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Sensation pure et perception (Alain, Robert Lenoble, etc.)

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Je ne suis pas certain que l'on puisse dire que les animaux ne pensent pas ou qu'ils n'ont pas de conscience.

Certaines études semblent même démontrer le contraire (certaines études tendent à démontrer qu'ils sont capables d'élaborer des processus simples, de les apprendre, de les inculquer. Ils pourraient même témoigner d'un certain niveau d’empathie, de conscience de soi, voire de la conscience de la mort ! A ce sujet, Conversation avec Koko le gorille est fort intéressant)

Bien sûr, on peut dire qu'ils n'ont pas le même niveau de pensée et de conscience. Leurs pensées et leur conscience sont différentes des nôtres. Mais leurs perceptions ne sont-elles pas aussi différentes des nôtres ?

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Ce qui vous pose une difficulté, dans le problème que vous soulevez goldo, c'est que vous n'envisagez les sensations que comme des "unités" sensorielles. Vous dites qu'il paraît impossible de saisir une sensation pure, de la "localiser", d'une certaine manière. Or, nous n'avons jamais une sensation sans en avoir d'autres en même temps. Qu'on le veuille ou pas, qu'on y mette de la bonne volonté ou pas, qu'on soit stupide ou pas, nous sommes d'emblée forcés de les organiser (perception telle que vous l'entendez). Vous êtes systématiquement en train de solliciter au moins trois sensations conjointes (le toucher : où que vous soyez, quoi que vous fassiez, vous touchez quelque chose, vous êtes toujours en contact avec quelque chose ; idem pour l'ouïe, même et surtout dans le silence, qui donne d'autant plus de relief au moindre bruit, fût-il le plus sourd ; idem pour l'odorat, même dans le milieu le plus aseptisé). La vision de son côté se poursuit par des rémanences et autres persistances plus ou moins élaborées, quand on ferme les yeux, quand on dort, etc., on "voit" encore.

N'oubliez pas qu'il ne nous est pas possible d'isoler nos cinq sens. Dans sa magnifique préface à l'un de ses plus beaux textes, L'œil vivant, Jean Starobinski parle de ce phénomène du débordement des sens les uns sur les autres, les uns dans les autres. C'est la synesthésie (pas dans son sens médical) : sensations (aesthesis) associées (syn). Si tel n'était pas le cas, il n'y aurait personne pour isoler une sensation et l'étudier, parce que nous serions plongés dans le chaos le plus total, et nous n'aurions qu'un kaléidoscope impossible à immobiliser en guise d'activité cérébrale. Et s'il n'y avait que des sensations, il n'y aurait jamais d'objets pour nous, parce que ce ne sont pas les sensations qui font les objets (il n'y a pas d'objet dans la nature) : c'est la pensée qui construit les objets ; ils lui sont donnés, mais c'est à elle de les construire.

Au début de la Critique de la raison pure, Kant a écrit un passage très éclairant à ce sujet, à propos de la sensibilité notamment, comme capacité à se représenter les choses. Les sensations mobilisent d'emblée l'activité de l'esprit.
De quelque manière et par quelque moyen qu'une connaissance puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédiatement à des objets, et que toute pensée, à titre de moyen, prend pour fin, est l'intuition. Mais celle-ci n'a lieu qu'autant que l'objet nous est donné, ce qui n'est possible, à nouveau, du moins pour nous autres hommes, que si l'objet affecte d'une certaine manière l'esprit. La capacité de recevoir (la réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets s'appelle sensibilité. C'est donc au moyen de la sensibilité que des objets nous sont donnés, et elle seule nous fournit des intuitions ; mais c'est par l'entendement qu'ils sont pensés, et c'est de lui que proviennent les concepts. Mais toute pensée doit se rapporter finalement soit en droite ligne (directe) soit par détours (indirecte), au moyen de certains caractères, à des intuitions, et par conséquent chez nous à la sensibilité, puisque aucun objet ne peut nous être donné d'une autre façon.
L'effet d'un objet sur la capacité de représentation, en tant que nous sommes affectés par lui, est la sensation.

Critique de la raison pure, I. Théorie transcendantale des éléments, Première partie : Esthétique transcendantale, §1.
Beaucoup tombent dans le "piège" de la sensation. La sensation ne consiste pas à me rapporter au monde : elle ne consiste pas en une initiative de ma part. La réalité, c'est qu'il s'agit exactement du phénomène inverse : c'est le monde qui m'affecte. C'est pourquoi il y a quelque chose de pathétique dans la mode des activités culturelles, sportives, ludiques, proposées aux amateurs de sensations aujourd'hui, parce que les gens y cherchent exactement ce qu'ils ne sauraient trouver : eux. Tous ou presque croient que la sensation est vitale parce qu'elle serait la preuve irréfutable de leur existence, comme si les sensations leur venaient d'eux. Dans les sensations, c'est le monde que je trouve, pas moi : je ne suis que la manière dont le monde m'affecte (évidemment, la combinaison de corps et d'esprit que je suis configure la sensation, participe de la manière dont le monde m'affecte, mais c'est parce qu'en naissant, nul n'est "vierge", nul n'est une feuille blanche, au contraire, la page est déjà plutôt bien remplie). En revanche, Kant est très clair, c'est la pensée comme telle qui se rapporte au monde, c'est moi, en tant que je le pense, qui me saisis du monde. La sensation, c'est le monde en tant qu'il m'affecte ; l'entendement, c'est moi en tant que je pense le monde (mais attention au sujet kantien...).

