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L'invention de la philosophie précède-t-elle Platon ?

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Bonjour à tous !

Je viens vers vous afin de vous demander votre avis sur la vision du philosophe chez Platon. Cette vision, qui se retrouve dans l'allégorie de la caverne, est-elle la suivante ? Une fois la quête vers la connaissance parfaite accomplie, tout cela grâce à l'aide d'un philosophe déjà expérimenté, seul à pouvoir accéder aux idées, l'homme qui est devenu éclairé par son accession à la connaissance parfaite doit redescendre dans la caverne afin d'éclairer les autres individus de l'état dans lequel ils se trouvent : l'obscurité, et les amener à leur tour à la vérité. Le rôle du philosophe est donc d'être un médiateur, un professeur, un pédagogue du chemin à parcourir entre l'obscurité de la caverne et la lumière de l'extérieur jusqu'à atteindre la connaissance parfaite. De cette description, si elle est juste, découlent plusieurs questions :
1) qui est le philosophe originel qui a aidé le premier homme à se sortir de l'obscurité ? N'est-ce pas mettre le rôle du philosophe dans une centralité un peu trop exagérée ?
2) le philosophe qui aide les hommes à sortir de l'obscurité afin d'atteindre la vérité est-il forcément bon pour Platon ? Le problème posé par la vision du philosophe chez Platon est que son rôle est linéaire, dénué de contraste, de tout jugement politique et moral. Le philosophe aide à atteindre la vérité mais cette vérité qui devrait être unique, puisqu'elle représente seulement les idées, peut-elle être interprétée comme La vérité du philosophe, c'est-à-dire ses idées ?

Dernière édition par Euterpe le Mer 20 Juil 2016 - 17:34, édité 2 fois

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Bonjour,

Je ne suis pas du tout une spécialiste de Platon, mais outre l'allégorie de la caverne du livre VII de la République, je trouve ces deux autres textes - un peu moins connus peut-être - très éclairants. Je vous les recommande :

- Théétète (150b à 151b environ) : La médiation du philosophe

SOCRATE : - Tel est donc l’office des sages-femmes : il est inférieur au mien. Il n’arrive pas en effet aux femmes d’enfanter, tantôt des chimères et tantôt des êtres véritables, ce qui n’est pas aisé à reconnaître. Si cela leur arrivait, le plus grand et le plus beau travail des sages-femmes serait de distinguer le vrai du faux. Ne le crois-tu pas ? THÉÉTÈTE : - Si. SOCRATE : - Mon art d’accoucheur comprend donc toutes les fonctions que remplissent les sages-femmes ; mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes et qu’il surveille leurs âmes en travail et non leurs corps. Mais le principal avantage de mon art, (150c) c’est qu’il rend capable de discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai. J’ai d’ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a fait souvent d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. Et la raison, la voici ; c’est que le dieu me contraint d’accoucher les autres, mais ne m’a pas permis d’engendrer. Je ne suis donc (150d) pas du tout sage moi-même et je ne puis présenter aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui s’attachent à moi, bien que certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorants, font tous, au cours de leur commerce avec moi, si le dieu le leur permet, des progrès merveilleux non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair comme le jour qu’ils n’ont jamais rien appris de moi, et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s’ils en ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi (150e). Et voici qui le prouve. Plusieurs déjà, méconnaissant mon assistance et s’attribuant à eux-mêmes leurs progrès sans tenir aucun compte de moi, m’ont, soit d’eux-mêmes, soit à l’instigation d’autrui, quitté plus tôt qu’il ne fallait. Loin de moi, sous l’influence de mauvais maîtres, ils ont avorté de tous les germes qu’ils portaient, et ceux dont je les avais accouchés, ils les ont mal nourris et les ont laissés périr, parce qu’ils faisaient plus de cas de mensonges et de vaines apparences que de la vérité, et ils ont fini par paraître ignorants à leurs propres yeux comme aux yeux des autres (151a). Aristide, fils de Lysimaque, a été un de ceux-là, et il y en a bien d’autres. Quand ils reviennent et me prient avec des instances extraordinaires de les recevoir en ma compagnie, le génie divin qui me parle m’interdit de renouer commerce avec certains d’entre eux, il me le permet avec d’autres, et ceux-ci profitent comme la première fois. Ceux qui s’attachent à moi ressemblent encore en ce point aux femmes en mal d’enfant : ils sont en proie aux douleurs et sont nuit et jour remplis d’inquiétudes plus vives que celles des femmes. Or ces douleurs, mon art est capable (151b) et de les éveiller et de les faire cesser.


