Portail philosophiqueConnexion

Bibliothèque | Sitographie | Forum

Philpapers (comprehensive index and bibliography of philosophy)
Chercher un fichier : PDF Search Engine | Maxi PDF | FreeFullPDF
Offres d'emploi : PhilJobs (Jobs for Philosophers) | Jobs in Philosophy
Index des auteurs de la bibliothèque du Portail : A | B | C | D | E | F | G | H | I | J | K | L | M | N | O | P | Q | R | S | T | U | V | W | X | Y | Z

Irrationalité et déterminisme.

power_settings_newSe connecter pour répondre
3 participants

descriptionIrrationalité et déterminisme. EmptyIrrationalité et déterminisme.

more_horiz
Bonjour,

Dans le cadre d'un déterminisme absolu, je me demandais si une personne pouvais avoir une pensée irrationnelle, c'est-à-dire qui ne soit pas issue du jugement, autrement dit : L’irrationalité est-elle compatible avec le déterminisme ? 

Je vous remercie des éléments de réponse que vous pourriez m'apporter.

descriptionIrrationalité et déterminisme. EmptyRe: Irrationalité et déterminisme.

more_horiz
Bonjour,

Le sujet que vous proposez est intéressant, cependant il me semble qu'il est équivoque : il est en effet possible d'entendre plusieurs choses par « déterminisme absolu », la plus radicale étant une réalité où tout serait nécessaire et prédéterminé, où nous ne serions que des automates soumis à un destin.
Parmi les autres formes de déterminismes extrêmes, le système spinoziste est particulièrement intéressant et pourrait vous apporter des éléments de réflexions. En effet dans un tel système tout est nécessaire, c'est-à-dire le produit d'un enchaînement causal inflexible. Ce tout, Spinoza le nomme Deus sive natura ― Dieu ou la nature (« ou » au sens de « c'est-à-dire », comme le précise justement R. Misrahi dans sa traduction de L'Éthique qui est la meilleure à mon sens) — nécessairement infini et à la fois tout ce qui est, et qui produit ce qui est ; Spinoza parlerait de « nature naturante » et de « nature naturée » qui sont la même chose, puisqu'il s'agit d'une ontologie de l'Un, vue sous deux perspectives différentes, pourrait-on dire.
Dans ce système, là très vulgairement esquissé, la raison est ce qui permet à l'homme d'avoir des « idées adéquates », c'est-à-dire de connaître la nature, Dieu, l'univers ou comme on voudra l'appeler. Or la raison est en concurrence avec l'imagination et, plus généralement, tout type d'affect.
Dès lors, et j'espère apporter ici un élément de réponse, oui l'irrationalité est compatible avec le déterminisme attendu que l'homme n'est pas seulement raison.

Il faut cependant avouer que la réponse n'est pas satisfaisante : il y manque au moins une définition de la raison. En effet, j'ai naïvement répondu en considérant la raison comme une instance indépendante, autonome et auto-productrice de raisonnement — ce qui n'est pas une tautologie. J'avoue cependant ne pas être particulièrement compétent en la matière ; je propose ainsi de relancer la discussion à partir du statut de la raison car la question fondamentale est : comment penser la raison, particulièrement dans son rapport à ce que l'on appelle plus généralement l'intelligence et l'intelligible ? Y a-t-il autonomie de la raison vis-à-vis de tout ce qui, chez l'homme, permet la création de connaissances (sens, imagination, etc.) ? La raison est-elle vraiment séparée des objets qu'elle croit traiter ?

Le statut de la raison est donc complexe mais fertile ; si elle est partie prenante, constituée — et donc constitutive — de la réalité qu'elle analyse, elle sera certainement prise dans un schéma de type « déterminisme absolu ». La raison purement autonome, véritablement neutre pourra cependant — même dans un schéma déterministe donc — constituer au mieux l'instance de la liberté humaine, au pire l'instrument d'un contre-déterminisme — car comme le dit l'adage, « la logique est implacable » — concurrent : en ce sens alors le paradoxe serait un hiatus révélant cette concurrence des déterminismes, le moteur de la logique d'une part et le principe de l'absurdité du réel d'autre part.
Là la liberté humaine serait réduite à une sensation intellectuelle, si l'on peut dire, acquise lorsque est formulé un énoncé grammaticalement correct, sémantiquement vraisemblable et conforme aux lois régissant le réel a priori, mais inacceptable par la raison. Il s'agirait alors d'exalter cette sensation pour véritablement se sentir libre, c'est-à-dire être par delà tout déterminisme. Le paradoxe serait la liberté acquise par une sorte de mise en sur-régime de l'enchaînement nécessaire des idées logiques confrontées à l'expérience du réel par ailleurs : là serait la source et l'aboutissement de l'irrationalité de notre rapport au monde et aux idées ; c'est l'irrationalité du rationnel érigée en symbole de la liberté.

