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Le savoir empêche-t-il de croire ?

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descriptionLe savoir empêche-t-il de croire ? - Page 2 EmptyRe: Le savoir empêche-t-il de croire ?

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Puisque nous parlons de savoir et de croyance, il me semble qu'il serait intéressant de voir ce qu'en dit un scientifique emblématique du XXeme siècle tel que Albert Einstein, bien connu dans un domaine spécifique des sciences contemporaines:
Albert Einstein, interview, Berlin, le 26 octobre 1929 a écrit:
Je ne suis pas un athée. Le problème en question est trop vaste pour notre pensée limitée. Nous sommes dans la position d'un petit enfant qui entre dans une immense librairie remplie de livres écrits en de nombreuses langues. L'enfant sait que quelqu'un a dû écrire ces livres. Il ne sait pas comment. Il ne comprend pas les langages dans lesquels ils sont écrits. L'enfant suspecte vaguement un ordre mystérieux dans l'arrangement des livres mais ne sait pas ce que c'est. Là, il me semble, est l'attitude même de la plupart des êtres humains intelligents envers Dieu. Nous voyons l'univers arrangé merveilleusement et obéissant à certaines lois, mais ne comprenons seulement que vaguement ces lois.

La physique, qui a bénéficié d'un approfondissement et d'une complexification inédite, est condamnée à buter systématiquement sur une réalité qui, elle, est toujours plus insondable, plus complexe, plus mystérieuse. Nous voyons que pour Einstein si Dieu existe, c'est certes un Dieu architecte, qui se saisit bien plus par des lois mathématiques que par un culte, mais cela n’empêche que cette conception n'exclut pas la foi et le culte religieux tels qu'on l'entend communément. On peut certes affirmer qu'il y a surtout chez Einstein un sentiment religieux. 

Anecdote :
- Les Dogons pratiquent un culte fortement associé à l'astre Sirius (l’étoile la plus brillante du ciel, après le soleil, qui se trouve dans la constellation du Grand Chien ou Canis Majoris). Cette tribu a la particularité étonnante d'avoir conservé dans ses traditions cultuelles un savoir astronomique issu du fond des ages (1000 ans au plus tôt). Ils savent par exemple que la terre tourne autour du soleil et connaissent toutes les planètes de notre système solaire. Quand à l’étoile Sirius:
Les Dogons et les pétroformes a écrit:
L'étoile Sirius a en orbite autour d'elle une autre petite étoile à laquelle ils font référence en tant que "Po" et qui est considéré être composée de la matière la plus lourde de l'univers. Des représentations des ces étoiles apparaissent sur de nombreux artéfacts dogons, entre autre sur une statue examinée par les scientifiques américains, dont l'âge est établi à au moins 500 ans. Les Dogons reproduisaient l'orbite elliptique de la petite étoile et pouvaient dire le temps exact qu'elle prenait pour la compléter (environ 50 ans). Ils célébraient cet événement comme nous le faisons pour le nouvel an. 
La petite étoile en orbite autour de Sirius a été découverte par la science moderne autour de 1862 par l'astronome américain Alvan Clark, qui, avec un télescope très puissant a aperçu une plus petite lueur autour de la première étoile. Des études subséquentes ont démontré que SIRIUS B (le nom donné par les scientifiques à la deuxième étoile) complète son orbite autour de SIRIUS en 50 ans et est proportionnellement 100 000 fois plus petite. Si petite, en fait, qu'elle ne peut être vue à l'œil nue. En 1926, la science moderne occidentale a identifié SIRIUS B comme une naine blanche, une catégorie d'étoile caractérisée par sa très haute densité. Les astronomes ont estimés qu'un simple mètre cubique de la matière de SIRIUS B pèse environ 20 000 tonnes. La première photo de l'étoile a été prise aussi récemment qu'en 1970


