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Vers une réhabilitation du sophiste ?

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descriptionVers une réhabilitation du sophiste ? - Page 3 EmptyRe: Vers une réhabilitation du sophiste ?

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En effet, c'est injustice, non justice. J'ai dû aller trop vite dans mes associations d'idées, Socrate demandant qu'on soit prêt à subir l'injustice et à accepter la justice civile censée nous "réparer".

Je corrige mon message précédent, merci.

descriptionVers une réhabilitation du sophiste ? - Page 3 EmptyRe: Vers une réhabilitation du sophiste ?

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Sextus Empiricus, "Adversus mathematicos" VII, "Adversus logicos" I, 65-87)


(65) Gorgias de Léontium appartient à cette catégorie de philosophes qui ont supprimé le critère de vérité. Mais ce n’est pas de la même manière que les tenants de Protagoras. Dans son livre intitulé Du non-être, ou de la nature il met en place, dans l’ordre, trois propositions fondamentales : premièrement, et pour commencer, que rien n’existe ; deuxièmement que, même s’il existe quelque chose, l’homme ne peut l’appréhender ; troisièmement, que même si on peut l’appréhender, on ne peut ni le formuler ni l’expliquer aux autres.
(66) Pour le fait que rien n’existe, son argumentation se développe de la manière suivante : s’il existe quelque chose, c’est ou l’être, ou le non-être, ou à la fois l’être et le non-être. Or, l’être n’est pas, comme il l'établira, ni le non-être, comme il le confirmera, ni non plus à la fois l’être et le non-être, chose qu’il expliquera également. Ainsi donc, rien n’existe.
(67) Pour le fait que le non-être n’existe pas, voici l’argumentation : si le non-être existe, il sera et à la fois il ne sera pas, car si on le pense comme n’étant pas, il ne sera pas ; mais en tant que non-être, en revanche, il existera. Or il est tout à fait absurde que quelque chose soit et ne soit pas à la fois. Donc le non-être n’est pas. D’ailleurs, si le non-être est, l’être ne sera pas : car ces notions sont contradictoires : si l’être est attribué au non-être, le non-être sera attribué à l’être. En tous cas, il ne peut pas être vrai que ce qui est ne soit pas ; et le non-être ne sera pas non plus.
(68) Et, assurément, pas même l’être n'existe : car si l'être existe, il est soit éternel, soit engendré, soit les deux à la fois. Or, il n’est ni éternel, ni engendré, ni les deux à la fois, comme nous allons le démontrer. Ainsi, l'être n'existe pas : car si l'être est éternel (c'est par là qu'il faut commencer), il n’a pas de commencement.
(69) En effet, tout ce qui est engendré a un commencement, et, ce qui est éternel étant par constitution inengendré, ce qui est éternel n’a pas de commencement. Or, ce qui n’a pas de commencement est illimité, et s’il est illimité, il n’est nulle part. En effet, s’il est dans un lieu, ce lieu dans lequel il est, est autre que lui et ainsi, étant enveloppé par quelque chose, cet être ne sera pas illimité. Car ce qui enveloppe est plus grand que ce qui est enveloppé, et rien ne saurait être plus grand que ce qui est illimité : ainsi, l’illimité n’est pas dans un lieu.
(70) Et il ne s’enveloppe pas non plus lui-même : car alors le contenant et le contenu seront une seule et même chose, et l’être sera deux : le lieu et le corps (car le contenant, c’est le lieu, et le contenu, le corps). Or cela est absurde. Assurément, l’être n’est pas non plus en lui-même. Par suite, si l’être est éternel, il est illimité ; s’il est illimité, il n’est nulle part ; s’il n’est nulle part, il n’est pas. Ainsi, si l’être est éternel, il n’existe en aucune façon.
(71) En outre, l’être ne peut pas non plus être engendré. Car s'il a été engendré, c’est à partir de l'être ou à partir du non-être qu'il a été engendré. Or il n’a pas été engendré à partir de l’être : car si l’être existe, il n’a pas été engendré, mais il existe déjà ; ce n’est pas non plus à partir du non-être, car le non-être ne peut rien engendrer, puisque nécessairement l’être générateur doit participer de l’existence. Donc, l’être n’est pas non plus engendré.
(72) De la même manière, il n’est pas non plus à la fois éternel et engendré : ces deux propositions se détruisent mutuellement ; si l’être est éternel, il ne peut avoir été engendré ; s’il est engendré, il n’est pas éternel. Ainsi, si l’être n’est ni éternel, ni engendré, ni les deux à la fois, alors, l’être n’est pas.
(73) D’ailleurs, s’il existe, il est soit un, soit multiple : or, il n’est ni un, ni multiple, comme nous allons l’établir. Dès lors, l’être n’est pas. En effet, s’il est un, alors il est soit quantité discrète, soit quantité continue, soit grandeur, soit corps : de toute façon, il n’est pas un, car s’il est quantité discrète, il sera dénombrable ; s’il est quantité continue, il sera sécable ; de même, si on le conçoit comme grandeur, il ne sera pas indivisible ; s’il est corps, il s’étendra selon trois dimensions, car il aura longueur, largeur et profondeur. Il serait absurde de dire que l’être n’est rien de tout cela : donc l’être n’est pas un.
(74) Et il n’est pas non plus multiple. Car s’il n’est pas un, il n’est pas non plus multiple : car le multiple est composé d’unités singulières, si bien que la suppression de l’un supprime du même coup le multiple. Pour ces raisons, il est évident que ni l’être ni le non-être ne sont.
(75) Que n’existent à la fois ni l’être ni le non-être peut se déduire facilement : en effet, si le non-être existe ainsi que l’être, le non-être sera identique à l’être du point de vue de l’existence : si bien qu’aucun des deux ne sera. Que le non-être n’existe pas, c’est admis ; démonstration a été donnée que l’être serait constitué comme lui, et ainsi, l’être lui-même n’existera pas.
(76) Il y a plus : si l’être est identique au non-être, ils ne peuvent pas exister tous les deux à la fois : car s’ils sont deux, ils ne sont pas identiques, et s’ils sont identiques, ils ne sont pas deux. Ce qui a pour conséquence que c’est le néant qui est ; car, si ni l’être, ni le non-être, ni les deux à la fois n’existent, comme on ne peut rien recevoir en dehors de cette alternative, rien n’existe.
(77) Que même s’il existe quelque chose, cette chose est inconnaissable et inconcevable pour l’homme, c’est ce que nous avons à démontrer désormais. En effet, si nos pensées, dit Gorgias, ne sont pas des êtres, l’être ne saurait être pensé. En voici la preuve : en effet, si par exemple, à nos pensées est attribuée la blancheur, c’est que l’objet de notre pensée est le blanc ; de même, si à nos pensées il arrive que soit attribuée la non-existence, il en résultera nécessairement qu’aux êtres sera attribuée l’impossibilité d’être pensés.
(78) Par suite, c’est une conclusion saine et salutaire que de dire : « Si les pensées ne peuvent avoir l’être pour objet, l’être ne peut être objet de pensée. » Or les pensées – c’est de là que part l’argument – n’ont pas l’être pour objet, comme nous allons l’établir. L’être n’est donc pas objet de pensée.
Que les pensées n’aient pas l’être pour objet, c’est évident :
(79) en effet, si les pensées ont l’être pour objet, tout ce qui est pensé existe, de quelque manière qu’on le pense. [Ce qui est aberrant]. En effet, de ce qu’on pense à un homme volant ou à un char qui court sur les flots, il n’en résulte pas pour autant que l’homme vole ou qu’un char courre sur les flots. Par suite, les objets de nos pensées ne sont pas des êtres.
(80) En outre, si les objets de nos pensées sont des êtres, les non-êtres ne pourront pas être pensés : les contradictoires ont des attributs contradictoires et l’être et le non-être sont contradictoires. Par suite, et sans restriction, si l’être a l’attribut de pouvoir être pensé, le non-être aura celui de ne pouvoir être pensé. Or cela est absurde : Scylla, la Chimère et beaucoup de non-êtres sont pensés. Donc ce n’est pas l’être qui est l’objet de nos pensées.
(81) De même que les objets de la vue sont dits visibles parce qu’ils sont vus, que les objets de l’ouïe sont dits audibles parce qu’ils sont entendus, et que nous ne rejetons pas les objets visibles parce que nous ne les entendons pas, que nous ne repoussons pas les objets audibles parce que nous ne les voyons pas (chaque objet a pour critère un sens spécifique, et non un autre), de la même manière les objets de la pensée, même si nous ne les voyons pas de nos yeux, même si nous ne les entendons pas de nos oreilles, ne laisseront pas d’être puisqu’ils seront saisis selon leur critère propre.
(82) Donc, si l’on pense qu’un char court sur la mer, même si on ne le voit pas, il faudra, avec ce raisonnement, croire qu’il y a un char qui court sur la mer, ce qui est absurde. Donc l’être n’est pas objet de pensée et est insaisissable.
(83) Et pourrait-on le saisir qu’on ne le pourrait formuler à aucun autre. Car si existent des êtres visibles, audibles et universellement sensibles, et d’une existence qui nous est extérieure, de ces êtres, les visibles sont saisis par la vue, les audibles par l’ouïe, et < ces sens > ne peuvent échanger leurs rôles. Dès lors, comment pourra-t-on révéler à autrui ces êtres ?
(84) Car le moyen que nous avons de révéler, c’est le discours ; et le discours, il n’est ni les substances ni les êtres : ce ne sont donc pas les êtres que nous révélons à ceux qui nous entourent ; nous ne leur révélons qu’un discours qui est autre que les substances. De même que le visible ne peut devenir audible, ou l’inverse, de même, l’être, qui subsiste extérieurement à nous, ne saurait devenir notre discours :
(85) n’étant pas discours, il ne saurait être manifesté à autrui. Quant au discours, dit-il, sa constitution résulte des impressions venues des objets extérieurs, c’est-à-dire les objets de la sensation : de la rencontre avec leur saveur naît en nous le discours qui sera proféré concernant cette qualité, et, de l’impression de la couleur, le discours concernant la couleur. S’il en va ainsi, le discours ne manifeste pas l’objet extérieur, au contraire, c’est l’objet extérieur qui se révèle dans le discours.
(86) Aussi n’est-il pas possible de dire que le mode de réalité du discours est le même que celui des objets visibles ou audibles, de manière à lui permettre, en prenant appui sur la réalité et l’être, de signifier la réalité et l’être. Car, dit-il, même si le discours est un être substantiel, il diffère néanmoins des autres substances, et la plus grande différence sépare les corps visibles et les paroles. C’est par un sens qu’est saisi le visible, et par un autre que se perçoit le discours. Aussi le discours ne nous montre-t-il rien de tout ce qui existe substantiellement, pas plus que les objets existants eux-mêmes ne nous instruisent sur l’essence des autres réalités.
(87) Telles sont, donc, les apories que l’on trouve chez Gorgias : pour autant qu’on s’y arrête, le critère de la vérité s’évanouit. Aucun critère ne saurait exister ni de ce qui n’existe pas, ni de ce qui peut être connu, ni de ce qui ne peut être communiqué à autrui.