- La figure du philosophe à travers Thalès (Théétète) :
XXIV. — Puisque c’est ton avis, à ce que je vois, je vais parler des coryphées ; car à quoi bon faire mention des philosophes médiocres ? Des premiers, il faut dire d’abord que, dès leur jeunesse, ils ne connaissent pas quel chemin conduit à (173d) l’agora, ni où se trouvent le tribunal, la salle du conseil ou toute autre salle de réunion publique. Ils n’ont ni yeux, ni oreilles pour les lois et les décrets proclamés ou écrits. Quant aux brigues des hétairies qui disputent les charges, aux réunions, aux festins, aux orgies avec accompagnement de joueuses de flûte, ils n’ont même pas en songe l’idée d’y prendre part. Est-il arrivé quelque bonheur ou quelque malheur à l’État ; un particulier a-t-il hérité quelque défaut de ses ancêtres, hommes ou femmes, le philosophe n’en a pas plus connaissance que du nombre des gouttes d’eau (173e) de la mer. Il ne sait même pas qu’il ignore tout cela ; car, s’il s’abstient d’en prendre connaissance, ce n’est point par gloriole, c’est que réellement son corps seul est présent et séjourne dans la ville, tandis que sa pensée, considérant tout cela avec dédain comme des choses mesquines et sans valeur, promène partout son vol, comme dit Pindare, sondant les abîmes de la terre et mesurant l’étendue de sa surface, poursuivant les astres (174a) par-delà le ciel, scrutant de toute façon toute la nature et chacun des êtres en son entier, sans jamais s’abaisser à ce qui est près de lui. THÉODORE : - Qu’entends-tu par là, Socrate ? SOCRATE : - L’exemple de Thalès te le fera comprendre, Théodore. Il observait les astres et, comme il avait les yeux au ciel, il tomba dans un puits. Une servante de Thrace, fine et spirituelle, le railla, dit-on, en disant qu’il s’évertuait à savoir ce qui se passait dans le ciel, et qu’il ne prenait pas garde à ce qui était devant lui et à ses pieds. La même plaisanterie s’applique à tous ceux (174b) qui passent leur vie à philosopher. Il est certain, en effet, qu’un tel homme ne connaît ni proche, ni voisin ; il ne sait pas ce qu’ils font, sait à peine si ce sont des hommes ou des créatures d’une autre espèce ; mais qu’est-ce que peut être l’homme et qu’est-ce qu’une telle nature doit faire ou supporter qui la distingue des autres êtres, voilà ce qu’il cherche et prend peine à découvrir. Tu comprends, je pense, Théodore ; ne comprends-tu pas ? THÉODORE : - Si, et je pense que tu dis vrai. SOCRATE : - Voilà donc, ami, comme je le disais en commençant, ce qu’est notre philosophe (174c) dans les rapports privés et publics qu’il a avec ses semblables. Quand il est forcé de discuter dans un tribunal ou quelque part ailleurs sur ce qui est à ses pieds et devant ses yeux, il prête à rire non seulement aux servantes de Thrace, mais encore au reste de la foule, son inexpérience le faisant tomber dans les puits et dans toute sorte de perplexités. Sa terrible gaucherie (174d) le fait passer pour un imbécile. Dans les assauts d’injures, il ne peut tirer de son cru aucune injure contre personne, parce qu’il ne connaît aucun vice de qui que ce soit, faute d’y avoir prêté attention ; alors il reste court et paraît ridicule. Quand les gens se louent et se vantent, comme on le voit rire, non pour faire semblant, mais tout de bon, on le prend pour un niais. Entend-il faire l’éloge d’un tyran ou d’un roi, il s’imagine entendre exalter le bonheur de quelque pâtre, porcher, berger ou vacher, qui tire beaucoup de lait de son troupeau. Il croit d’ailleurs que les rois paissent et traient un bétail plus rétif et plus traître que les bestiaux du pâtre, et que, faute de loisir, ils deviennent tout aussi grossiers et ignorants que les (174e) bergers, renfermés qu’ils sont dans leurs remparts, comme ceux-ci dans leurs parcs de montagne. Entend-il parler d’un homme qui possède dix mille plèthres de terre comme d’un homme prodigieusement riche, il trouve que c’est très peu de chose, habitué qu’il est à jeter les yeux sur la terre entière. Quant à ceux qui chantent la noblesse et disent qu’un homme est bien né parce qu’il peut prouver qu’il a sept aïeux riches, il pense qu’un tel éloge vient de gens qui ont la vue basse et courte, parce que, (175a) faute d’éducation, ils ne peuvent jamais fixer leurs yeux sur le genre humain tout entier, ni se rendre compte que chacun de nous a d’innombrables myriades d’aïeux et d’ancêtres, parmi lesquels des riches et des gueux, des rois et des esclaves, des barbares et des Grecs se sont succédé par milliers dans toutes les familles. Qu’on se glorifie d’une série de vingt-cinq ancêtres et qu’on fasse remonter son origine à Héraclès, fils d’Amphitryon, il ne voit là qu’une étrange petitesse d’esprit. Le vingt-cinquième (175b) ancêtre d’Amphitryon, et le cinquantième ancêtre de ce vingt-cinquième furent ce que le hasard les fit, et le sage se moque de ceux qui ne peuvent faire ce calcul ni débarrasser leur esprit de cette sotte vanité. Dans toutes ces circonstances, le vulgaire se moque du philosophe, qui tantôt lui paraît dédaigneux, tantôt ignorant de ce qui est à ses pieds et embarrassé sur toutes choses.


