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L'éternel retour

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4 participants

descriptionL'éternel retour  - Page 2 EmptyRe: L'éternel retour

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Zingaro a écrit:
Je crois que cette épreuve est faite pour des hommes dont la vie est relativement plate, ennuyeuse, parcourue de souffrances.

C'était l'argument de Schopenhauer pour refuser l'éternel retour de toutes choses, l'ennui. Il pariait qu'aucun homme ne voudrait revivre sa vie, mais, devant l'ennui d'une telle perspective, préférerait le saut dans l'inconnu que représente la mort, à la manière de Baudelaire.

Silentio a écrit:
Nietzsche dit qu'un seul moment de plaisir peut justifier l'existence, mais ma vie, ouverte sur un avenir inconnu, me réserve beaucoup de choses et il me faudrait peut-être attendre la fin de l'histoire pour l'apprécier dans son ensemble.

Nietzsche prétend que le plaisir est plus fort que la douleur, il sous-entend ainsi que la vie n'est faite que de ces deux sentiments. Vous pouvez donc vivre jusqu'à la fin des temps, vous ne connaîtrez de la vie que souffrance et plaisir.

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Zingaro a écrit:
Silentio a écrit:
C'est une expérience de pensée intéressante mais qui ne nous aide pas vraiment puisque si on la pense jusqu'au bout on débouche sur le présent tel qu'il se fait dans l'instant, sur l'événementialité du monde et de l'existence individuelle.


Cette expérience ne nous aide pas vraiment, précisément ! Pour Nietzsche, c'est une épreuve. je crois qu'elle correspond à un style de vie différent bien qu'elle aborde un problème fondamental. Je crois que cette épreuve est faite pour des hommes dont la vie est relativement plate, ennuyeuse, parcourue de souffrances. Elle leur est grandement utile parce qu'elle oblige à faire face à cette étendue "monstrueusement" grande et grise, à déployer la longue chaîne des instants quelconques et à faire un bilan. Est-ce que ça vaut la peine ? Et surtout, comment est ce que ça peut valoir la peine ? Cette expérience est d'après moi d'autant plus d'actualité que nous croulons sous les événements, si bien qu'il est difficile de se mettre à une telle distance que celle que requiert l'éternel retour. Nous arrive-t-il encore, si ce n'est peut être avec la naissance d'un enfant ou à la fin des études, de se figurer la monstruosité de la vie, des années, du poids du temps, et de ressentir cette grande lassitude ? Je ne crois pas, nous nous éparpillons dans tous les sens et par là le temps s'éparpille lui aussi. Pourtant il me semble que cette expérience est nécessaire si on veut espérer dégager, engendrer un sens authentique. Il faut refuser cet éternel retour, cette grande lassitude, pour amorcer un changement significatif dans notre rapport à la vie, un changement de fond - sans quoi on continue à exercer un oubli à l'allure mécanique et on revient inlassablement au retour du même.


Pour Nietzsche l'éternel retour sert à adhérer inconditionnellement à la vie dont le fond est souffrance. L'éternel retour est sélectif, c'est une abomination pour le chrétien qui refuse la vie, à cause de la souffrance, et croit en l'immortalité de l'âme dans l'au-delà. Mais peu de gens seraient prêts à véritablement accepter l'éternel retour à l'identique de toute chose : il n'y a pas d'espoir à avoir, pas de salut, pas de bonheur dans la mort, seulement la vie, la même vie, les mêmes souffrances à l'infini (également les mêmes joies et plaisirs). Nous sommes enfermés dans cette vie et dans ce monde (comme les personnages d'un roman le sont de leur histoire ; à la fin il suffit au lecteur d'ouvrir à nouveau le livre à la première page, de recommencer la lecture). Autant dire que certains seront chanceux en pouvant jouir de la vie tandis que d'autres vivront l'enfer ici et maintenant en étant condamnés par ce qui ne dépend pas d'eux et/ou par leurs propres choix. Le problème, aussi, me semble être celui de l'oubli pour vivre. La vie est une somme d'erreurs, d'hésitations, de choix arbitraires, d'expériences, etc. L'éternel retour ce serait peut-être, finalement, tout soumettre au tribunal de la raison, ou d'une certaine raison, en reconnaissant à chaque fois dans ce qu'on décide et fait que tout correspond à notre volonté, à la vie que l'on s'est fixée, que l'on ne veut pas rater éternellement. Mais la vie, justement, c'est se débrouiller avec l'inconnu au quotidien, avec l'imprévu, etc. Alors on peut aussi dire, au contraire, qu'au lieu de nous ouvrir à l'action, la pensée de l'éternel retour nous fait sacraliser le réel et nous plonge dans la passivité à l'égard de ce qui est ; tout se vaut et il sera héroïque (et stupide) d'accepter sans broncher toute injustice, tout mal. En tout cas, ce qui est intéressant, peu importent les conséquences de cette pensée, c'est qu'elle permet de se placer à la jonction de l'éternité et du temps, de penser la vie et l'action à la fois dans le présent, l'instant, l'événement, et dans l'histoire et l'absolu. C'est se dire que le problème de la praxis, de l'action, prime : c'est à la fois nécessaire et contingent, d'autant plus nécessaire que contingent et nécessaire aussi bien vis-à-vis de la vie telle que vécue au présent et dans l'ouverture au futur, mais aussi en tant que telle action s'inscrit dans le plan d'ensemble d'une histoire individuelle et d'une histoire collective de l'humanité. Ce qui devrait, je le crois, nous préoccuper et nous mener à la responsabilisation plutôt qu'à l'hédonisme.