Gomperz, Theodor (1832-1912), Les penseurs de la Grèce : histoire de la philosophie antique, Livre III, Chap. VII :

Gorgias de Léontini.

I

L'art de l'éloquence n'était plus absolument étranger aux Athéniens. Un de ses représentants, le fameux Thrasymachos de Chalcédoine, avait été tourné en ridicule peu de mois auparavant dans les Fricoteurs d'Aristophane. Mais ni le rhéteur véhément et hautain, dont Platon, en ce moment encore au berceau, devait tracer dans sa République une si répugnante image, ni l'Olympien Périclès, mort depuis deux ans à peine, et dont la parole naturellement puissante avait fait si grande impression, n'avaient jamais offert aux oreilles et à l'esprit blasé des Athéniens un régal comparable à celui qu'offrait l'Ionien de Sicile dont ils entendaient la voix pour la première fois.
[...]
Des discours de Gorgias, cinq nous sont connus en partie par de courtes indications, en partie aussi par des fragments. Ce sont : les discours olympique et pythique, un Éloge d'Achille, un Éloge des Éléens, et enfin l'Oraison funèbre mentionnée plus haut. Cette dernière et le Discours olympique se distinguent par leur tendance panhellénique. Nous avons déjà fait remarquer une fois (p. 465-6) que les maîtres itinérants, qui se trouvaient chez eux dans toutes les régions de la Grèce, étaient autant, si ce n'est plus que les poètes, animés du patriotisme de race plutôt que de cité, et devaient être, au milieu des dissensions intestines des Hellènes, les représentants naturels de l'idée nationale.