Certains prétendent qu'ils auraient reçu tout ce savoir d'extra-terrestres. De manière plus terre à terre, d'autres tendent plutôt à affirmer qu'ils auraient reçu leur connaissances des savants de l’Égypte ancienne, puisque les recherches sur leur origine tendent à les situer en Égypte. D'autres enfin, affirment qu'il y a eu des falsifications de la part des ethnologues chargés d’étudier la cosmogonie Dogon, et que ce serait ces chercheurs qui auraient introduit toutes les connaissances sur Sirius (sans toutefois nier les connaissances sur le système solaire). Comment expliquer cet enchevêtrement de la science et de la croyance dans cette tribu ? Ici ce n'est pas le savoir qui progresse au détriment de la foi, mais plutôt la foi qui se fonde sur un savoir qui prédétermine et pose le cadre de la pratique cultuelle. En ce sens il me paraît un peu précipité d’évacuer la croyance, au motif que dans une situation particulière, dans un contexte bien particulier, il s'est trouvé que le savoir pour se construire a dû s'opposer à la foi. Bien évidemment les Dogons ne sont pas dans une position de recherche scientifique à proprement parler, ils reçoivent et transmettent un savoir, mais dont l'origine leur est inconnue, ou du moins, mystérieuse. Ils ont le résultat d'une recherche, mais il reste encore à savoir s'ils seraient capables de démontrer de quelle manière on parvient à ce résultat. Néanmoins si l'on remonte à l'Egypte ancienne, on se rend compte que la démarche était réellement scientifique, elle s'appuyait sur des connaissances mathématiques et usait bien évidemment de procédés et de méthodes propres à appréhender la réalité astronomique (cf. les différents témoignages des auteurs de la Grèce antique). Cela n’empêche pas le fait qu'en Egypte le savoir était quasi exclusivement détenu par les prêtres, donc par l’autorité cléricale. La particularité de cette organisation est que de fait dans le culte de l’Égypte pharaonique, le dogme religieux (imposé par le clergé) n'excluait pas le renouvellement du savoir et donc la recherche scientifique, bien au contraire la légitimité des prêtres reposait sur ce savoir et il était partie intégrante de leur ascèse. 

Bien à vous.

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Voici l'extrait d'un article intéressant sur ce qu'en pense Wittgenstein (Philippe Jovi) :

Philippe Jovi, Les croyances religieuses sont-elles irrationnelles? a écrit:
Wittgenstein distingue deux usages du verbe "croire" : l'usage scientifique et l'usage religieux. Dans l'usage scientifique (ex : "je crois que l'eau bout à 100°C"), la croyance est une hypothèse démontrée a priori et destinée à être vérifiée a posteriori. Si l'hypothèse se révèle fausse, alors le scientifique se posera effectivement le problème de la rationalité de sa croyance, il se demandera : "qu'est-ce qui ne va pas dans mon hypothèse ?". Pour résoudre ce problème, le scientifique refera alors ses calculs, testera ses instruments de mesure, etc., jusqu'à ce qu'il identifie la cause de son échec. Par opposition à cette forme rationnelle de croyance, dans l'usage religieux, il y a certes aussi une croyance (ex : "je crois qu'il y a une vie après la mort"). Mais une telle croyance n'est nullement une hypothèse à démontrer puis à vérifier, mais une foi qui n'a à être ni démontrée ni vérifiée : il n'y a pas de raisonnements, de calculs, d'instruments de mesure, etc. Bref, pour Wittgenstein, il n'y a aucun sens à se poser le problème de la rationalité de la croyance religieuse, parce que, à supposer qu'on se le pose, on n'aura aucun moyen de le résoudre. Bref, « quand on parle de religion, on emploie des expressions telles que "je crois que telle ou telle chose va arriver", mais cet emploi est différent de celui que nous en faisons dans les sciences. Toutefois, la tentation est grande de penser que nous employons ces expressions de cette dernière façon »(Witt­genstein, Leçons sur la Croyance Religieuse). Pour Wittgenstein, nous avons là deux "jeux de langage" différents, le jeu de langage scientifique et le jeu de langage religieux, qui se ressemblent en ce que l'un et l'autre font usage de termes communs ("je crois que...").
(...)
ce n'est que dans le jeu de langage scientifique que l'on a le droit de parler d'irrationalité dans la phase de démonstration ou dans celle de vérification. Ce n'est donc que dans la science qu'il peut y avoir défaut de rationalité que l'on devrait réparer. Oui mais voilà, Marx et Freud, Weber et Hegel, ont été tellement fascinés par le jeu de langage scientifique, qu'ils ont tous commis l'erreur de juger les croyances religieuses au moyen des critères de rationalité des croyances scientifiques : Marx et Freud en considérant que la religion est un obstacle au développement de la science (comme si le jeu de dame pouvait être un obstacle au développement du jeu d'échecs !), Weber et Hegel en faisant de la religion une étape vers le développement de la science (comme s'il fallait d'abord apprendre le jeu de dame pour pouvoir ensuite jouer aux échecs !). Encore une fois : on a là des jeux (de langage) complètement différents : la preuve en est que la science donne naissance à des théories, tandis que « une croyance religieuse fait partie d'une pratique, non d'une théorie » (Witt­genstein, Leçons sur la Croyance Religieuse). Dans la croyance scientifique, ce qui importe, c'est le contenu théorique de ce qui est dit et qui a vocation à devenir une loi à valeur universelle. Tandis que dans la croyance religieuse, ce qui est dit est indissociable de ce qu'on fait en le disant (prier, s'agenouiller, jeûner, faire la fête, etc.).