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Silentio a écrit:

Pour Nietzsche l'éternel retour sert à adhérer inconditionnellement à la vie dont le fond est souffrance. L'éternel retour est sélectif, c'est une abomination pour le chrétien qui refuse la vie, à cause de la souffrance, et croit en l'immortalité de l'âme dans l'au-delà. Mais peu de gens seraient prêts à véritablement accepter l'éternel retour à l'identique de toute chose : il n'y a pas d'espoir à avoir, pas de salut, pas de bonheur dans la mort, seulement la vie, la même vie, les mêmes souffrances à l'infini (également les mêmes joies et plaisirs). Nous sommes enfermés dans cette vie et dans ce monde (comme les personnages d'un roman le sont de leur histoire ; à la fin il suffit au lecteur d'ouvrir à nouveau le livre à la première page, de recommencer la lecture). Autant dire que certains seront chanceux en pouvant jouir de la vie tandis que d'autres vivront l'enfer ici et maintenant en étant condamnés par ce qui ne dépend pas d'eux et/ou par leurs propres choix. Le problème, aussi, me semble être celui de l'oubli pour vivre. La vie est une somme d'erreurs, d'hésitations, de choix arbitraires, d'expériences, etc. L'éternel retour ce serait peut-être, finalement, tout soumettre au tribunal de la raison, ou d'une certaine raison, en reconnaissant à chaque fois dans ce qu'on décide et fait que tout correspond à notre volonté, à la vie que l'on s'est fixée, que l'on ne veut pas rater éternellement. Mais la vie, justement, c'est se débrouiller avec l'inconnu au quotidien, avec l'imprévu, etc. Alors on peut aussi dire, au contraire, qu'au lieu de nous ouvrir à l'action, la pensée de l'éternel retour nous fait sacraliser le réel et nous plonge dans la passivité à l'égard de ce qui est ; tout se vaut et il sera héroïque (et stupide) d'accepter sans broncher toute injustice, tout mal. En tout cas, ce qui est intéressant, peu importent les conséquences de cette pensée, c'est qu'elle permet de se placer à la jonction de l'éternité et du temps, de penser la vie et l'action à la fois dans le présent, l'instant, l'événement, et dans l'histoire et l'absolu. C'est se dire que le problème de la praxis, de l'action, prime : c'est à la fois nécessaire et contingent, d'autant plus nécessaire que contingent et nécessaire aussi bien vis-à-vis de la vie telle que vécue au présent et dans l'ouverture au futur, mais aussi en tant que telle action s'inscrit dans le plan d'ensemble d'une histoire individuelle et d'une histoire collective de l'humanité. Ce qui devrait, je le crois, nous préoccuper et nous mener à la responsabilisation plutôt qu'à l'hédonisme.


Autant dire l'éternel retour comme tribunal des vieux hommes abîmés et las !


Je ne crois pas qu'on puisse dire que l'éternel retour nous fige dans une sacralisation du réel, dans un non-agir. Je rejoins Camus sur ce point ; celui qui passe effectivement l'épreuve de l'éternel retour n'a que deux choix, le suicide ou le oui à la vie par delà la souffrance et surtout, par delà leur mutuelle absence de sens.  De même que les explications "physiques" ne me satisfont absolument pas, je les trouve assez fantaisistes et je crois qu'à la rigueur, leur véritable valeur est d'induire l'expérience de l'éternel retour, en aucun cas de lui donner une sorte de réalité concrète et encore moins sacrée (du moins dans l'approche Nietzschéenne).


Faut-il préciser que j'ai une relation particulière à l'éternel retour parce qu'il me rappelle ces interminables migraines qui me prenaient plus jeune, et encore parfois aujourd'hui bien que leur fréquence ait diminué. J'ai déjà, sous le coup de la douleur, et notamment une fois dont je me souviens particulièrement, pesé le pour et le contre. Vais-je attendre une, deux, trois ou quatre heures de vomir enfin de douleur dans une sorte de funèbre apothéose, et quand ça sera fait, vais-je attendre la prochaine crise ? Ne serait-il pas mieux de mettre un terme à ce cache cache infernal sur le champ ?  Ce qui m'a retenu, sans faire dans le drame, ce n'est pas l'espérance d'une situation meilleure mais une rage profonde, un noyau qui veut vivre, qui doit vivre. Il ne m'a pas tellement retenu ; disons que ce noyau, par la douleur, se rencontrait lui-même à travers une conscience chancelante.


Et là je me permets, puisque vous ouvrez sur la rencontre du temps et de l'éternité, de glisser une métaphore (de mémoire) de Kafka :


Il y a deux protagonistes, un qui lui barre le chemin, et l'autre qui le pousse à avancer


(d'ailleurs, quelqu'un se souvient-il du livre dans lequel Kafka fait cette métaphore ? )


Je vois la chose comme ça :


Le présent se situe à l'acte (ne rien faire c'est déjà faire quelque chose) comme "0", et les pensées sont autant de * selon qu'elles sont tournées vers le futur ou le passé


Ça donne quelque chose comme, pour le nihiliste :
*******0*******
Pour le Non à la vie :
***************0
Et le grand midi, le OUI
O**************
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