II

Mais, en sa qualité de penseur, Gorgias nous intéresse plus qu'en sa qualité de réformateur du style, d'orateur ou de patriote. Il s'était occupé de philosophie naturelle, de philosophie morale et surtout de dialectique. Malheureusement nous manquons de renseignements précis sur son activité dans les deux premiers de ces domaines. Nous savons seulement que, comme physicien, il étudia les problèmes de l'optique, qu'il suivit en cela les traces de son maître Empédocle, et que, se fondant sur les principes posés par ce dernier, il essaya d'expliquer le fonctionnement des miroirs ardents. Il ne se donna jamais pour maître de vertu ; c'est pourquoi, si l'on pouvait établir une distinction rigoureuse entre les rhéteurs et les sophistes, il faudrait le ranger au nombre des premiers. Mais, comme il était à moitié rhéteur et à moitié philosophe, on peut toujours le faire rentrer parmi les sophistes au sens le plus large de ce mot. D'ailleurs, s'il n'a pas enseigné la vertu, il s'en est occupé néanmoins dans ses ouvrages. Il n'a pas essayé d'en simplifier l'idée ou d'en ramener les diverses ramifications à une racine commune ; il a préféré exposer et expliquer dans leur multiplicité les vertus particulières, en distinguant entre celles qui sont plutôt du ressort de l'homme et celles qui sont plutôt de celui de la femme. Comme dialecticien, il a repris la doctrine éléate de l'Être, que nous avons vue s'effondrer spontanément chez Zénon, et il l'a poussée si loin qu'il a abouti à la complète négation du concept de l'existence. Nous avons aussi à déplorer la perte de l'ouvrage où Gorgias traitait ce sujet. Il était intitulé De la Nature ou du Non-Être ; la première partie exposait sans doute la doctrine ; la seconde était peut-être consacrée à la physique. Par suite de sa disparition, nous ne connaissons qu'imparfaitement la doctrine, et surtout la démonstration qu'en donnait l'auteur. Notre principale source est un petit ouvrage, qui passait autrefois pour être l'œuvre d'Aristote, mais qui, en réalité, doit être considéré comme une production tardive de son école. Cet ouvrage traite en outre des doctrines de Xénophane et de Mélissos. Chacun reconnaît qu'il ne peut être utilisé qu'avec précaution en ce qui concerne ces deux philosophes, mais on a l'habitude - chose étrange - de le regarder comme digne de toute confiance à l'égard de la doctrine de Gorgias : il y aurait lieu, pourtant, de considérer que si cette confiance est quasi illimitée, c'est que nous sommes absolument dépourvus de fragments originaux, et presque complètement dépourvus d'indications qui nous permettent de le contrôler ou de le compléter.
Gorgias a entrepris de prouver une triple thèse : Il n'y a pas d'Être ; même s'il en existait un, il ne serait pas connaissable ; existât-il et fût-il connaissable, la connaissance n'en serait cependant pas communicable. Deux preuves sont apportées à l'appui de la première de ces thèses. Voici d'abord celle qui passe pour être « la première, et particulière à Gorgias ». Elle consiste à poser d'abord cette proposition insignifiante et, en apparence, tout à fait innocente. « Le Non-Être est le Non-Être ». De ce principe on tire ensuite les conclusions les plus étendues. En admettant que le Non-Être, dit-on, ne soit que le Non-Être, il est cependant quelque chose ; par conséquent il est et on ne peut lui refuser l'existence. Par là, la différence entre l'Être et le Non-Être est supprimée ; l'Être perd sa supériorité sur le Non-Être. De plus, si le Non-Être (comme on vient de le montrer) est ou existe, il s'en suit que l'Être, en tant que son contraire, n'est pas ou n'existe pas. Ainsi donc, nous nous trouvons en présence des alternatives suivantes : ou bien la différence entre l'Être et le Non-Être doit être considérée comme supprimée, comme l'exige la première partie de l'argument, et, dans ce cas, rien n'existe, car le Non-Être n'existe pas et par conséquent l'Être n'existe pas non plus, puisqu'il est démontré équivalent à son contraire. Ou bien la différence ne doit pas être tenue pour annulée ; et alors la seconde partie de l'argument nous oblige à son tour à conclure à la non-existence de l'Être, précisément parce qu'il est le contraire du Non-Être, et que celui-ci est démontré doué d'existence.
Un mot de critique immédiatement après cet exposé. Il n'est guère nécessaire sans doute de rendre le lecteur attentif au fait que les mots Être et Non-Être sont ici employés indistinctement comme équivalents à être et ne pas être, sans que nous sachions si cette confusion doit être imputée à Gorgias lui-même ou à notre source. Nous n'avons pas besoin non plus de faire remarquer que le Non-Être ne peut plus être considéré comme tel du moment qu'on lui attribue une existence, tandis que l'auteur de cette série d'arguments envisage tour à tour le côté négatif et le côté en apparence affirmatif de ce concept et les joue l'un contre l'autre. Mais même la petite proposition d'identité qui sert de point de départ à l'argumentation est, à notre avis, inadmissible, et même, examinée de près, dépourvue de sens. « Blanc est blanc », voilà une proposition qui, selon nous, n'est ni évidente par elle-même, ni même intelligible. En effet, le sujet est ici simplement répété comme prédicat, tandis que le jugement ou proposition a pour objet de rapprocher deux concepts ou deux termes et de renseigner sur les rapports qui, en fait, existent entre eux. Ce n'est pas ici le lieu d'insister sur cette question. Mais voici qui est plus important encore et beaucoup moins discuté. La proposition d'identité donne la conclusion cherchée grâce au double sens attribué au mot est. Dans la phrase « le Non-Être est Non-Être », le mot est ne joue que le rôle de copule. Mais, dans ce qui suit, il est employé comme s'il exprimait l'existence, l'existence extérieure et objective. C'est tout à fait la même chose que si de cette phrase : « Un centaure est un produit de l'imagination » on voulait conclure non pas simplement - ce que l'on peut légitimement en conclure - que la conception d'un centaure doit exister dans notre conscience avant que nous en discutions, mais encore que le centaure possède une existence extérieure et objective. À cela s'ajoute d'ailleurs l'illégitime conversion de jugement qui a trouvé place dans la seconde partie de l'argument. Car même si l'on devait concéder que le « Non-Être est », il n'en résulterait en aucune façon que « l'Être n'est pas ». Ou bien, de la proposition « le Non-Blanc existe » est-il peut-être possible de conclure que « le Blanc n'existe pas » ? Mais, si graves que puissent être ces erreurs, elles ne sont absolument pas particulières à Gorgias. L'abus des propositions d'identité, l'abus de la copule et des conversions illicites de jugements, se retrouveront fréquemment au cours de cette histoire, et très fréquemment chez Platon, et cela pas seulement dans ce brillant feu d'artifice dialectique qui s'appelle le Parménide.