Ces extraits me semblent être pertinents dans la mesure où une réponse négative à la question posée par nescio impliquerait que l'on conçoive le développement du savoir (et de la façon de croire qui lui est propre) comme reposant sur la rationalité et donc comme étant inconciliable avec la croyance religieuse qui, elle, serait frappée d'irrationalité (ce qui est d'ailleurs la position Marxienne et Freudienne). Or ce qui est intéressant, de mon point de vue, avec Wittgenstein, c'est qu'il ne nie pas une possible superposition ou cohabitation du savoir (en tant qu’appréhension rationnelle du réel) et de la croyance religieuse (qui s'envisage ici comme une pratique). Affirmer irrationalité de la croyance religieuse au motif qu'elle serait incompatible avec les termes et les règles du jeu scientifique serait donc la conséquence, selon Wittgenstein, d'une confusion. En ce sens l'antinomie qui existe entre rationnel et irrationnel est propre au terrain de jeu (ou au domaine) scientifique, raison pour laquelle toute tentative d’étendre ces notions a un autre terrain de jeu mènerait a une confusion des règles. Ce serait comme jouer au Basket-Ball selon les règles du foot-ball. La croyance religieuse aurait ses propres règles du jeu irréductibles a toute approche scientifique, ce qui n’empêche pas la connaissance des différentes règles et des terrains auxquels elles s'appliquent:

Wittgenstein a écrit:
les philosophes ont constamment à l’esprit la méthode scientifique et sont tentés de poser des questions et d’y répondre à la manière de la science : cette tendance est la vraie source de la métaphysique qui mène le philosophe en pleine obscurité.


Philippe Jovi a écrit:
En d'autres termes, ils ont proféré des tautologies ("les croyances religieuses sont irrationnelles", "les croyances religieuses sont une étape nécessaire vers la rationalité") sans se rendre compte que « une tautologie n'est pas une proposition [vraie ou fausse] car elle est inconditionnellement vraie. La tautologie est donc vide de sens » (Wittgenstein, Tractatus, 4.003-5.525). Donc, d'une part, le rite d'adoption consistant, pour la mère adoptive, à faire passer l'enfant sous ses vêtements, ou le rite guerrier consistant à transpercer l'effigie de son ennemi avant de partir à la guerre, ne sont ni rationnels, ni irrationnels : « c’est en eux que les hommes s’accordent, mais cet accord n’est pas un consen­sus d’opi­nion mais de forme de vie » (Wittgenstein, Recherches Philoso­phiques, §23-570). Et d'autre part, fait remarquer Wittgenstein, ceux-là mêmes qui adoptent ces rituels sont parfaitement rationnels dans d'autres circonstances : la mère adoptive sait très bien en quoi consiste l'accouchement réel, le guerrier sait très bien qu'il faut se doter d'une stratégie d'attaque et de défense


Il est tout de même intéressant de voir que Wittgenstein, qui est, rappelons-le, à l'origine d'un grand nombre de méthodes scientifiques modernes (ayant notamment influencé Karl Popper), aurait à un moment de sa vie essayé de toute ses forces de croire en Dieu, mais en vain. Comme quoi bien que foi et savoir ne soient pas inconciliables, Dieu reste inévitablement mort dans l'âme de certains, persiste seulement ce fameux sentiment religieux (n'oublions pas que Wittgenstein voulait, à la manière d'un Nietzsche, mettre sa vie en cohérence avec ses idées, certains disent de lui qu'il avait pour objectif de devenir un saint). Néanmoins la croyance religieuse reste bien vivante, aussi bien dans nos sociétés que dans d'autres.

