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Révisionnisme et négationnisme.

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JimmyB
Intemporelle
Plume
7 participants

descriptionRévisionnisme et négationnisme. - Page 4 EmptyRe: Révisionnisme et négationnisme.

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Plume a écrit:
Pourtant n'est-ce pas en ce siècle qu'ont fleuri les plus scandaleuses théories révisionnistes et négationnistes ? N'est-ce pas en ce siècle, où justement les moyens d'apporter des preuves concrètes de ce qui s'est passé se sont tant diversifiés et perfectionnés, que la mise en question voire la négation pure et simple de faits d'histoire a pris l'ampleur qu'on lui connaît ? Je trouve cela pour le moins paradoxal, il n'y a pas un seul événement qualifiable de "grave" aujourd'hui qui ne trouve pas ses interprètes. La magie d'internet fait son office, proposant à qui souhaite les lire ou les visionner des documents pseudo-scientifiques appuyant les thèses les plus improbables et aliénant le jugement des personnes même les plus difficiles à manipuler. Ou du moins, en apparence, puisqu'il s'avère que je me suis trompé en beauté sur le compte de mon correspondant.


Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il y a une attirance inhérente de l'homme moderne pour les théories du complot, mais comment interpréter ce phénomène étrange qui pousse certains à nier l'évidence au profit d'une vérité alternative, comment peut-on dire "ce n'est pas possible" ? Et surtout, pourquoi me suis-je trouvé incapable de répondre ? Devant la pure négation de l'histoire telle qu'on me l'a enseignée depuis ma naissance, je me suis retrouvé nu. Rien à rétorquer, et pas même l'envie de creuser la question... Faut-il à son tour, nier la négation, faire comme si l'on n'avait rien entendu et passer à autre chose ?


Bonjour, je retrouve certaines de mes interrogations et souhaite vous faire part des éléments de réponse que j'ai rassemblés. Vous offrez l'occasion de faire un point.

D'une part, pour avoir vu, lentement, une personne qui m'était chère, sombrer, c'est le mot, dans la théorie du complot, je ne peux que contredire ce qui a été dit précédemment : il ne s'agit d'endiguer la propagation de ces idées ni par le rappel des faits, ni par un mur de paroles, car le problème se situe à un niveau psychologique, aussi répugnant que cela puisse sembler au philosophe ; une personne élevée à la théorie du complot (ça existe) sera facilement ramenée à la raison pour peu qu'on alimente son intelligence et sa curiosité : ce n'est donc pas le problème ; non, nous parlons des convaincus, qui sont aussi les missionnaires, or ceux-ci règlent un problème personnel, qu'il faut identifier, et qu'il leur faut faire identifier. Je comprends bien qu'on envisage mal cette cure, et pourtant je n'en connais pas d'autre. Ceux que l'on connaît, il faut les en extirper, pas à pas, prendre le temps, pour autant qu'on le veuille et qu'on le puisse, sans s'attaquer à leur sacro-sainte théorie, au doute qui, de toute manière, ne peut qu'être présent (même et surtout chez une personne saine d'esprit (!)), en espérant plutôt les voir toucher le nœud des problèmes et ainsi se désintéresser de ceux qui, tout compte fait, ne sont jamais que des exutoires, mais authentiquement inauthentiques.

Les problèmes (psychologiques) peuvent parfaitement être originaux, particuliers, singuliers, et pour autant conduire à une même certitude : la vie publique est une mascarade, nous sommes dominés par...  La question revient alors à comprendre ce que la théorie du complot flatte, pour plaire autant ? (Mais avant cela, Plume, je me permets de demander, sachant que vous n'avez pas à répondre, si vous êtes familier de la communauté juive ?)

Je propose d'aborder la question par la notion d'hétéronomie.

Tout d'abord, qu'est-ce que le complotisme, et le négationnisme (dans la mesure où il n'est pas falsification consciente) ? C'est le délire hétéronome par excellence : la réalité, le délire partagé, est le produit d'une entité surplombante. Pourquoi ne puis-je affronter un complotiste sur le terrain du débat ? Il conteste la valeur de la preuve : la preuve est avant tout preuve de l'existence de cette entité, de ce pouvoir supérieur. Il est absurde de croire que le complotiste n'est pas sensible au raisonnement ou à la preuve : il y est hypersensible, à l'image d'un superstitieux, il ne fait jamais qu'interpréter et se tient à l'affût de toute preuve : pourquoi est-il si actif sur internet, son domaine de prédilection ? il a besoin d'une confirmation, et en ce sens n'est pas si loin de l'historien...