Le second argument en faveur de la première thèse présente un caractère essentiellement différent. Ici Gorgias est parti des assertions contradictoires auxquelles étaient arrivés ses prédécesseurs, et il en a fait la somme. L'Être doit être ou bien un ou bien multiple ; il doit ou bien être né ou bien n'être pas né. Or chacune de ces hypothèses a été réfutée au moyen d'arguments également bons - du moins en apparence - en partie par Zénon, en partie par Mélissos - en partie, pouvons-nous ajouter, par la combinaison de leurs arguments. Mais si l'Être n'est ni un ni multiple, ni devenu ni indevenu, il ne peut pas exister du tout. Si on le dépouille successivement de tous les prédicats concevables, sa réalité elle-même doit nécessairement devenir caduque. Le procédé d'argumentation employé ici nous occupera plus tard comme principe du « tiers exclu ». Il est d'autant moins nécessaire de s'y arrêter ici que l'on peut - pour le moins se demander si Gorgias entendait reconnaître à ce second argument une valeur plus que conditionnelle. Peut-être voulait-il dire seulement ceci : Si l'on attribue pleine force aux arguments contradictoires des philosophes, et en particulier aux objections soulevées par Mélissos et par Zénon contre la pluralité comme contre l'unité, etc., de l'Être, on ne peut se refuser à la conclusion ultérieure que ni l'un ni l'autre n'a tirée, à savoir que ce prétendu Être n'existe pas du tout. Notre principale source nous porte du moins à cette interprétation, puisqu'elle distingue entre la première preuve « propre à Gorgias », et la seconde, dans laquelle « il résume ce qui a été dit par d'autres ».
Nous arrivons à la seconde thèse : l'Être est inconnaissable, en admettant même que l'on doive en concéder l'existence. Nous croyons pouvoir reproduire d'une manière un peu libre le fond même de la preuve. Pour que l'être fût connaissable, il faudrait que nous eussions quelque part une garantie de l'exactitude de cette connaissance présumée. Mais où trouver cette garantie ? Pas dans la perception sensible, dont la vérité est si vivement contestée. Alors dans la pensée ou dans l'imagination? Cela pourrait être sans doute si nous n'avions pas la faculté de nous représenter des choses manifestement fausses, par exemple une course de chars sur la surface de la mer. Et si l'accord d'un grand nombre d'hommes en ce qui touche aux perceptions des sens ne prouve pas leur vérité, comment l'accord d'un grand nombre d'hommes à l'égard de la pensée et de l'imagination pourrait-il prouver leur infaillibilité ? Il ne le pourrait que dans l'éventualité où nous perdrions la faculté de nous représenter l'irréel, ce qui n'est absolument pas le cas, comme vient de nous le montrer l'exemple cité plus haut.
À ce sujet, nous avons deux remarques à présenter, l'une d'une portée générale, l'autre sur un point spécial. Celle-ci a trait aux propositions philosophiques du temps, et en particulier à celles de Parménide. Nos lecteurs se souviennent de celle-ci : « Le Non-Être est inexprimable et inconcevable » (cf. p. 183). et de cette autre : « Penser et Être sont la même chose » (cf. p. 192). Dans de telles assertions, on pouvait, en effet, voir cette affirmation que ce qui n'est pas vrai n'est pas non plus imaginable. Et comme c'est Mélissos qui a soutenu avec tant de force le caractère illusoire de la perception sensible, il est permis de supposer que la pointe de cet argument de Gorgias était aussi dirigée contre les Eléates, et que le sens en devait être à peu près le suivant : Mélissos a enseigné l'irréalité des objets sensibles et dirigé notre besoin de connaissance sur l' « Être » caché derrière eux. Mais sur quoi donc doit se baser cette connaissance ? Elle ne peut s'appuyer que sur la pensée ou sur l'imagination, puisque, en effet, Parménide a soutenu que ces facultés ne s'appliquent qu'au réel. Mais cette affirmation est contredite par les faits, du moment que nous pouvons nous représenter aussi l'irréel. Et maintenant, sur la question elle-même, on peut faire la remarque générale suivante. Il est vrai et il n'est pas vrai que notre imagination ne puisse pas s'appliquer à de simples fantômes. Cela est vrai en tant qu'il s'agit des éléments de nos représentations ; cela n'est pas vrai pour autant qu'il s'agit de leurs combinaisons. La course de chars sur la surface de la mer est une combinaison de représentations arbitraire et contraire à la nature des choses, de même qu'un centaure ou un lion ailé. Mais les divers éléments qui y entrent doivent préalablement être entrés dans notre conscience par le moyen de l'expérience. Ils peuvent donc se réclamer au moins de la vérité empirique, et, que nous identifiions celle-ci ou non avec la vérité absolue, la distinction que nous venons de faire entre les représentations élémentaires et les représentations combinées est dans tous les cas d'une 'grande portée, et cependant il n'en est tenu aucun compte dans la démonstration de Gorgias. Toutefois, ici encore, nous devons rappeler que Gorgias n'est pas le seul à qui l'on puisse reprocher pareille bévue, mais que tous les philosophes de son temps en ont commis de semblables. La question de savoir s'il est possible et comment il peut être possible de se représenter le faux constituait une sérieuse difficulté pour les penseurs de cette époque et pour ceux de l'époque qui suivit immédiatement. Nous verrons que Platon s'y attaqua vigoureusement, et non tout à fait en vain, dans le Théétète.
La troisième thèse est la suivante : « La connaissance de l'Être, même si celui-ci existait et était connaissable, ne serait cependant pas communicable. » La démonstration de cette thèse consiste à dire que notre moyen de communication est le langage, et qu'il est impossible de communiquer par des mots autre chose que des mots. Le langage n'est pas de même nature que les choses qu'il cherche à exprimer; ce n'est qu'un symbole, et, comme tel, il ne peut transmettre que des symboles. Comment, par exemple, pourrait-il communiquer ne fût-ce qu'une sensation de couleur ? « La vue est aussi peu capable de percevoir des sons que l'ouïe n'est apte à percevoir des couleurs. » Et si, par hasard, nous montrons à celui que nous voulons instruire l'objet qui a produit en nous l'impression de couleur, qui nous garantit que l'impression produite chez autrui correspond exactement à celle que nous avons éprouvée nous-mêmes ? Et combien moins - disait sans doute la conclusion de ce raisonnement, que notre source principale ne nous a malheureusement pas conservée - combien moins la langue, qui fait partie intégrante de notre nature, peut-elle être qualifiée pour faire part à d'autres de l'Être étranger et extérieur à notre essence subjective, même si nous en avions connaissance ! Il est à remarquer que, pour fonder cette thèse, Gorgias exprime et démontre une pensée vraiment importante, et d'une manière qui ne souffre aucune contradiction. Cette pensée, c'est que nous ne pouvons jamais être certains de la complète identité de nos sensations élémentaires et de celles des autres. À côté de cela, il nous importe peu que le raisonnement soit entaché de quelques erreurs qui, alors, étaient monnaie courante. « La même idée ne peut exister chez deux sujets, nous dit le sophiste, car alors l'unité serait en même temps dualité. » Il est clair qu'ici il confond l'identité de l'espèce avec celle du nombre. De même dans la proposition suivante : « Et même cela accordé, l'un pourrait toujours paraître différent aux deux, puisqu'ils ne sont pas complètement semblables ; car, s'ils l'étaient, ils ne seraient pas deux, mais un seul. » Même confusion.