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Non. 
Le savoir est un pré requis à la croyance. Croire sans savoir n'est pas croire. 
Le savoir correspond à la vérité, à la certitude qu'on peut avoir en une proposition. 
La croyance correspond l'assentiment qu'on a pour une proposition, sans pour autant avoir vérifié son existence. 
A priori ces deux notions paraissent contradictoire vu que la croyance s'oppose au savoir. Et que la croyance en Dieu prévoit que le croyant croit en Dieu sans l'avoir vu et sans pouvoir vérifier son existence. 
Mais le but du savoir est bien la croyance. Ou du moins de passer de la croyance au savoir, de vérifier cette existence de Dieu. 
Le savoir ne s'oppose pas à la croyance, c'est une étape pour consolider la croyance.

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Votre affirmation selon laquelle le but du savoir est la croyance, ou que le savoir est une étape pour consolider la croyance exige d'être éclaircie. Dire que la croyance est une étape du savoir, cela se voit assez bien (on peut rappeler sur ce point la classification des genres de connaissance par Spinoza, dans la partie II de l'Éthique, à la  proposition XL). Mais dire que lorsqu'on sait, cela consolide la croyance, me semble être une erreur. Certes si je crois une chose et que je la vérifie ensuite, on peut dire que j'ai consolidé la croyance. Mais cela n'est qu'une manière de dire, car lorsqu'on sait quelque chose, notre rapport à cette dernière ne peut plus rien à voir avec une croyance, puisque celle-ci présuppose justement un manque de savoir. Si je dis : "je crois que minuit est passé", qu'ensuite je regarde l'horloge, je ne vais pas continuer à dire : "je crois que minuit est passé", je le sais.

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Kercoz a écrit:
L'intuition étant, me semble-t-il, chargée de "croyance"

L'intuition n'a justement rien à voir avec la croyance. L'intuition est une connaissance immédiate et claire. Elle est impensée, sans opération déductive, mais au contact de l'essence. C'est pour ça qu'elle est le genre de connaissance le plus haut et le plus puissant (déjà chez Platon et Aristote).

Descartes, Règles pour la direction de l'esprit, III a écrit:
Par intuition j’entends non le témoignage variable des sens, ni le jugement trompeur de l’imagination naturellement désor­donnée, mais la conception d’un esprit attentif, si distincte et si claire qu’il ne lui reste aucun doute sur ce qu’il comprend ; ou, ce qui revient au même, la conception évidente d’un esprit sain et attentif, conception qui naît de la seule lumière de la raison, et est plus sûre parce qu’elle est plus sim­ple que la déduction elle-même, qui cependant, comme je l’ai dit plus haut, ne peut manquer d’être bien faite par l’homme. C’est ainsi que chacun peut voir intuitivement qu’il existe, qu’il pense, qu’un triangle est terminé par trois lignes, ni plus ni moins, qu’un globe n’a qu’une surface, et tant d’autres choses qui sont en plus grand nombre qu’on ne le pense communément, parce qu’on dé­daigne de faire attention à des choses si faciles.
Spinoza, Éthique, II, proposition XL, Scholie II a écrit:
Il résulte clairement de tout ce qui précède que nous tirons un grand nombre de perceptions et toutes nos notions universelles : 1° des choses particulières que les sens représentent à l’intelligence d’une manière confuse, tronquée et sans aucun ordre (voir le Corollaire de la Propos. 29, partie 2) ; et c’est pourquoi je nomme d’ordinaire les perceptions de cette espèce, connaissance fournie par l’expérience vague ; 2° des signes, comme, par exemple, des mots que nous aimons à entendre ou à lire, et qui nous rappellent certaines choses, dont nous formons alors des idées semblables à celles qui ont d’abord représenté ces choses à notre imagination (voir le Schol. de la Propos. 18, partie 2) ; j’appellerai dorénavant ces deux manières d’apercevoir les choses, connaissance du premier genre, opinion ou imagination ; 3° enfin, des notions communes et des idées adéquates que nous avons des propriétés des choses (voir le Corollaire de la Propos. 38, la Propos. 39 et son Corollaire, et la Propos. 40, part. 2). J’appellerai cette manière d’apercevoir les choses, raison ou connaissance du second genre. Outre ces deux genres de connaissances, on verra par ce qui suit qu’il en existe un troisième, que j’appellerai science intuitive. Celui-ci va de l’idée adéquate de l’essence formelle de certains attributs de Dieu à la connaissance adéquate de l’essence des choses.

Tandis qu'une croyance ne nous fournit pas d'idée vraie (c'est une connaissance toujours tronquée), l'intuition représente le moment le plus parfait de la connaissance. A partir de là, l'intuition n'est pas chargée de croyance, mais au contraire vide de toute croyance (considérée en tant que mode de connaissance).
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