Je ne sais pas ce que vaut cette maquette d'essai, mais enfin son but premier est de permettre de poursuivre la conversation. Ainsi si peu de choses ont été dites, et assez mal, il faut espérer qu'il y a là matière à contredire, préciser ou même transformer, bref à discuter !

descriptionIrrationalité et déterminisme. EmptyRe: Irrationalité et déterminisme.

more_horiz
Faute de solution logique au problème de la cause première, l'homme a inventé une solution irrationnelle, une cause sans cause, Dieu créateur de l'Univers (http://www.danielmartin.eu/Philo/Determinisme-p.htm ; Principes de logique : causalité, homogénéité, raison suffisante, etc. ; http://www.danielmartin.eu/Philo/Determinisme.pdf ; http://www.danielmartin.eu/Philo/Resume.pdf ; http://www.danielmartin.eu/)

Dernière édition par BOUDOU le Jeu 21 Déc 2017 - 16:10, édité 1 fois

descriptionIrrationalité et déterminisme. EmptyRe: Irrationalité et déterminisme.

more_horiz
Spinoza a dépassé le problème de la cause première : Dieu, ou la Nature, est de toute éternité. Il n'y a pas de cause première à proprement parler. L'ontologie spinoziste considère que ce qui est est, et que ce qui n'est pas ne peut pas être, c'est un système de nécessité absolument positif, auto-générateur. Il n'y a pas de commencement.
En d'autres termes le monde n'a pas été créé par un « Dieu créateur », le réel est sa propre limite, son propre moteur.

L'objection n'atteint donc pas le système déterministe spinoziste.

À titre personnel j'enrichit volontiers la cosmologie déterministe de Spinoza de la pensée tragique développée par Clément Rosset que j'ai découvert récemment. En effet la contradiction apparente entre une philosophie déterministe et une pensée du hasard est, je crois, facilement balayée par un argument d'échelle et une légère inflexion intellectuelle, une petite déroute philosophique en somme ; certes aujourd'hui la connaissance fait sa place au hasard pur — je pense à la physique quantique — mais à échelle humaine, la vérité est causale ! Ainsi comme il est plus commode d'utiliser la physique de Newton sur Terre plutôt que celle d'Einstein, pensé-je qu'il est également plus réconfortant d'utiliser la philosophie de Spinoza plutôt que celle de Rosset dans la vie de tous les jours. Ma réflexion en est à ses débuts sur ce sujet et je serais ravi d'en parler avec plus savant que moi ; je dois avouer que j'ai bien peur de manquer de courage philosophique pour faire face, lucidement, à l'absence abyssale de réconfort face à la mort et pire, face à l'absence de vie comme « événement » à l'échelle cosmique.
Ce paragraphe risque de paraître obscur à ceux qui n'auraient pas lu l'Éthique ou La logique du pire, je m'en excuse. Je recommande par ailleurs ces deux lectures et serais ravi de m'entretenir dessus avec quelque âme en quête, comme moi, d'une amitié philosophique.

descriptionIrrationalité et déterminisme. EmptyRe: Irrationalité et déterminisme.

more_horiz
Clément Rosset, Logique du pire a écrit:
Le rire exterminateur signifie donc, en dernière analyse, la victoire du chaos [irrationalisme ?] sur l'apparence de l'ordre [déterminisme ?] : la reconnaissance du hasard comme vérité de ce qui existe.


Dernière édition par BOUDOU le Jeu 21 Déc 2017 - 17:52, édité 1 fois
privacy_tip Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
power_settings_newSe connecter pour répondre