III

S'il n'est pas très difficile de se prononcer sur la valeur logique de cette série de thèses, il l'est beaucoup plus d'en déterminer le but proprement dit. Personne ne met en doute que Gorgias ne se soit inspiré du pamphlet de Zénon, et l'on peut tout au moins se demander si l'intention qui avait guidé ce dernier n'a pas guidé aussi son imitateur. Zénon voulait, comme nos lecteurs le savent, venger son maître Parménide des attaques dont il avait été l'objet (p. 206). Rien n'empêche de supposer que Gorgias ait été animé d'un semblable désir à l'égard d'Empédocle. Entre la foi relativement naïve dans le témoignage des sens dont faisait profession son maître Empédocle et la négation que lui opposaient les Éléates, il y a dans tous les cas un abîme. La doctrine de la nature formulée par Empédocle devait rapidement vieillir en présence des nouveaux courants intellectuels ; un Zénon et un Mélissos ne pouvaient éprouver pour elle qu'un dédaigneux mépris. Et, en effet, l'antiquité possédait une discussion critique de la doctrine d'Empédocle, due à la plume de Zénon. Or la pointe des arguments de Gorgias, comme nous l'avons vu, est dirigée essentiellement, sinon exclusivement, contre les Éléates. Il aime en particulier à opposer l'un à l'autre les deux plus jeunes représentants de la doctrine de l'Être. Ainsi, dans une partie du second argument de la première thèse, que nous devons envisager encore plus exactement. De l'ancien dogme des physiciens touchant l'éternité ou l'infinité dans la durée de l'univers, Mélissos avait déduit son infinité dans l'espace (cf. p. 200). Maintenant, Gorgias lui prouve par le menu qu'un tel infini ne peut pas exister. Car où existerait-il ? Pas en soi-même et encore moins dans un autre, car, dans ce dernier cas, il ne serait pas infini, et dans le premier il y aurait deux infinis, un contenu et un contenant. Et notre source nous dit expressément qu'ici Gorgias s'appuyait sur l'argument de Zénon relativement à l'espace. Faire réfuter un des plus jeunes Éléates par l'autre, voilà qui lui a certainement causé un sensible plaisir, et nous sommes en droit de croire pour le moins possible que ce plaisir fût basé sur un sentiment personnel.
Nous pouvons répondre avec plus de certitude à la question de savoir si le prétendu nihilisme de Gorgias était réellement de nature à détruire le fondement de toute science, et s'il y était destiné. C'est là, il faut le dire, l'opinion presque universelle, et Georges Grote est le seul qui ait, jusqu'ici, osé y contredire. Grote est d'avis que Gorgias ne s'est pas attaqué à l'existence du monde phénoménal, mais seulement à celle du monde « ultraphénoménal ou du noumène ». On lui a fait observer que « nos autorités ne portent pas la plus légère trace de cette limitation ». Assurément non. Mais est-il besoin d'indications expresses ou même seulement de simples indices quand les faits eux-mêmes parlent clairement et sans équivoque ? Grote a donné, sans doute, à sa pensée une expression par trop teintée de modernité pour qu'elle soit parfaitement adéquate. Néanmoins si la relation entre le monde sensible et l'« Être » de Parménide et de Mélissos est tout à fait analogue à celle qui existe entre le phénomène et le noumène ou « objet en soi » de Kant. Il est à remarquer seulement que l'Être des Éléates n'avait pas dépouillé tout vestige de son origine empirique, puisque, notamment, il était encore considéré comme étendu dans l'espace. On cherche en vain d'abord, sans doute, dans Gorgias un terme technique qui exprime nettement cette différence. Mais prétendra-t-on réellement et sérieusement que Gorgias, en renonçant à l'« Être », entendait renoncer par là même à toute vue sur la nature des choses ? Qu'il contestait peut-être toute régularité dans le cours de l'univers ? Qu'il n'admettait pas et n'attendait pas avec autant de certitude que ses adversaires philosophiques le lever du soleil le lendemain, le retour du prochain printemps, la répétition des mêmes phénomènes dans les mêmes circonstances ? Celui qui ne le croit pas, et ne veut pas attribuer au subtil penseur la plus manifeste, la plus grossière inconséquence, doit admettre que cette ligne de démarcation, qu'elle fût ou non fixée dans son esprit par une expression technique, y était présente dans tous les cas. Et peut-être n'est-il pas déraisonnable de chercher le terme qui aujourd'hui fait défaut au seul endroit où Gorgias nous parle de sa propre bouche, à savoir dans le titre de son livre : De la Nature ou du Non-Être. Sans doute, on a qualifié dernièrement ce titre de « farce grotesque », et on y a vu la preuve que Gorgias, en écrivant ces thèses, n'avait voulu faire qu'une mauvaise plaisanterie. À l'encontre de cette opinion, il suffira de rappeler que le philosophe Xéniade de Corinthe, contemporain de Démocrite, faisait, lui aussi, tout sortir « du Non-Être» et tout retomber « dans le Non-Être ». Et la théorie platonicienne de la matière nous fera voir, à son tour, une application tout à fait sérieuse du concept du Non-Être.
Mais, si tout ne nous trompe pas, c'est dans la seconde des thèses de Gorgias que nous découvrons le motif fondamental de sa polémique. Elle nous apprend que, dans les démonstrations éléates, il était choqué précisément de ce qui ne peut manquer de choquer un lecteur moderne non prévenu. Quand nous lisons les raisonnements de Parménide et de Mélissos, une objection se presse continuellement sur nos lèvres : Comment pouvez-vous, sommes-nous tentés de crier à ces deux penseurs, comment pouvez-vous, après avoir, avec une parfaite assurance, relégué dans le royaume de l'illusion une partie si considérable de la connaissance humaine, envisager le reste, avec une non moindre assurance, comme une vérité inattaquable? Qui vous garantit qu'une partie de vos facultés vous conduit à une vérité infaillible si l'autre vous induit à une complète erreur? Où se trouve le pont qui, du monde de l'apparence subjective dans lequel vous êtes si complètement plongés vous-mêmes, vous transporte dans le séjour de l'Être objectif pur ? La doctrine de Parménide prêtait d'autant plus le flanc à cette objection qu'il faisait reposer entièrement les phénomènes psychiques sur l'élément physique. Il est vrai qu'il ne s'exprime ainsi que dans ses Paroles de l'Opinion (cf. p. 196). Mais les Paroles de la Vérité ne renferment rien qui y contredise. Ni lui, ni ses partisans n'avaient, pour se tirer d'affaire, l'expédient qui consiste à dire : le corps nous enlace dans l'erreur, mais l'âme immortelle nous apporte un message du monde de la vérité sans mélange. Car il n'y a pas un mot chez lui qui nous indique - et toute vraisemblance interne nous interdit de croire - que Parménide ait attribué à la « psyché », si ce n'est dans le rêve, une participation quelconque à la vie de l'esprit et par suite au processus de la connaissance, bien que, selon la doctrine orphico-pythagoricienne, il la fit survivre au corps et subir de multiples destinées (cf. p. 266). Nous n'avons sans doute pas tort de voir dans l'étonnement que causait à Gorgias la confiance dogmatique si mal fondée des Éléates le motif principal de la polémique qu'il soutint contre eux et contre leur théorie de l'Être.