La théorie du complot permet de réinvestir socialement et personnellement un traumatisme de type "hétéronomique" : l'expérience brutale et non dialectisable de l'impuissance de sujet. Exemple idiot : la disparition inexpliquée d'un être cher. La perte de contrôle, ou la prise de conscience de l'absence de contrôle sur sa propre vie, etc. Autant de problèmes qui renvoient le sujet à son assujettissement à une loi autre, venue d'ailleurs, explicitement d'ailleurs. Le sujet, me semble-t-il, trouve alors une correspondance dans la théorie du complot, selon qu'il est exposé ou non à ces idées, plus ou moins accidentellement.

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D'un point de vue pratique : s'évertuer à essayer de convaincre une personne pourrait avoir comme effet de la braquer davantage. L'influence que nous pourrions exercer serait, par conséquent, réduite à sa portion congrue. De fait l'évolution de l'itinéraire intellectuel de cet individu se limite à l'alternative suivante : soit il persiste, soit il révise son point de vue (et il serait sans doute présomptueux de croire que cela dépend de nous).

Plus généralement, ce fil m'inspire une question difficile : comment, et avec quel thermomètre, déterminer la nocivité de certaines idées ? On sait assez bien que l'enfer est pavé d'idées généreuses, de bonnes intentions et de bons sentiments. Autrement dit, les mots comptent moins que les actes (qui peuvent être criminels). L'antisémite (ou le négationniste) ne passe pas nécessairement à l'acte et vice-versa : celui qui n'est pas négationniste peut se faire complice d'un génocide. Combattre les négationnistes par un cliquetis de mots suffira-t-il à empêcher la réalisation de génocides dans les siècles à venir ?

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L’objectif est moins d’essayer de faire changer d’opinion que de vouloir enrayer la propagation de ces théories. Je ne veux pas me prononcer pour Vangelis, mais il me semble que nous défendions le même point de vue. Le noyau dur ne changera pas, mais démonter systématiquement le discours permet (c’est toute la question) d’endiguer la contamination. Puis, ne rien dire est une posture d’évitement qui n’apporte rien. Laisser déblatérer des monstruosités n’est pas tolérable. Quand bien même ce serait inefficace, n’y a-t-il pas un enjeu de vérité qu’il faut s’évertuer à défendre ?  
 
Kthun a écrit:
Plus généralement, ce fil m'inspire une question difficile : comment, et avec quel thermomètre, déterminer la nocivité de certaines idées ? On sait assez bien que l'enfer est pavé d'idées généreuses, de bonnes intentions et de bons sentiments. Autrement dit, les mots comptent moins que les actes (qui peuvent être criminels). L'antisémite (ou le négationniste) ne passe pas nécessairement à l'acte et vice-versa : celui qui n'est pas négationniste peut se faire complice d'un génocide. Combattre les négationnistes par un cliquetis de mots suffira-t-il à empêcher la réalisation de génocides dans les siècles à venir ?

Le thermomètre, c’est la possible propagation et le degré de déformation. Ne pas s’opposer avec une fermeté absolue (ce qui ne va pas contre plus de pédagogie) c’est laisser libre court à des idées dangereuses qui peuvent potentiellement amener à modifier ce que fut la réalité. Paradoxalement, je ne suis pas pour empêcher de discuter de ces sujets, au contraire. La mise au banc des négationnistes ne fait qu’apporter de l’eau à leur moulin, et confère une position de quasi-martyr qui légitime leur propos, c’est un cercle vicieux.

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Eunomia a écrit:
L’objectif est moins d’essayer de faire changer d’opinion que de vouloir enrayer la propagation de ces théories. Je ne veux pas me prononcer pour Vangelis, mais il me semble que nous défendions le même point de vue.

Je confirme.

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S'il s'agit d'essayer d'empêcher la diffusion de certaines théories alors : soit on réclame au législateur d'étendre son champ d'action et d'alourdir les peines (en faisant abstraction des effets pervers) soit on croit aux vertus du rationalisme (qui implique que les arguments rationnels feront barrage divin à la diffusion de ces théories).
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