Dernière édition par Euterpe le Sam 25 Fév 2012 - 15:36, édité 1 fois

descriptionSensation pure et perception (Alain, Robert Lenoble, etc.) - Page 2 EmptyRe: Sensation pure et perception (Alain, Robert Lenoble, etc.)

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D'abord, mes excuses pour ma réponse tardive, j'étais fort occupé.

Je reprends vos propos :
Et s'il n'y avait que des sensations, il n'y aurait jamais d'objets pour nous, parce que ce ne sont pas les sensations qui font les objets (il n'y a pas d'objet dans la nature) : c'est la pensée qui construit les objets ; ils lui sont donnés, mais c'est à elle de les construire.
Au début de la Critique de la raison pure, Kant a écrit un passage très éclairant à ce sujet, à propos de la sensibilité notamment, comme capacité à se représenter les choses. Les sensations mobilisent d'emblée l'activité de l'esprit.

De quelque manière et par quelque moyen qu'une connaissance puisse se rapporter à des objets, le mode par lequel elle se rapporte immédiatement à des objets, et que toute pensée, à titre de moyen, prend pour fin, est l'intuition. Mais celle-ci n'a lieu qu'autant que l'objet nous est donné, ce qui n'est possible, à nouveau, du moins pour nous autres hommes, que si l'objet affecte d'une certaine manière l'esprit. La capacité de recevoir (la réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets s'appelle sensibilité. C'est donc au moyen de la sensibilité que des objets nous sont donnés, et elle seule nous fournit des intuitions ; mais c'est par l'entendement qu'ils sont pensés, et c'est de lui que proviennent les concepts. Mais toute pensée doit se rapporter finalement soit en droite ligne (directe) soit par détours (indirecte), au moyen de certains caractères, à des intuitions, et par conséquent chez nous à la sensibilité, puisque aucun objet ne peut nous être donné d'une autre façon.

L'effet d'un objet sur la capacité de représentation, en tant que nous sommes affectés par lui, est la sensation.

Critique de la raison pure, I. Théorie transcendantale des éléments, Première partie : Esthétique transcendantale, §1

En fait, je crois qu’il n’y a pas de discordance entre nos deux compréhensions. Peut-être simplement une différence de formulation.

Je ne dis pas que la sensation n’existe pas ni qu’elle est remplacée par la perception mais plutôt que la perception s’ajoute à la sensation, qu’elle la recouvre. Comme vous le dites, c’est bien le monde qui m’affecte, qui se donne à moi (sensation). Par contre, je pense le monde (perception).

On retrouve en gros la distinction matière et forme. C’est en quelque sorte une connaissance du monde en deux temps indissociables. C’est donc bien le monde qui m’affecte (sensation), se donne à moi. Et je structure le monde par mon entendement (perception). Il y a donc des objets pour moi.

Bien évidemment, il y a aussi et avant tout des objets en soi, conditions aux objets pour moi. Seulement, je ne peux connaître les objets en soi, je ne peux en faire l’expérience alors même que ces objets en soi sont pourtant la condition à ma perception du monde.

Il ne s’agit surtout pas de dire que la sensation n’existe pas, ni qu’elle est remplacée par la perception, ni que le monde ne nous affecte pas d'abord et avant que notre esprit le structure. Au contraire on part du principe que c’est le monde qui nous affecte d'abord, comme vous le dites. Mais je pense que nous ne pouvons l'expérimenter consciemment. Je ne pense pas que Kant dit autre chose.

Certes, il dit :
L'effet d'un objet sur la capacité de représentation, en tant que nous sommes affectés par lui, est la sensation.
Mais cela n’est pas contradictoire avec les propos ci-dessus puisque la sensation est effectivement première par rapport à la perception. Il dit également :
Mais celle-ci (l’intuition) n'a lieu qu'autant que l'objet nous est donné, ce qui n'est possible, à nouveau, du moins pour nous autres hommes, que si l'objet affecte d'une certaine manière l'esprit. La capacité de recevoir (la réceptivité) des représentations grâce à la manière dont nous sommes affectés par des objets s'appelle sensibilité.
Mais à nouveau, nous ne pouvons qu’être d’accord : nous ne pouvons percevoir qui ce qui nous est donné et nous affecte donc. La sensation est donc nécessaire.