IV

Et ici, il nous sera permis de rappeler quelques manifestations analogues de l'époque. Sentiment de modestie croissante, réaction contre l'assurance et le dogmatisme des anciennes écoles, telle nous est apparue la devise d'Hippocrate et de ses élèves dans la révolution qu'ils opérèrent dans l'art de guérir. À cela se joignait naturellement la tendance au relativisme dont nous avons trouvé les premières traces déjà chez Héraclite. Étudier non ce que l'homme est en lui-même, mais ce qu'il est par rapport à ce qu'il mange et boit, comme par rapport à ce qu'il fait d'une manière générale, voilà le but limité, et pourtant difficilement accessible, que le profond auteur du livre Sur l'ancienne Médecine avait proposé aux savants (cf. p. 319-20). Aux fictions pompeuses qu'il proscrivait du domaine de la science, il a opposé les résultats relativement modestes, mais certains, de l'expérience et de l'observation. Nous avons constaté le même oubli des prétentions si ambitieuses d'autrefois et en même temps le même esprit de relativisme dans le seul monument littéraire qui nous ait été conservé de ce que l'on appelle la sophistique, c'est-à-dire dans le discours Sur l'Art. Et que nous soyons, ou non, en droit de l'attribuer à Protagoras, nous y avons dans tous les cas trouvé la proposition métaphysique fondamentale de ce sophiste, et sous une forme qui est un reflet évident de cet esprit relativiste. Indépendamment de cela, d'ailleurs, le penseur qui a, avec tant de force, placé l'« homme » au centre même du problème de la connaissance ne pouvait s'empêcher de se rendre compte plus ou moins clairement de la limitation de toute science par les limites des facultés humaines.
Sentiment de modestie et relativisme, voilà des traits que nous retrouverons dans la prochaine grande étape de notre récit, c'est-à-dire dans la doctrine de Socrate : nous y rencontrerons encore, dans l'effort fait pour préciser nettement les concepts, une autre preuve de la rigueur croissante des exigences scientifiques. La tentative, malheureusement mal connue, que fit Prodicos pour distinguer exactement les synonymes marque un pas dans cette voie. La précision des termes caractérise d'ailleurs les discours que Platon met dans la bouche de Protagoras. La peine que se donne l'auteur du Phédon pour la tourner en ridicule ne saurait nous empêcher d'y voir un progrès. Ainsi quand Platon, parlant de l'usage de l'huile dans l'art culinaire, fait dire au sophiste que cet usage a pour but unique « d'éteindre le déplaisir concomitant des sensations qui nous arrive par le nez quand nous mangeons tels ou tel mets ». Le comique résulte ici de la disproportion entre la subtilité de l'expression et la circonstance triviale, pour ne pas dire répugnante, qui en amène l'emploi. Cet artifice de l'incomparable caricaturiste ne peut cependant nous faire perdre de vue qu'une distinction aussi rigoureuse -tout à fait étrangère à cette époque - entre l'impression sensible et son objet, d'une part, et d'autre part, entre la sensation elle-même et la peine ou le plaisir qui l'accompagnent, était extrêmement méritoire.
Le premier essai proprement dit de définition se trouve dans l'écrit Sur l'Art, où nous lisons cette phrase : « Et tout d'abord je veux préciser ce que je considère comme l'essence (ou le but) de la médecine, à savoir de délivrer tout à fait les malades de leurs souffrances, d'émousser la violence des maladies et (ajoute-t-il par un paradoxe qui semble intentionnel) de s'abstenir complètement à l'égard de ceux qui sont déjà dominés par les maladies ». Démocrite esquisse une autre définition, qu'il perd aussitôt de vue, dans ces mots : « L'homme est ce que nous savons tous », mais celles qu'il avait données des concepts de la chaleur et du froid, et qu'Aristote connaissait, ne nous ont pas été conservées. Le domaine dans lequel ces tentatives ont pris naissance était, conformément à la nature des choses, celui de la mathématique. C'est ce que nous apprend - indépendamment de la définition du nombre attribuée à Thalès - l'objection déjà mentionnée de Protagoras à la définition de la tangente, ainsi que les définitions par lesquelles Autolykos commence ses deux livres élémentaires Sur la sphère en mouvement et Sur le lever et le coucher des astres. Car si ces écrits ne sont pas antérieurs à la fin du IVme siècle, ils supposent une très longue série d'ancêtres. Les Pythagoriciens précisément, ont eux aussi, à ce que nous apprend Aristote, entrepris de préciser quelques idées morales. Enfin nous connaissons deux définitions de Gorgias : celle de la rhétorique, qui n'a pas à nous occuper ici, et celle de la couleur, dont Platon raille la forme un peu singulière quand il la cite pour la première fois, mais dont il s'approprie le contenu dans un ouvrage de sa maturité, de même que, dans un produit de sa vieillesse, il étend aux doctrines éthiques de ce sophiste le profond respect qu'il a toujours témoigné pour sa personnalité. Cette définition repose sur la doctrine empédocléenne des pores et des effluves, selon laquelle la perception de couleur ne peut avoir lieu à moins que ceux-ci ne soient conformes à ceux-là. Elle est ainsi conçue : « La couleur est un effluve d'un objet étendu dans l'espace, correspondant à la vue et tombant sous la perception ». Le dialogue platonicien intitulé Ménon nous apprend que le jeune homme de ce nom avait recueilli cette définition de la bouche de Gorgias en Thessalie, où le sophiste passa les dernières années de sa vie.
Il résulte d'ailleurs de ce fait - Platon évitant les anachronismes parfaitement inutiles - que Gorgias, même dans sa vieillesse, et longtemps par conséquent après la publication de ses thèses dialectiques, s'est occupé de questions de physique. La même constatation résulte de cette circonstance que la plupart de ses disciples, quoique essentiellement rhéteurs et politiciens, trahissent un certain goût pour les sciences de la nature. Alcidamas, que nos lecteurs ont déjà appris à connaître comme théoricien du droit naturel (cf. p. 423) nous a laissé un excellent discours dans lequel il exalte l'art de l'improvisation et en déclare les produits incomparablement plus précieux que les harangues élaborées à loisir. Mais il avait aussi écrit, peut-être sous forme de dialogue, un livre traitant de la physique. Un autre disciple, moins considérable, de Gorgias, le logographe Polos, est également mentionné par Platon comme versé dans l'étude de la nature. Enfin, quoiqu'Isocrate ait renoncé à la physique aussi bien qu'à la dialectique, c'est comme maître de sciences naturelles qu'il a immortalisé Gorgias : en effet, sur la table de marbre qui recouvrait son tombeau, on voyait, parmi beaucoup d'autres sujets, le sophiste dirigeant l'attention de son élève sur une sphère céleste. Et comme un maître ne vit guère dans la mémoire de ses disciples comme représentant d'une phase ancienne, et abandonnée par lui, de son activité, cette circonstance ne permet pas de croire que les thèses paradoxales du sophiste aient opéré une sorte de rupture dans sa carrière, et l'aient divisée en deux moitiés tout à fait disparates. Il nous est parfaitement impossible de dire si dès lors il entoura d'une réserve ses théories physiques, à l'imitation de Parménide ; si, en discutant le concept de l'un, il envisageait exclusivement la forme stricte que lui avaient donnée les Éléates, ou si plutôt il en était venu à une vue purement phénoménaliste, et si par conséquent, il évitait, comme son élève Lycophron, d'employer le verbe être même comme copule. Nous ne sommes pas même en mesure de résoudre la contradiction qui existe entre les indications de notre source principale selon laquelle Gorgias, tout en soutenant que « rien n'existe », contestait le concept du Non-Être aussi bien que celui de l'Être.
Du prétendu nihilisme de Gorgias, on a tiré la conclusion que, dès lors, il avait renoncé à toute recherche scientifique proprement dite et s'était consacré exclusivement à l'art de la persuasion, ou du moins, comme les faits ne se prêtent pas à cette affirmation, qu'il eût été plus conséquent de sa part d'agir ainsi. Mais, chose curieuse, personne ne songe, dans un cas analogue, à faire le même raisonnement. Xénophon fait exposer à Socrate les contradictions de ses prédécesseurs en philosophie en lui prêtant un langage tout à fait semblable à celui de Gorgias : Certains ont soutenu que l'Être est un, les autres qu'il est infini en nombre ; les uns ont enseigné qu'il est sans cesse en mouvement, les autres qu'il est dans un repos absolu ; les uns ont soutenu que tout naît et que tout périt, les autres nient toute naissance et toute destruction. Socrate conclut de là à la vanité et à la stérilité de ces sortes d'investigations qui, à son avis, dépassent les limites des facultés humaines. Mais il ne va pas jusqu'à en déduire que tout effort pour pénétrer les secrets de la nature soit vain. Il veut, au contraire, que ses disciples acquièrent dans le domaine des sciences naturelles des connaissances suffisantes pour leurs besoins pratiques ; que le pilote, par exemple, soit assez versé dans l'astronomie pour conduire son vaisseau. Il n'a jamais eu l'idée qu'actuellement, et pour aussi longtemps que n'est pas apaisé ce conflit des opinions, le sol se dérobe à toute science ; il en est même si éloigné qu'il ouvre un nouveau champ de recherches en s'efforçant de faire des « choses humaines » l'objet d'un examen plus approfondi que ce n'a été le cas jusqu'ici. Et le doute qu'ont fait naître en lui les contradictions de ses devanciers ne vient diminuer en rien ses espérances dans le succès de son entreprise.
Socrate, il est vrai, n'avait pas, comme Gorgias, dissous par sa critique et rejeté le concept de l'Être. Mais il pouvait aussi peu que Gorgias attribuer avec certitude n'importe quel prédicat à ce concept, et personne ne prétendra que celui-ci ait joué même le plus petit rôle dans sa vie de penseur. La seule chose certaine, c'est que Socrate a abandonné les sentiers anciens et battus de l'investigation parce qu'ils ne lui paraissaient conduire à aucun résultat utile.


