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Apprendre à définir la démocratie

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descriptionApprendre à définir la démocratie - Page 6 EmptyRe: Apprendre à définir la démocratie

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Une démocratie peut mener au despotisme, aussi bien quand le souverain qui concentre le pouvoir dans ses mains et l'exerce dans ses intérêts est une minorité à la tête de l'État que lorsqu'il y a une forme de dictature de la majorité du peuple sur l'ensemble de la société, écrasant alors toute dissidence. Mais la minorité peut instrumentaliser son discours en visant ses propres fins tout en prétendant agir au nom de l'intérêt du plus grand nombre. Or en Chine la population est éduquée, à coup de propagande, à se soumettre à l'État qui est rendu légitime puisqu'il viserait le bien commun. Mais on a éduqué les Chinois de manière à ce qu'ils se reconnaissent dans l'État et qu'ils ne sachent pas vouloir autre chose que cette domination étatique exercée sur eux et à laquelle ils travaillent. Il faudrait une éducation libérale pour qu'ils soient en mesure de distinguer par eux-mêmes ce qu'ils veulent, de procéder à des jugements politiques et d'influencer les partis et leur offre politique. Mais la servitude volontaire est renforcée par le fait que le Parti promet le bien-être au peuple : certes, les Chinois ont la chance de voir leur pays émerger, une classe moyenne se développe, mais à quel prix ? Et pourquoi voudraient-ils être libres, pouvoir décider de leur gouvernement, c'est-à-dire avoir la possibilité de changer une politique efficace ? Et comment la classe moyenne pourrait-elle vouloir la liberté pour les exploités qui triment dans l'anonymat le plus complet et qui assurent les conditions de ce développement économique qui profite à tout un pan de la population au détriment d'un autre (voyez, d'ailleurs, combien les manifestations de travailleurs sont réprimées par l'armée) ? Quant au pouvoir, il est accaparé par l'État, lui-même instrument de domination du Parti via la bureaucratie et l'armée. (En ce qui concerne le système des grands électeurs, on ne peut parler de démocratie puisqu'il n'y a pas d'égalité politique entre les citoyens et le titre qui permet de voter s'appuie, je suppose, sur la fortune et sur l'influence que l'on a dans le Parti. On pourra toujours dire que la France a connu le vote censitaire et ce système des grands électeurs, et qu'on appelait ça à l'époque la démocratie, il ne semble pourtant pas que cela soit acceptable parce que le corps électoral représente bien plus un ensemble d'intérêts financiers que le corps civil lui-même qui ne peut accéder au vote ; par ailleurs, sans le pluralisme on ne peut parler de démocratie ou de liberté politique : quelles que soient les différentes tendances communistes on reste au sein du même Parti, sans possibilité de le contester.)

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Silentio a écrit:
Une démocratie peut mener au despotisme, aussi bien quand le souverain qui concentre le pouvoir dans ses mains et l'exerce dans ses intérêts est une minorité à la tête de l'État que lorsqu'il y a une forme de dictature de la majorité du peuple sur l'ensemble de la société, écrasant alors toute dissidence. Mais la minorité peut instrumentaliser son discours en visant ses propres fins tout en prétendant agir au nom de l'intérêt du plus grand nombre. Or en Chine la population est éduquée, à coup de propagande, à se soumettre à l'État qui est rendu légitime puisqu'il viserait le bien commun. Mais on a éduqué les Chinois de manière à ce qu'ils se reconnaissent dans l'État et qu'ils ne sachent pas vouloir autre chose que cette domination étatique exercée sur eux et à laquelle ils travaillent. Il faudrait une éducation libérale pour qu'ils soient en mesure de distinguer par eux-mêmes ce qu'ils veulent, de procéder à des jugements politiques et d'influencer les partis et leur offre politique. Mais la servitude volontaire est renforcée par le fait que le Parti promet le bien-être au peuple : certes, les Chinois ont la chance de voir leur pays émerger, une classe moyenne se développe, mais à quel prix ? Et pourquoi voudraient-ils être libres, pouvoir décider de leur gouvernement, c'est-à-dire avoir la possibilité de changer une politique efficace ? Et comment la classe moyenne pourrait-elle vouloir la liberté pour les exploités qui triment dans l'anonymat le plus complet et qui assurent les conditions de ce développement économique qui profite à tout un pan de la population au détriment d'un autre (voyez, d'ailleurs, combien les manifestations de travailleurs sont réprimées par l'armée) ? Quant au pouvoir, il est accaparé par l'État, lui-même instrument de domination du Parti via la bureaucratie et l'armée. (En ce qui concerne le système des grands électeurs, on ne peut parler de démocratie puisqu'il n'y a pas d'égalité politique entre les citoyens et le titre qui permet de voter s'appuie, je suppose, sur la fortune et sur l'influence que l'on a dans le Parti. On pourra toujours dire que la France a connu le vote censitaire et ce système des grands électeurs, et qu'on appelait ça à l'époque la démocratie, il ne semble pourtant pas que cela soit acceptable parce que le corps électoral représente bien plus un ensemble d'intérêts financiers que le corps civil lui-même qui ne peut accéder au vote ; par ailleurs, sans le pluralisme on ne peut parler de démocratie ou de liberté politique : quelles que soient les différentes tendances communistes on reste au sein du même Parti, sans possibilité de le contester.)

