est pas dans l'ordre de choses que nous concevions du divin avec lequel entrer dans un rapport disons spirituel, d'élévation. Et ensuite de se demander si nous pouvons faire autrement quoi qu'il en soit (question sous-entendue : quelles "idées" ou "entités" jouent ce rôle en fait ?)

descriptionDe la nécessaire existence de Dieu. EmptyRe: De la nécessaire existence de Dieu.

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Zingaro a écrit:
Franchement, je ne pense pas être à la hauteur.

En tout cas, largement autant que moi.

Zingaro a écrit:
"La cause première de l'univers" : cela semble tout à fait inaccessible ! Je ne suis même pas certain de quel type de cause nous parlerions.

Bonjour,

Personne n'en a la moindre idée. Mais de deux choses l'une :
- Soit nous renonçons à la causalité : chaque chose dans l'univers a une cause, mais l'univers n'en a aucune : il est, et c'est tout.
Pourquoi pas, mais la réflexion s'arrête vite.
- Soit nous acceptons la causalité : l'univers a une cause, comme chaque chose qui le compose : il est, parce que...
Et si nous sommes incapables de compléter la phrase, au moins considérons-nous qu'il existe un "parce que", même si nous ne le connaîtrons jamais.
Personnellement, - par éducation ? -, j'ai du mal à renoncer à la causalité.

Zingaro a écrit:
Pour la dernière question, tout de même : j'observe que la réalité est en devenir, en ce sens je peux lui prêter une "volonté", voire même plusieurs ; elle n'évolue pas n'importe comment. Mais je ne suis pas certain que ce soit ce que vous entendiez par "prêter une volonté". Aussi je vous invite à préciser ce point, ne sachant vraiment quelle est la question.

J'ai employé le mot "volonté" comme j'aurais pu - dû ? - écrire "conscience".
Si la pierre tombe, je me dis qu'il n'y a pas besoin d'une conscience ou d'une volonté pour cela : un principe gravitationnel est à l’œuvre.
S'il se produit un orage, je me dis qu'il n'y a pas besoin d'un Zeus ou d'un Odin pour lancer les éclairs : quelques principes électrostatiques sont à l’œuvre.
J'étends cette vue à l'ensemble.
S'il existe une réalité, je me dis qu'il n'y a pas besoin d'une conscience ou d'une volonté pour cela : un principe fondamental, si inconcevable nous soit-il, est à l’œuvre.
Je me demanderais donc ce que le fait d'attribuer une conscience ou une volonté à ce principe, la "cause première", le fait de l'anthropomorphiser en quelque sorte, peut apporter comme connaissance à une réflexion sur cette réalité.

Zingaro a écrit:
Il ne s'agit pas tant de prêter une volonté à la cause de la réalité, que se demander s'il n'est pas dans l'ordre de choses que nous concevions du divin avec lequel entrer dans un rapport disons spirituel, d'élévation. Et ensuite de se demander si nous pouvons faire autrement quoi qu'il en soit (question sous-entendue : quelles "idées" ou "entités" jouent ce rôle en fait ?)

Que je le veuille ou non, je ne cesse de rencontrer ce mot de "Dieu" - au singulier avec une majuscule - dans beaucoup d'écrits de notre culture.
Ce mot-concept paraît avoir marqué les esprits. Comme à en être devenu une sorte d'évidence.
Raison de plus, en effet, pour l'interroger.

Que nous concevions du divin me paraît relever de la psychologie. Si une personne croit, quel est son besoin de croire ?
Que nous concevions un besoin d'élévation, je dirais plutôt "mentale" ou "intellectuelle" que "spirituelle", soit ; mais pourquoi évoquer du "divin" ? L'étude des sciences, ou une pratique à la mode, le mindfullness, me paraissent pouvoir y répondre, et il y en a sans doute d'autres.

descriptionDe la nécessaire existence de Dieu. EmptyRe: De la nécessaire existence de Dieu.

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Commissaire a écrit:

S'il existe une réalité, je me dis qu'il n'y a pas besoin d'une conscience ou d'une volonté pour cela : un principe fondamental, si inconcevable nous soit-il, est à l’œuvre.
Je me demanderais donc ce que le fait d'attribuer une conscience ou une volonté à ce principe, la "cause première", le fait de l'anthropomorphiser en quelque sorte, peut apporter comme connaissance à une réflexion sur cette réalité.

En effet : qu'est-ce que ça apporte ? Ce n'est pas dans la ligne directe du sujet (qui est bien "psychologique" comme vous avez dit) mais pourquoi pas, c'est tout aussi intéressant.
Remarquons que l'idée d'une cause première n'est peut-être pas tout à fait étrangère à notre "humanité". Reste que nous cherchons à connaître la chose, quelle qu'elle soit et nous ouvrons donc à sa pleine et entière étrangeté ("si inconcevable nous soit-il"). Et donc il ne suffit pas de dire que nous anthropomorphisons l'univers lorsqu'une cause première lui est attribuée a priori, pour disqualifier la recherche d'une telle cause. J''appliquerais le même raisonnement à l'attribution d'une volonté à la cause de la réalité. Je ne sais pas ce que ça apporte, je ne vois pas non plus ce que ça empêche.
Mais plus encore que les réponses, c'est la recherche que je trouve stupéfiante. Et qui pourra éventuellement permettre de revenir vers la perspective initiale du sujet.
Je ne crois pas que l'on ait constaté l'existence de sociétés humaines dotées du langage et qui aient renoncé à penser le monde, à en donner une origine et à lier toutes ces choses dans un réseau de significations. Mais pourquoi donc ? Quel étrange animal...


Que nous concevions du divin me paraît relever de la psychologie. Si une personne croit, quel est son besoin de croire ?
Que nous concevions un besoin d'élévation, je dirais plutôt "mentale" ou "intellectuelle" que "spirituelle", soit ; mais pourquoi évoquer du "divin" ? L'étude des sciences, ou une pratique à la mode, le mindfullness, me paraissent pouvoir y répondre, et il y en a sans doute d'autres.

Cette pratique du miindfullness est particulièrement intéressante lorsqu'on la rapporte à :
Leopardi a écrit:
Ce désir ne connaît pas de limites ni 1. en durée, ni 2. en extension. Il n'existe donc aucun plaisir qui lui soit équivalent 1. par sa durée, car nul plaisir n'est éternel, 2. par extension, car nul plaisir n'est sans limite : la nature des choses veut que tout ce qui existe soit limité et circonscrit.

En effet, dans la recherche de la "pleine conscience" il y a l'idée d'une progression potentiellement infinie, et en ce sens elle correspond bien à ce que j'essayais de mettre en mots. Mais je crains que, la promesse tenue par cette pratique renvoyant à ce monde-ci, ceux qui la pratiquent ne comblent pas tout à fait leur "aspiration spirituelle". Car ils buteront toujours sur des résultats limités tandis que ce qui les pousse à pratiquer, c'est un désir infini comme le décrit Leopardi. L'idée du divin a cet avantage qu'elle renvoie à un ailleurs. Elle se nourrit de cet écart entre le désir, infini, et une existence et des plaisirs nécessairement finis.
Leopardi a écrit:
Aussi n'est-il pas surprenant 1. que l'espoir soit toujours plus grand que le bien espéré, 2. que le bonheur humain ne puisse consister que dans l'imagination et les illusions.
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