Dernière édition par Euterpe le Dim 7 Aoû 2016 - 20:07, édité 1 fois

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Euterpe a écrit:
Silentio a écrit:
Peut-on se contenter du discours sophistique ?

- Un discours de Gorgias est-il sophistique ?
- Qu'est-ce qu'un discours sophistique ?

En relisant ce topic je me suis aperçu que je n'avais pas répondu. Je distingue, comme vous pouvez le lire plus haut, le sophiste noble du sophiste vulgaire. Le premier est un savant, ou un intellectuel, qui énonce des hypothèses et nous indique les limites de notre savoir. Il n'empêche pas la science, on peut même dire que sa sagesse consiste à allier l'activité scientifique à cette prudence et cette mesure qui, en définitive, permettent la modestie intellectuelle et le souci pour l'existence concrète (la pratique) hors de tout excès théorique. Le sophiste vulgaire, au contraire, est incohérent, ruine la science par ses affirmations infondées et est souvent un subjectiviste et un pédant qui fanfaronne. C'est un demi-habile. Mais il peut y avoir plusieurs cas de figure : certes, si je défends la philosophie, tout d'abord comme logon didonai, je ne combats pas tous les sophistes. Cependant, le sophiste noble peut aussi être incohérent dans son propos, voire céder à certaines facilités. Il peut d'ailleurs être un meilleur rhétoricien que le sophiste vulgaire, lequel ne saura nous convaincre. Les deux types de sophistes pourront ne pas avoir raison, ni ne pourront rendre compte de leurs affirmations. Mais le philosophe lui-même peut n'être qu'un sophiste : aussi bien parce qu'il peut ne vouloir que convaincre que parce qu'il peut nous tromper à la fois en nous imposant un simulacre du vrai, alors qu'il ne s'agit que du faux, et parce qu'il se présente sous l'allure du philosophe (celui qui doit avoir raison) se distinguant justement du sophiste (conçu négativement). Or le philosophe peut entraver la connaissance en ne prenant pas en compte ses limites, bref en ne faisant pas preuve d'humilité mais bien au contraire d'hubris. Je ne conçois donc pas une opposition radicale entre tout sophiste et tout philosophe : le philosophe est susceptible de n'être qu'un vulgaire sophiste, doté toutefois du talent de passer pour ce qu'il n'est pas (qui est certainement plus maîtrisé par le sophiste noble), tandis que le sophiste noble peut être bien plus philosophe que lui. Mais si l'on veut que la philosophie soit possible il faut insister, à mon sens, sur la lutte contre la sophistique vulgaire. C'est pourquoi il faut être critique, notamment à l'égard de la bêtise, laquelle menace aussi bien l'homme commun que l'intellectuel, l'homme politique ou encore, et c'est là qu'il faut redoubler d'efforts, le prétendu philosophe. La philosophie doit sans cesse tenter de dépasser la sophistique : non pas pour dire arbitrairement ce sur quoi elle ne peut légitimement parler, mais pour combattre les effets pervers d'une sophistique répandue partout et dont les conséquences peuvent être négatives, notamment en ce que bon nombre de gens s'inspirent de la sophistique noble sans pour autant en comprendre la noblesse, de sorte qu'il n'y a plus qu'une mauvaise sophistique qui nuit à l'entreprise philosophique (dont participent pourtant, et même éminemment, les sophistes nobles). Il me semble donc que la philosophie devrait s'inspirer des sophistes nobles en partageant avec eux sens critique et lucidité, mais elle doit combattre toutes les puissances du faux où qu'elles se trouvent. Or, si je puis dire, il y a un sophiste vulgaire en chacun de nous. Par ailleurs, il me semble qu'on ne peut accuser le seul sophiste de prêcher (volontairement ou non) le faux. D'un côté, on peut mettre le véritable philosophe (qui peut être un philosophe ou un sophiste noble, voire un non-professionnel), de l'autre le sophiste vulgaire (qui est potentiellement partout, revêtant l'apparence trompeuse du philosophe s'il le faut - et risquant d'être le plus incohérent s'il prétend dire le fin mot de l'être). Il s'agit donc de lutter de manière exigeante pour la philosophie contre tous les excès. C'est pourquoi on doit prendre Platon au sérieux et le suivre, toutefois jusqu'à un certain point - car il y a quelque chose d'excessif dans la façon dont Platon élabore sa métaphysique pour évincer ses rivaux, comme si la philosophie ne pouvait pas être elle-même victime de ses ambitions démesurées. Bien entendu, on peut nuancer en montrant que Platon n'est peut-être pas si dogmatique que cela, on peut interpréter ses solutions comme des hypothèses. Mais son exclusion de tout sophiste semble radicale, et le philosophe semble prétendre ne pouvoir se trouver dans l'erreur - et ce contre l'attitude même de Socrate, lequel est pourtant un modèle d'humilité et qui, s'il apparaît comme un grand sophiste, conserve néanmoins l'exigence de vouloir fonder la connaissance ; ce qui à n'en pas douter est une exigence partagée par ces autres grands sophistes qui étaient avant tout des savants ; je crois cependant qu'on peut se méfier, dans tous les cas, de la manipulation par la parole, des stratégies argumentatives, et de toute prétention, notamment lorsqu'il s'agit de transformer un savoir en une vérité certaine et absolue. Mais là encore, c'est d'une forme de bassesse qu'il faut se méfier et elle est présente aussi bien dans celui qu'on appelle un sophiste que chez celui qui se proclame philosophe. Il faut, comme Socrate, prendre conscience de notre faillibilité.