Silentio, vous avez une réelle capacité d'argumentation, ce texte est magnifique, je vais voir si je peux "jeter une dernière cartouche" :

vous dites que "l'État serait légitime car il veut le bien commun..." pour finalement arriver à la conclusion que cet État ne veut pas le bien commun car il a une politique d'embrigadement. Mais alors qu'est-ce que le "bien commun" ? Est-ce comme vous semblez le définir, donner la capacité pour tout citoyen d'avoir une certaine connaissance des choses afin qu'il puisse faire des choix éclairés ? Si c'est cela votre postulat, est-ce que vous trouvez que les Français, par exemple sont suffisamment instruits pour orienter la vie politique et la gouvernance du pays ?
J'avoue ne pas tellement avoir confiance dans les choix du peuple (il n'y a qu'à voir la montée des extrémismes en Europe, on a déjà eu un chancelier autrichien plus que douteux, d'autre part l’histoire a montré qu'être cultivé ou bien éduqué n'épargne pas d'être du côté des barbares). Je ne suis pas non plus pour une dictature, au fond je ne sais pas trop quelle solution est la meilleure. Tout dépend sans doute de ce que l'on met derrière "le bien commun"...

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Pour reprendre la pertinente réflexion de Kthun toute démocratie est articulée au sein d'une tension entre deux concepts : la liberté et l'égalité.
Si vous voulez vraiment définir la démocratie vous ne pouvez écarter la réflexion à faire entre l'association et la mise en opposition de ces deux fondements.
Soit l'on prend l'exemple des États-Unis qui ont donné la primauté à la liberté et au respect des libertés individuelles jusqu'à l'excès, et où les inégalités sont assumées, soit vous prenez le modèle chinois qui idéalement avait vocation à prôner une stricte égalité quitte à annihiler toute liberté individuelle.
Il est également possible de comprendre le malaise politique en France. Nous n'assumons pas l'idée de faire un choix, privilégier l'égalité ou privilégier la liberté individuelle. En réalité ce choix est fait mais il n'est pas avoué. Cela fait bien longtemps que l'égalité a été écartée mais nos chers représentants ne peuvent le reconnaître tant ils ont lié l'égalité à la "justice sociale". Vous avez donc un peuple qui se méfie de ses représentants, ne comprenant pas qu'il y ait si peu d'égalité quand ces derniers la mettent en avant constamment.
Par conséquent tout modèle démocratique est confronté à ce choix, cette prise de position pour fonder l'État. J'ai volontairement pris trois États assez excessifs dans leurs visions de la démocratie, il existe bien sûr bon nombre de nuances.

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nnikkolass je vous encourage vivement à lire Tocqueville. Sa réflexion s'articule parfaitement avec les problématiques soulevées dans ce fil : Comment assurer la Liberté dans un régime Démocratique (dans le sens que Tocqueville donne du terme) ?

Pour vos deux interrogations :
- Et enfin, quel serait le meilleur régime de gouvernance pour un état ? la démocratie ? la dictature éclairée ? la République ? etc.
- Et enfin dans notre démocratie, s'il faut repérer l'homme politique le plus compétent pour le mettre en pouvoir, sur quels critères objectifs pouvons-nous choisir ?

Lisez Aristote et Platon. Il n'existe pas de solution "toute faite" (je le dis sans animosité aucune). Il faut prendre en compte un contexte historique, une structure économique (une infrastructure pour reprendre Marx), un héritage culturel.
Culturellement la Démocratie nous apparaît comme le système le plus cohérent. Mais c'est un acquis culturel issu d'une longue tradition de pensée. Puis l'organisation du régime démocratique - j'entends la place, le rôle de l'État par exemple - fait débat. Le XIXe français en est un exemple formidable.

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Merci pour vos conseils, j'ai déjà lu Platon et un peu Aristote (je savais déjà qu'il n' y a pas de réponse simple sur le sujet, voire même s'il y en une), mais pas Tocqueville...

Voici un petit texte que j'ai trouvé, j'avoue ne pas avoir lu Huxley... Du coup, je me demandais si c'était ironique ou s'il pensait vraiment que la solution est d'amoindrir le plus possible la capacité de raisonnement du peuple pour qu'il devienne obéissant à un pouvoir, laissant croire qu'il est démocratique alors qu'en fait il est une dictature ? Comme je ne connais pas Huxley, j'ai du mal à savoir si c'est du lard ou du cochon, voire une critique de nos démocraties actuelles. Qu'en pensez-vous ?

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées.

Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser.

On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.

Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclu du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.

Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir ».

Extrait du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley (1932).


"La dictature parfaite aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s'évader. Un système d'esclavage où grâce à la consommation et au divertissement les esclaves auraient l'amour de leur servitude."

Aldous Huxley (1864-1963), écrivain britannique, auteur du livre Le Meilleur des Mondes.
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