D’ailleurs, Kant dit que la sensibilité est la capacité de recevoir des représentations et non la représentation. Par ailleurs, il semble qu’il faille prendre garde aux termes sensation et sensibilité chez Kant. Il me semble qu’à propos de « forme de la sensibilité » (l’espace et le temps), il est précisé dans le dictionnaire Lalande qu’il s’agit d’une traduction malheureuse, sensibilité et sensation pouvant avoir en allemand également le sens de perception.

C’est ce qui expliquerait qu’alors que l’espace et le temps seraient des structures nécessaires de l’entendement on parle pourtant des « formes de la sensibilité ». Il y aurait une sorte de confusion de termes qui peuvent être parfois plus ou moins synonymes selon le contexte :
Je ne peux percevoir (II) que ce qui m’est d’abord donné (I) de l’extérieur à travers la sensibilité ; je ne peux donner forme (II) qu’à une matière se donnant (I) ; ce qui se donne (I) se donne ici et maintenant, dans l’espace et le temps. Je ne peux donc également percevoir, donner une forme qu’à ce qui se situe dans l’espace et le temps (II).

L’espace et le temps sont donc irréductibles. Ils permettent de donner forme à ce qui se donne à moi, ils constituent en quelque sorte la forme la plus essentielle des choses lorsque l’on fait abstraction de tout le reste : les choses ne peuvent et se donner et être perçues que dans l’espace et le temps.

Merci à vous pour le dialogue.

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goldo a écrit:
Je ne dis pas que la sensation n’existe pas ni qu’elle est remplacée par la perception mais plutôt que la perception s’ajoute à la sensation, qu’elle la recouvre.
L'addition de la perception avec la sensation est  impossible car comme dit précédemment : à une sensation ne correspond pas une perception. Ensuite, la perception existe d'elle-même chez Kant, ce n'est pas un mix : « Les pensées sensitives sont les représentations de choses telles qu'elles apparaissent, et les pensées intellectuelles sont les représentations des choses telles qu'elles sont » (Kant-Lexikon, Rudolf Eisler)Je parlerais plutôt d'une confrontation du monde sensible avec notre conscience qui engendre une sensation. Et la perception serait un phénomène transcendantal sur la sensation.

goldo a écrit:
Par ailleurs, il semble qu’il faille prendre garde aux termes sensation et sensibilité chez Kant.
La distinction entre sensation et sensibilité est importante chez Kant. Le sensible est l'objet de la sensibilité (sensibilité = réceptivité du sujet). La sensation est déjà une interprétation du sujet.
goldo a écrit:
On retrouve en gros la distinction matière et forme. C’est en quelque sorte une connaissance du monde en deux temps indissociables. C’est donc bien le monde qui m’affecte (sensation), se donne à moi. Et je structure le monde par mon entendement (perception). Il y a donc des objets pour moi.
Vous utilisez mal la distinction forme et matière. Cette distinction s'applique à la sensation en tant que matière de l'intuition qui est déjà une réaction subjective de la conscience du sujet. Ce n'est pas le sens que vous choisissez, la matière n'est pas le sensible !
goldo a écrit:
Mais je pense que nous ne pouvons l'expérimenter consciemment.
C'est pourtant le but recherché en méditation.

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Anastase a écrit:
comme dit précédemment : à une sensation ne correspond pas une perception.

Plaît-il ? Ça ne correspond en rien à mon propos. La perception inclut la sensation (la perception visuelle de la couleur, etc. ; la perception sensorielle, en général...).

Anastase a écrit:
Ensuite, la perception existe d'elle même chez Kant, ce n'est pas un mix : « Les pensées sensitives sont les représentations de choses telles qu'elles apparaissent, et les pensées intellectuelles sont les représentations des choses telles qu'elles sont » (Kant-Lexikon, Rudolf Eisler)

Merci de vérifier vos sources, Anastase, pour éviter de fâcheux contresens... Si vous lisiez l'œuvre, plutôt qu'un lexique, vous verriez immédiatement où est le problème. Les choses telles qu'elles sont, on ne les connaît pas, chez Kant, par définition. On ne connaît que ce qui apparaît. Donc, en l'occurrence, les "pensées intellectuelles", autrement dit et pour reprendre la terminologie kantienne, l'entendement, s'occupent de ce qui apparaît. Quant à la perception qui existerait d'elle-même, vous la sortez de nulle part, sauf à assimiler de manière fantaisiste perception et formes pures de la sensibilité (sens externe et sens interne).

Anastase a écrit:
La sensation est déjà une interprétation du sujet.

Anastase a écrit:
l'intuition  qui est déjà une réaction subjective de la conscience du sujet. Ce n'est pas le sens que vous mettez, la matière n'est pas le sensible !

Pas chez Kant en tout cas...

Dernière édition par Euterpe le Mer 12 Fév 2014 - 1:48, édité 1 fois
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