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J'imagine un sophiste qui arriverait à nous donner le sentiment que rien n'est vrai (je crois bien qu'il y en a eu pour ça, mais je ne suis pas sûr). Si on en arrive à se sentir trompé, il peut nous rester du discours le sentiment que l'orateur a été bien habile pour nous présenter les choses de cette façon (je vois dans mon dictionnaire de grec ancien que le mot sophiste est lié à l'habilité). Mais je me demande alors s'il n'est pas possible qu'un tel sophiste ait juste voulu, par exemple, aider les jeunes gens à oser approfondir leurs doutes sans avoir peur de penser que les vérités apprises ne sont peut-être pas si vraies, ou pour inciter les gens à ne pas être trop confiants en les vérités prétendues. Cela dit, il n'aide pas à ce qu'on puisse construire sur des vérités solides en pratique, et avec le recul, on peut trouver qu'il a participé à retarder le développement de la science.

Mais n'y a-t-il pas un parallèle avec le cas de Platon ? Ses discours avaient certainement pour but de bonnes intentions, mais on pourrait penser qu'ils auront participé à ce qu'on a longtemps idéalisé et à ce qu'on idéalise encore, et on pourrait trouver que ça n'aide pas à ce qu'on se fasse des idées plus précises sur les choses. Par exemple, notre cœur peut continuer à croire en la liberté absolue pendant que notre raison n'y croit plus. Dans ce cas, on peut se retrouver à dire qu'on n'est jamais vraiment libre, c'est-à-dire que l'on appelle vraie cette liberté qui n'existe pas, et fausse celle que l'on ressent, au lieu de penser que c'est notre conception de la liberté qui est foireuse (de même que l'était la conception d'une Terre plate, c'est-à-dire qu'elle peut avoir valeur tant qu'on ne touche pas à ses limites). Ainsi, on pose pied sur une terre nouvelle qui ne correspond pas à ce que l'on croit connaître, et on l'appelle fausse au lieu de l'explorer. Ce pourrait être là du gâchis. Auquel cas on pourrait considérer que Platon nous a retardé sur un point comme le sophiste précédent sur un autre (sans que ça veuille dire que Platon ne nous a avancé en rien).

Je me demande en fait si ce qu'on pourrait dire de Platon pour ne pas le voir comme sophiste, ne peut pas être dit aussi pour les sophistes, ou sinon pour plusieurs d'entre eux. Si on dit que Platon y croyait vraiment et qu'il ne pouvait pas voir ce de quoi il retardait le développement, on pourrait peut-être dire une chose semblable du sophiste précédent, qu'il croyait qu'il est bon de sentir que rien n'est vrai et qu'il ne voyait pas la science telle qu'elle allait être, et qu'il ne pouvait pas savoir qu'il la retardait. Si on dit le sophiste habile à nous tromper, on pourrait dire de même de Platon, habile à nous faire croire des choses auxquelles ensuite on ne croit plus tout à fait (le cas échéant, bien sûr).

Platon semble accorder plus de valeur au dialogue qu'aux vérités qu'il pourrait avoir atteintes, pendant que le sophiste semble prétendre dire des vérités. Mais il ne s'agit pas de propositions à appliquer aveuglément, mais plutôt quelque chose à ressentir. Par exemple, le fait d'avoir le sentiment pendant un moment que l'homme est la mesure de toutes choses, ne nous retirera pas l'impression contraire, mais pourrait nous ouvrir sur certaines choses, et nous aider à être plus sages. C'est peut-être seulement une façon différente de chercher la sagesse. Ce qui me rappelle que certains ne veulent pas voir en Nietzsche un philosophe parce qu'il n'a pas vraiment cherché à écrire sous forme de longs raisonnements, mais plutôt à nous montrer différents aspects des choses, probablement pour aider le lecteur à s'ouvrir l'esprit et à ne pas se fourvoyer dans sa recherche de la sagesse.

Parmi tous ces habiles, naturellement qu'il y aura eu des imposteurs. Mais pourquoi réduire les grands sophistes à leur habilité, comme s'ils n'avaient pas d'autre valeur ?

En fait, je ne sais pas vraiment ce qu'il en est du lien entre Platon et notre idéalisme (de cœur sinon de raison). Mais il se trouve qu'en imaginant cela possible, je peux avoir pour Platon un sentiment semblable à celui que certaines choses auront pu me donner pour les sophistes. Ce qui suffit à m'indiquer que cette histoire de sophiste est plutôt une histoire d'apparence, selon notre idée de la philosophie, elle-même selon nos passions (selon ce qui nous choque, selon nos désirs, notre orgueil, et sûrement d'autres).

Je ne sais pas si mon exemple est bon, mais je crois qu'on voit l'idée, et si besoin, on pourra peut-être aider à en avoir un meilleur.

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Le seul fait de distinguer φιλόσοφοι et sophistes est-il fondé ?
Les Anciens ne font pas une telle chose. On sait peu de chose de l'ambassade athénienne de 155 av. J.-C., hormis que Carnéade fera un jour l'éloge de la Justice, pour démontrer son inutilité le lendemain (cf. Cicéron, De Republica, III, 6, 9). Et si des "sophistes" se disaient φιλόσοφοι, on trouve des φιλόσοφοι qui se disent σοφισταί (littéralement, professionnels de la σοφία).

Aelius Aristide a écrit:
A mon avis, on ignore totalement le sens et la valeur qu'avait chez les Grecs le mot φιλόσοφοι, comme on ignore globalement les pratiques qui relevaient de ce domaine. Hérodote ne donne-t-il pas le nom de « sophiste » à Solon ainsi qu'à Pythagore ? Androtion ne parle-t-il pas des sept « sophistes » à propos des Sept sages ? Même Socrate, il l’appelle « sophiste ». Quant à Isocrate, il appelle « sophistes » les spécialistes de la discussion et ceux qui se donnent à eux-mêmes le nom de « dialecticiens ». Lui-même se réserve le nom de φιλοσοφος et donne ce nom aux rhéteurs et aux spécialistes de la conduite politique. Certains de ses contemporains en font autant. Lysias ne donne-t-il pas à Platon le nom de « sophiste », ainsi qu'à Eschine ? Oui, mais en un sens péjoratif, pourrait-on dire. Et pourtant, les autres auteurs ont utilisé ce nom dans un sens non péjoratif. Par ailleurs, s'il était permis d’attaquer Platon en le traitant de « sophiste », de quel nom alors faudra-t-il appeler les sophistes eux-mêmes ? En fait, je pense que « sophiste » était sans doute un terme générique, et que par φιλοσοφια, on désignait à la fois une certaine recherche des belles choses et une pratique des discours, contrairement à aujourd'hui : c’était plutôt une culture commune - en témoignent Démosthène et dix milles autres.
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