Pour poursuivre la lecture, notamment du second texte, voici le lien :
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/theetetefr.htm

Cordialement.

Dernière édition par Euterpe le Jeu 18 Aoû 2016 - 9:25, édité 3 fois (Raison : Mise en page)

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Comme l’indique Kaloskagathos, Platon aligne le bien et le vrai et en déduit donc que le philosophe serait le mieux à même de diriger la société. C’est une vision qu’il peut être intéressant de confronter à celle de Protagoras (dans le dialogue du même nom, voir ce passage) : au contraire de Socrate, Protagoras pense que la conduite de la cité est l’affaire de tous car tout le monde est concerné. Cette vision met effectivement en avant ce que vous appelez le côté « linéaire » de la position platonicienne. Mais ce côté linéaire vient de cette hypothèse d’un alignement du bien et du vrai. Est-ce cela que vous voulez souligner ?

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Kaloskagathos a écrit:
D'un point de vue plus historique, la philosophie est probablement apparue lorsque l'entendement s'est développé chez l'homme.


Vraiment ? Alors avant Socrate/Platon (qui inventent la philosophie), l'homme n'a pas d'entendement ? De même si le propre de l'homme est qu'il est doué de raison, il est contradictoire de dire quelque chose comme "lorsque l'entendement s'est développé chez l'homme". Du reste, où et comment datez-vous une telle chose ?

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Avant Socrate/Platon (qui inventent la philosophie)

Dans l'opinion commune. Mais que faisaient donc les présocratiques ? Je ne pense pas qu'"inventer" soit le terme. Structurer la pensée philosophique, sans doute.

Tout dépend, me semble-t-il, de la définition que l'on a de la philosophie. C'est ainsi que l'art de philosopher naît - pour beaucoup - de la capacité à s'étonner (Cf. Jeanne Hersch par exemple), et donc de la volonté de saisir la nature de la chose. Elle naît donc, sauf erreur de compréhension de ma part, de l'exercice de l'entendement, par définition. La pensée de Kaloskagathos, et la mise en parallèle de la naissance de la philosophie et le développement de l'entendement ne me choque pas.

Je ne parviens pas à saisir la contradiction dans l'expression : "L'entendement s'est développé chez l'Homme". Tout dépend sans doute de l'échelle à laquelle on se place. L'homme possède, par essence, un entendement, et cela lui est propre certes. Mais en quoi suggérer une possible croissance, un développement de cet entendement soutient-il qu'auparavant, il n'en avait nullement ? Si l'on considère un homme singulièrement, l'on pourrait faire une analogie avec la notion de conscience. Pareillement, la conscience est innée, mais elle se développe également progressivement, et l'on passe au cours de sa vie à des niveaux de conscience plus ou moins élevés. (Cf les "sentiments océaniques" de Freud. Le bébé a une conscience, mais qui est au niveau de l'éprouvé, une conscience immédiate, il se voit comme immanent au monde qui l'entoure et jouit de l'illimité. Mais la conscience de cet enfant connaîtra une évolution ! Pour passer au niveau de la représentation, de la dissociation avec le monde qui l'entoure.). Il en est de même, selon moi, pour l'entendement. Mon entendement est en moi, certes, mais il se meut, croît, et j'en fais plus ou moins l'usage. La capacité à philosopher naît, me semble-t-il, chez un individu, à partir du moment où il se dissocie de lui-même et du monde, et se questionne sur celui-ci. Ce n'est pas à tout âge. Aussi, la généralisation à l'échelle de l'espèce est-elle, peut-être, acceptable. Si les premiers hommes n'avaient qu'un entendement et une conscience limités aux "sentiments océaniques" et à la présence immédiate de ce qu'ils font, sans se dissocier d'eux-même et de la réalité, alors... Ils possèdent cet entendement, qui les définit, mais peut-être n'est-il pas assez développé pour parler de capacité à philosopher ?

N'hésitez pas à me corriger si j'ai tort ! Je suis ici pour apprendre.

Cordialement.

Dernière édition par Euterpe le Jeu 18 Aoû 2016 - 9:49, édité 5 fois (Raison : Orthographe)
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